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Océan Indien

Cette économie de comptoir qui sévit encore trop

Maurice est un jeune pays qui fête ses 50 ans ce 12 mars 2018. Entendez par là 50 ans d’indépendance, avec tous les défis que cela suppose, le premier étant de franchir un nouveau cap pour devenir un pays à revenu élévé. Et ne pas rester éternellement une économie intermédiaire. Dans un pays fortement vieillissant, après avoir achevé sa transition démographique, les ressources humaines seront la clé de la réussite. Des ressources humaines à importer si nécessaire, mais aussi, et surtout, à former, à coacher, à rendre plus créatives et productives… Notre dossier « Mauritius Tomorrow », publié dans ce numéro de « L’Eco austral » vous en dira plus.  

LE BON VIEUX TEMPS DES COLONIES

Les mouvements sociaux au Centre hospitalier universitaire (CHD) de La Réunion ont permis à ceux qui l’ignoraient d’apprendre que cette grosse entreprise était de très loin le premier employeur de l’île. Dans son rapport d’activité 2016, le CHD parle de 6 924 professionnels, la plupart étant du personnel non médical. Il souligne aussi qu’il contribue au PIB de La Réunion à hauteur de 6 % et qu’il en est le deuxième investisseur. Le plus intéressant, c’est de constater qu’en l’espace de quatre ans, il aurait créé 1 124 postes supplémentaires. En effet, dans un entretien publié par le magazine Santé Austral en mai 2013, le directeur général de l’époque, David Gruson, évoquait 5 800 salariés. Sachant qu’aujourd’hui on parle de 155 suppressions de postes dans le cadre d’un plan de redressement (la grosse machine affichant un déficit), cela permet de relativiser. 
Dans ses comptes, le CHD doit prendre en charge des salaires majorés par rapport à l’Hexagone. Cette fameuse sur-rémunération de la fonction publique dans les Outre-mer, héritage des primes coloniales d’autrefois. Tout le monde sent bien qu’elle ne correspond plus à la réalité, mais tout le monde sait aussi que si elle disparaissait, ne serait-ce que pour les nouvelles recrues, La Réunion n’y gagnerait rien. On peut sérieusement douter, en effet, que l’État profite de ces économies substantielles (de l’ordre de 40 % sur la masse salariale) pour créer des emplois supplémentaires. 
Résultat, tout le monde prône le maintien du statu quo et lorsque des velléités de réforme apparaissent du côté de Paris, on promet aux audacieux un cyclone social. Ainsi se perpétue le bon vieux temps des colonies. Et tout le monde en profite ou pense en profiter. La prime de vie chère est justifiée… par la vie chère qui est dopée… par la prime. L’inconvénient, c’est que cela contribue à perpétuer une économie de comptoir. Il existe, c’est vrai, une production locale, mais placée bien souvent sous perfusion pour surmonter les « handicaps structurels » qui ont parfois bon dos. En Afrique, où l’argent public ne coule pas à flots, cette production locale existe peu. Les matières premières sont exportés sans création de valeur ajoutée et seulement une infime partie de la population en profite. 

LE BESOIN D’UNE POLITIQUE TERRITORIALE

Située sur le continent africain, La Réunion a la chance d’appartenir à la France et à l’Union européenne qui peuvent lui apporter les moyens de mettre fin à l’économie de comptoir. Mais encore faut-il adopter la bonne stratégie et disposer d’une marge de manœuvre importante. En ce sens, le président de Région, Didier Robert, lors de ses vœux adressés à la presse, s’est montré offensif, invoquant un droit à la différenciation au lieu d’un simple droit à l’expérimen -tation. Ne souhaitant pas relancer un débat institutionnel, notamment sur l’adoption d’une assemblée unique (qui aurait pourtant du sens, mais le sujet est tabou), le président de la principale collectivité réunionnaise demeure sur sa ligne de l’autonomie économique. Il s’est engagé clairement contre les incinérateurs et en faveur d’une économie circulaire visant le zéro déchet. 
Un gros challenge pour La Réunion, de même que celui des énergies renouvelables et de l’autonomie électrique que prône Didier Robert. La première source d’énergie, pour produire l’électricité à La Réunion, demeure le charbon et, en 2017, les énergies renouvelables ont même reculé. Le droit à la différenciation est plus que jamais nécessaire pour mener une véritable politique territoriale.