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Réunion

De la fibre au réseau mobile, la « Smart Island » en ordre de marche

Sur les marchés de l’Internet à très haut débit comme du mobile, la forte concurrence entre opérateurs privés corrélée aux politiques publiques est le vecteur d’un développement structurel soutenu.

« On devrait atteindre les objectifs du Plan très haut débit plus tôt que prévu avec 100% des foyers éligibles d’ici à 2020. » Vincent Payet, conseiller régional délégué au Développement numérique et aux Industries de l’image, ne cache pas son enthousiasme. On peut le comprendre. Au rythme actuel, soit 8 000 nouvelles prises (foyers éligibles au très haut débit) par mois, La Réunion devrait être le premier département français 100% couvert, là où l’objectif national se situe à l’horizon 2022-2023. L’optimisme est également de rigueur du côté de la préfecture. Pour Jean-Jacques Tomasini, chargé de mission TIC et Tourisme, « ce rythme très soutenu est dû à l’excellente synergie entre les différents acteurs ». La concurrence pour raccorder les foyers en FttH (Fiber to the Home) nécessite même parfois de freiner les opérateurs pour éviter les doublons. « Nous devons beaucoup discuter et arbitrer », précise le représentant de l’État.
 

Vincent Payet, conseiller régional délégué au Développement numérique et  aux Industries de l’image : « On devrait atteindre les objectifs du Plan très haut débit plus tôt que prévu avec 100% des foyers éligibles d’ici à 2020. »
Vincent Payet, conseiller régional délégué au Développement numérique et aux Industries de l’image : « On devrait atteindre les objectifs du Plan très haut débit plus tôt que prévu avec 100% des foyers éligibles d’ici à 2020. »  Guillaume Foulon
 

ÉVITER TOUTE FRACTURE NUMÉRIQUE

Là où le processus est plus lent, en revanche, c’est pour les zones non-couvertes par les opérateurs privés. Six communes ont été identifiées et seront équipées par un réseau régional. « L’appel d’offres vient d’être lancé, précise Vincent Payet. Un prestataire sera désigné pour installer le réseau, puis celui-ci sera loué par la Région aux opérateurs. » Cette partie ne devrait pas poser de problème. Les difficultés se concentrent en revanche dans les écarts, ces zones où les opérateurs ont obtenu le marché pour fibrer mais où ils n’installeront pas leur réseau pour des raisons de rentabilité. « Nous savons déjà qu’il y aura des trous dans la raquette, explique Jean-Jacques Tomasini. Pour le moment les opérateurs n’annoncent pas clairement où ils n’iront pas ; donc, nous ne pouvons pas agir. » D’ici à 2018-2019, toutes ces zones « noires » devraient être identifiées. Au total, ce sont 180 millions d’euros financés par la Région, l’État et l’Union européenne qui seront investis dans ce réseau public complémentaire du réseau très haut débit privé. Des hauts de Saint-Joseph au centre-ville de Saint-Denis, personne à La Réunion ne sera laissé sur le bord du chemin. Tel est l’objectif de la puissance publique qui regarde par ailleurs avec un grand intérêt l’initiative du consortium privé pour l’installation du câble sous-marin METISS destiné à remplacer le SAFE (lire notre encadré à ce sujet).
 

Jean-Jacques Tomasini, chargé de mission TIC et Tourisme pour le compte de l’État au sein de la préfecture : « La Réunion est très bien couverte. Nous y contribuons financièrement via des dispositifs de défiscalisation pour les opérateurs car il s’agit d’investissement industriel.
Jean-Jacques Tomasini, chargé de mission TIC et Tourisme pour le compte de l’État au sein de la préfecture : « La Réunion est très bien couverte. Nous y contribuons financièrement via des dispositifs de défiscalisation pour les opérateurs car il s’agit d’investissement industriel.   Guillaume Foulon

 

 

UNE RUDE BATAILLE S’ANNONCE DANS LE MOBILE

Parallèlement à ce développement du réseau très haut débit, ça bouge aussi sur un marché voisin : celui du mobile. Impossible, pour commencer, de passer à côté de l’arrivée du groupe Iliade et sa filiale Free Mobile à La Réunion. Longtemps attendu par les Réunionnais, l’opérateur n’a pas déçu pour son lancement avec une offre illimitée et sans engagement à 9,99 euros, annoncée comme « deux fois moins chère qu’en Métropole ». En jouant sur la corde du pouvoir d’achat, Free Mobile a touché un point sensible. Mais le point d’interrogation reste le réseau. Free répond sans détour : « Nous avons obtenu notre licence l’an dernier et déployé notre réseau pour couvrir en 4G+ 98%de la population dès le lancement. Nous continuons à développer ce réseau et investissons des dizaines de millions d’euros. » De son côté, Zeop développe un réseau 4G+ et 5G et devrait très rapidement lancer ses offres commerciales (voir notre article dans ce dossier) tandis que SFR et Orange continuent à investir pour entretenir et perfectionner leurs installations. Une concurrence que voient d’un très bon œil les acteurs publics que sont la Région et l’État et qui, chacun à leur manière, soutiennent le développement du réseau mobile. « La Réunion est très bien couverte, assure Jean-Jacques Tomasini. Nous y contribuons financièrement via des dispositifs de défiscalisation pour les opérateurs car il s’agit d’investissement industriel. » À la pyramide inversée (siège de la Région Réunion), on met en avant le réseau WiRUN qui compte plus de 60 spots WiFi gratuits et supporte près de 80 000 visites par mois. « On veut atteindre à terme 100 spots et nous sommes en train de les ‘upgrader’ en fibre, assure Vincent Payet. On doit avoir accès à Internet où que l’on soit à La Réunion. » Un réseau structuré au service d’une économie dynamique, une idée qui inspire l’élu régional. « Le développement numérique, c’est comme une maison. Les infrastructures sont les fondations, les murs sont les hommes et leurs compétences et le toit la valeur ajoutée à l’économie locale. » Jean-Jacques Tomasini y voit lui un modèle vertueux. « Les politiques publiques donnent l’impulsion et sont utilisées comme un tremplin par les acteurs privés. De ce point de vue, le secteur du numérique a vraiment valeur d’exemple. »

