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51e Assemblée générale de l’African Airlines Association : Deux fois plus d’Africains prendront l’avion

1 fév 2020 | PAR Jean-Michel Durand | N°347
Vijay Poonoosamy, directeur des Affaires internationales et publiques du groupe QI : « La part de marché de l’aviation africaine va croître… avec ou sans les compagnies aériennes africaines. » ©Droits réservés
La 51e assemblée générale annuelle de l’African Airlines Association (AFRAA), qui s’est tenue à Maurice en juillet 2019, a appelé à une meilleure collaboration entre les compagnies aériennes africaines. Objectif : accroître leur part de marché dans un secteur en pleine explosion.

« En Afrique, le secteur aérien soutient déjà une activité économique de 55,8 milliards de dollars et de 6,2 millions d’emplois. Et cela, alors que la demande de voyages aériens en Afrique devrait plus que doubler ces deux prochaines décennies ! Le rôle crucial de l’aviation dans le développement économique et social du continent augmentera en proportions égales », assure, optimiste, Alexandre de Juniac, le directeur général de l’Iata (Association internationale du transport aérien) et invité vedette de la 51e Assemblée générale annuelle (AGA) de l’ AFRAA (Association des compagnies aériennes africaines).
Initialement prévue au Cameroun, cette 51ème AGA s’est tenue finalement à Maurice. Elle a accueilli 379 délégués comprenant des directeurs de compagnies aériennes – pas seulement africaines -, des dirigeants et des acteurs de l’aviation, tous réunis pour planifier l’avenir de l’aviation en Afrique. 

Lever les obstacles

Soulignant le rôle de l’aviation dans le développement économique d’un pays, le Malien Abdérahmane Berthé, secrétaire général de l’AFRAA, a pris comme exemple Maurice. Et Somas Appavou, le P-DG d’Air Mauritius (la compagnie nationale aérienne mauricienne), d’assurer que « la connectivité aérienne a beaucoup contribué au développement de mon pays. Elle pèse 22,6 % de notre PIB, soit trois milliards de dollars en termes d’activité économique. » Mais si les compagnies aériennes africaines ont transporté en 2018 plus de 91 millions de passagers, soit une augmentation de 5,5 % par rapport à l’année précédente, « cela ne représente que 2,1 % du marché mondial », modère le secrétaire général de l’AFRAA. Et surtout, « les compagnies du Nord se partagent 61 % du marché africain », s’alarme Vijay Poonoosamy, ancien Managing Director d’Air Mauritius et ancien vice-président d'Etihad Airways et actuellement employé par le groupe singapourien QI. La conséquence : les compagnies aériennes africaines ne sont pas rentables. Selon l’Iata, elles ont perdu, en 2018, collectivement 100 millions de dollars ! 
Pour profiter du potentiel de croissance du trafic aérien en Afrique, cela ne peut passer que « primo, par la levée des restrictions et des obstacles à la circulation des personnes et des marchandises ; secundo par la réduction des taxes et redevances », assure Abdérahmane Berthé. Consciente de ces enjeux, l’Union africaine (UA) a lancé, en 2018, le Marché unique du transport aérien en Afrique (Mutaa) puis en 2019 la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Par ces actions, l’UA vise à unifier le transport aérien africain et à libéraliser l’aviation civile. 
Une étude, présentée à l’issue de la 51e assemblée générale annuelle par Sabre Corporation, un fournisseur majeur de solutions technologiques, a révélé que « la levée des barrières à la libre circulation sur le continent pourrait dès 2020 pousser les touristes africains à augmenter de 27 % leur budget de voyage ».  Ce sondage a été réalisé auprès d’un échantillon de 5 000 personnes en Afrique du Sud, au Nigéria et au Kenya. 
Concernant le poids des taxes et redevances sur le prix des billets, Gaoussou Konaté, directeur des affaires technique et des opérations à l’AFRAA, souligne que « les compagnies aériennes africaines, qui ont des coûts plus élevés - presque le double de ceux des transporteurs européens, - vendent leurs billets parfois à un tarif inférieur pour des distances comparables. Pourtant une fois que vous ajoutez les taxes et redevances, le prix du billet explose et n’incite pas le passager à voyager ! »

