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Réunion

De la formation à la (trans)formation : le grand défi de l’employabilité

Si la énième réforme de la formation professionnelle fait de l’« employabilité » sa priorité, la partie n’est pas gagnée pour autant et les acteurs concernés s’accordent à dire qu’il est encore trop tôt pour en juger. Les avis divergent quant à sa capacité de mettre au diapason formation et emploi. Et dans le contexte réunionnais de fort chômage, c’est aussi la création d’entreprise qu’il faut doper…

Dans ce dossier consistant, L’Eco austral s’attache à mieux comprendre tous les tenants et les aboutissants d’une énième réforme qui, comme trop souvent en France, ressemble à une « usine à gaz ». Avec une multitude de sigles qui évoquent des conseils et comités de toutes sortes. L’intention est louable de ne plus dépenser de l’argent à tort et à travers et de miser sur les formations qui conduisent à un emploi ou le confortent, mais, au bout du compte, il semble bien qu’il y ait moins d’argent sur la table. De nombreux organismes de formation commencent à souffrir et, pour certains, ont déjà mis la clé sous la porte. On peut d’ailleurs penser que c’était l'objectif de la réforme de « faire le ménage ».

D’autre part, il est toujours difficile de parler d’employabilité dans un monde du travail en perpétuelle révolution. Nokia avait commencé par fabriquer des bottes en caoutchouc avant de devenir un leader des téléphones portables, puis de connaître de sérieux revers, détrôné aujourd’hui par Apple et Samsung. La plupart des chefs d’entreprise sont bien conscients que le « savoir-être » est plus important que le « savoir-faire » qui s'acquiert beaucoup plus facilement. Mais la réforme a plutôt tendance à négliger tout ce qui concerne le coaching et le développement personnel qui, pourtant, sont les clés du « savoir-être ».
Si l’on vous fait choisir entre un diplômé de l’ENA et un agrégé en philosophie pour un poste stratégique, vous allez réfléchir un peu car l’ENA n’a pas toujours bonne presse et un bon « cerveau droit » dans une entreprise peut lui apporter beaucoup. Dans son livre « À demain Gramsci » (Cerf), Gaël Brustier écrit que « si François Hollande avait lu Gramsci, il serait ébahi de voir que oui, le latin et le grec sont les socles indispensables d’une éducation nationale dans un pays du Vieux continent ; que oui, il y a des moyens de rendre l’école véritablement égalitaire, non pas en simplifiant à outrance les apprentissages, mais en généralisant l’enseignement des humanités aux classes sociales les plus défavorisées. »
Un jugement qui laissera perplexes de nombreux employeurs qui pensent au contraire que l’apprentissage est une excellente chose et qu’il faut rapprocher toujours plus l’école et l’entreprise, s'en tenir à des matières « utiles ». Ils ont peut-être raison en un sens, mais Gaël Brustier n’a pas forcément tort. Car une entreprise a besoin aussi d’atypiques et de gens capables de penser au-delà de la technique et du savoir-faire pour se différencier de ses concurrents. Bien sûr, le contexte réunionnais, avec sa pression démographique qui alimente le chômage, est très différent de celui du Vieux continent.
Pour juguler ce chômage, il convient de doper la création d’entreprises et, là encore, on a besoin de « créatifs » sachant réfléchir et ayant le don de l’innovation et surtout d’une culture entrepreneuriale encore sous-développée. Tant que le rêve de la plupart des parents sera de voir leur progéniture entrer dans la fonction publique plutôt que de créer une start-up, tant qu’on étranglera les travailleurs indépendants avec des charges trop lourdes et des réglementations tatillonnes et tant qu’on ne fera pas rêver à des « success stories » dans l’entrepreneuriat, on avancera à petite vitesse. Il ne font donc pas seulement former mais (trans)former les jeunes Réunionnais. Heureusement, on sent un certain frémissement, mais le faible niveau d’une grande partie des demandeurs d’emploi, dont certains handicapés par l'illettrisme, et leur attachement à la formule traditionnelle du salariat ne permettent pas une moisson encore significative.
Tout le monde n’est pas fait pour créer son entreprise, mais il y en a beaucoup qui pourraient le faire et ne le font pas. Il y a là une piste à creuser…