LE CÂBLE SOUS-MARIN METISS À LA RESCOUSSE
Depuis juillet, les incidents se multiplient sur le câble sous-marin SAFE qui, avec l’autre câble sous-marin LION, dessert La Réunion. Vieillissante, cette infrastructure est un goulot d’étranglement pour le réseau et la cause d’un surcoût important pour les opérateurs (et donc les consom-mateurs) qui doivent acheter de la bande-passante à un prix élevé. Afin de doter La Réunion d’un réseau plus performant mais également d’être co-propriétaires de cet équipement, les acteurs locaux se sont réunis au sein d’un consortium regroupant Blueline, Canal+ Telecom, Emtel, SRR, Telco OI, Telma et Zeop. Leur projet est de construire et d’exploiter le futur câble sous-marin METISS, prévu pour 2018-2019, qui doit relier par fibre optique Maurice à l’Afrique du Sud en passant par La Réunion. Montant de l’opération : entre 75 et 80 millions d’euros. Dans le même temps, et pour pallier à ce désavantage structurel lié à l’insularité, l’État a mis en place cette année un dispositif de continuité territoriale numérique. « Les opérateurs sont soutenus dans l’achat de bande-passante et doivent répercuter cette aide dans leur offre aux usagers », explique Jean-Jacques Tomasini, chargé de mission TIC et Tourisme à la préfecture. Cette aide, soumise à contrôle, est dégressive dans le temps et « sera relayée par l’arrivée du câble METISS », précise-t-il.
LE « FRENCH TECH VISA » POUR ATTIRER TALENTS ET INVESTISSEURS ÉTRANGERS
Lancé en juin, le French Tech Visa est une extension du titre de séjour « Passeport Talent » mis en place fin 2016 pour attirer des talents inter-nationaux et faciliter leur accueil en France. Il permet l’obtention d’un titre de séjour de maximum quatre ans via une procédure simplifiée et accélérée. La Réunion étant un territoire labellisé French Tech, les acteurs concernés sont éligibles au dispositif, à condition, bien sûr, d’entrer dans les critères. Sont ciblés les entrepreneurs étrangers dé-veloppant un projet innovant, les salariés étrangers disposant d’expertise (recrutement uniquement pour les entreprises du réseau French Tech) et les investisseurs étrangers et Business Angels. « C’est un dispositif supplémentaire pour soutenir l’économie numérique réunionnaise, se réjouit Jean-Jacques Tomasini, chargé de mission TIC et Tourisme à la Préfecture. Nous avons déjà des entrepreneurs très ingénieux et c’est une bonne chose d’attirer de nouveaux talents, toujours dans l’idée de regarder à l’export et à l’international ».   
Pour connaître les critères d’éligibilité : http://visa.lafrenchtech.com/ 
Xavier Niel en compagnie de Neypatraiky Rakotomamonjy, ministre malgache des Postes, des Télécommunications et du Développement numérique,  le 4 juillet dernier.
Xavier Niel en compagnie de Neypatraiky Rakotomamonjy, ministre malgache des Postes, des Télécommunications et du Développement numérique, 
le 4 juillet dernier. MPTDN

XAVIER NIEL VA POURRAIT INVESTIR DANS UN INCUBATEUR À MADAGASCAR
Considéré comme étant un des leviers de développement du pays, le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) est une occasion pour Madagascar de faire un appel du pied aux plus grands investisseurs internationaux. Dans cette optique, Xavier Niel, grand patron du groupe Iliad et principal actionnaire de l’opérateur Free mobile, a rencontré Neypatraiky Rakotomamonjy, ministre des Postes, des Télécommunications et du Développement numérique, le 4 juillet dernier à Madagascar. Lors de leurs échanges, l’essentiel des dix projets présidentiels portant sur le développement des TIC dans le cadre du programme « Numérique pour tous » a été discuté. Les projets impliquent entre autres la mise en place d’infrastructures « ré-volutionnaires », comme la création de centres de formation, d’incubateurs et accélérateurs d’entreprises, les Data Center, le projet de Smart City, la transition vers la télévision numérique terrestre ou encore les bornes wifi. De quoi susciter l’intérêt de Xavier Niel qui est à l’origine de nombreux concepts ambitieux en France et même en Afrique. Il est no-tamment à l’origine de la « Station F », le plus grand campus de start-ups au monde ou encore de « L’école 42 », une école numérique portée sur la formation en informatique entièrement gratuite, ouverte à tous et accessible aux 18-30 ans. Cette rencontre pourrait ainsi concrétiser les desseins les plus ambitieux car, selon le ministère, le milliardaire français compterait investir dans certains des projets annoncés. Neypatraiky Rakotomamonjy lui aurait notamment proposé d’investir dans la mise en place d’un incubateur à Madagascar. 
NJARATIANA RAKOTONIAINA