 

Alexandre de Juniac, directeur général de l’Iata : « En Afrique, l’aviation soutient une activité économique de 55,8 milliards de dollars et 6,2 millions d’emplois ! »
Alexandre de Juniac, directeur général de l’Iata : « En Afrique, l’aviation soutient une activité économique de 55,8 milliards de dollars et 6,2 millions d’emplois ! »   © IATA
 

Soutenir les affaires

 « Les taxes et redevances dans l’espace aérien africain sont parmi les plus élevées au monde, ce qui affecte grandement notre compétitivité », déplore Abdérahmane Berthé. Selon lui, il faut  diminuer ces taxes pour développer l’activité aéroportuaire. La perte de rentrées fiscales pour les États peut être compensée par une augmentation du trafic aérien. Cela passe par une (meilleure) collaboration entre les compagnies aériennes africaines. Comme le souligne Brendan Sobie, un ancien analyste en chef du CAPA (Centre for Aviation, un important centre de recherche sur l’aérien) : « En Afrique, il y a aujourd’hui 400 lignes internationales, mais seules 68 sont desservies par au moins deux vols quotidiens. Ce continent a besoin de lignes plus fréquentes afin de soutenir les affaires et le commerce. »
Mais comment faire ? « Aujourd’hui, en Afrique, plus de 80 % des vols décollent avec moins de 120 passagers à bord », ajoute Raul Villaron, directeur du marketing Emea  (Europe, Moyen-Orient et Afrique) du constructeur aéronautique brésilien Embraer. Bref, il apparaît difficile pour les compagnies aériennes africaines de continuer à opérer de la même manière. « C’est pourquoi l’AFRAA demande aux compagnies aériennes africaines de renforcer leur coopération pour réduire leurs coûts et accroître leurs revenus. Cette coopération peut être capitalistique, commerciale mais aussi technique et opérationnelle. Il faut être réaliste, il est impossible d’avoir 54 compagnies de taille critique en Afrique, qui compte 54 États », assure son secrétaire général. 
Mais alors de quel type de collaboration parle-t-on ? S’agit-il pour les « grosses » compagnies d’absorber les « petites » ? « Personne n’a intérêt à avoir une mainmise », rassure Vijay Poonoosamy. Au contraire, « tout partenariat doit être gagnant-gagnant. C’est aux partenaires de déterminer les éléments d’un accord car il ne s’agit pas d’un simple partage à 50 %. Une petite compagnie qui, par exemple, n’aurait que 40 % dans un accord de partenariat peut s’en servir comme levier, un levier qui dépasse largement en fait ces 40 % ! La coopération pourrait permettre à des compagnies de se mettre ensemble lors d’achats d’avion », ajoute l’ancien Managing Director d’Air Mauritius.
Mais la collaboration ne se limite pas seulement aux compagnies aériennes. Ali Tounsi, secrétaire général du Conseil international des aéroports Afrique (ACI Africa), indique que « la plupart des aéroports en Afrique ne sont pas rentables. Seuls 20 % d’entre eux ont un trafic supérieur à un million de passagers par an, qui est considéré comme le seuil de rentabilité ! » De fait, la création de hubs aéroportuaires régionaux devient également un enjeu. Ces pôles d’attractivité permettraient la création d'un centre de fret, une activité qui a longtemps été inexploitée sur le continent. Seules quatre compagnies aériennes africaines (Ethiopian Airlines, South African Airways, EgyptAir et Kenya Airways) ont une véritable flotte de fret dédiée.
Conséquence : « On estime que 85 % du fret vers et en provenance de l’Afrique est assuré par des transporteurs étrangers. Les Africains se partageant les 15 % restants », regrette Aaron Munetsi, directeur des affaires étatiques, juridiques et industrielles à l’AFRAA. « C’est bien la preuve, encore une fois, que le développement du trafic aérien est un problème complexe qui exige l'engagement de toutes les parties prenantes de la chaîne de transport », conclut Abdérahmane Berthé.

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