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Défiscalisation : ne tombez pas dans le panneau !

Vu le poids de la fiscalité en France, la défiscalisation est un sport national mais qui réserve parfois de mauvaises surprises aux contribuables. C’est le cas avec l’arnaque des investissements dans les panneaux solaires Outre-mer, proposés par Jacques Sordes. Ce promoteur de l’énergie solaire est aujourd’hui à l’ombre…

Jacques Sordes purge actuellement une peine de six ans de prison à Fresnes. Il a été reconnu coupable d’une escroquerie estimée à 56 millions d’euros, basée sur l’article 199 undecies B du Code général des impôts, plus connu sous le nom de loi Girardin industriel. Il a convaincu quelque 5 000 épargnants d’investir dans un produit de défiscalisation, mais les panneaux solaires n’ont jamais été raccordés au réseau EDF et donc les contribuables n’ont jamais obtenu leur avantage fiscal.
La loi Girardin industriel permet de vendre un placement financier (en l’occurrence un investissement dans des centrales photovoltaïques) et de récupérer une somme supérieure au montant investi. Selon Hélène Féron-Poloni, avocate de plusieurs centaines de parties civiles, les contribuables devaient récupérer en avantage fiscal un montant supérieur de 20 % à leur investissement. Plutôt alléchant ! 
De 2007 à 2010, plus de 5 000 investisseurs se sont laissé convaincre par Jacques Sordes. Un sacré personnage, qui aimait étaler sa réussite dans le monde des affaires, montrant à qui le voulait une photo de lui aux côtés de Donald Trump et adorant qu’on l’appelle Jack Sword (« épée » en anglais). 

Un grand train de vie

Sur les 56 millions d’euros collectés par sa société DOM-TOM Défiscalisation (DTD), seule une petite dizaine a réellement été investis, en Guadeloupe et en Martinique, mais « les rares panneaux solaires qui ont été achetés n’ont jamais été connectés au réseau d’EDF », souligne Me Hélène Féron-Poloni. Or, pour l’administration fiscale, c’est la principale condition pour avoir droit à l’avantage fiscal ! L’essentiel de l’argent collecté a servi à assurer un train de vie agréable à Jacques Sordes et ses proches : un appartement à Manhattan, trois belles villas à la Martinique, un pied-à-terre au Luxembourg, des gros 4×4 allemands, etc.
En première instance, le 24 février 2017, le tribunal correctionnel de Paris l’a condamné à six ans de prison ferme pour « escroquerie en bande organisée » et 20 millions d’euros de dommages et intérêts. Ses biens immobiliers ont été saisis et l’Agrasc (Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués) a sollicité www.agorastore.fr pour mettre en vente aux enchères les biens situés en France. www.agorastore.fr est le spécialiste de la vente aux enchères des biens immobiliers et matériels divers (véhicules, bateaux, machines, mobilier, informatique, etc.) des collectivités françaises qui souhaitent opérer dans la plus grande transparence.
Jacques Sordes a accepté la sentence et purge tranquillement sa peine à Fresnes. Mais certains de ses complices, dont son ex-épouse, ont fait appel de la décision des juges. L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 mai 2018 permet d’en apprendre un peu plus sur les ressorts de l’arnaque. Elle a visiblement été rendue possible grâce à la complicité d’un fonctionnaire du fisc (qui s’est ensuite repenti et a dénoncé l’arnaque au procureur de la République) et de conseillers en gestion de patrimoine peu scrupuleux, qui ont servi de rabatteurs et ont reçu en échange plusieurs centaines de milliers d’euros de commissions.

Une très mauvaise pub pour l’Outre-mer 

Le préjudice de l’arnaque DOM-TOM Défiscalisation est énorme. Il y a tout d’abord ces 5 000 contribuables qui ont perdu leurs économies et ont dû rendre des comptes au fisc, qui a réintégré les réductions d’impôts, ajouté des intérêts de retard et une pénalité dite majoration d’assiette. Mais cela va plus loin : l’Outre-mer ne bénéficiera jamais de l’investissement que ces personnes voulaient y réaliser, puisque l’argent a été détourné au seul profit des prévenus. Sans oublier que cette arnaque porte un grave préjudice d’image à un dispositif pourtant indispensable au développement économique de l’Outre-mer. Selon certaines sources proches de l’enquête, sur les 56 millions escamotés, 15 % ont servi à payer des panneaux solaires, 10 % des commissions et Jacques Sordes a dépensé ou fait disparaître les 75 % restants, blanchis dans des biens immobiliers ou des produits financiers à l’étranger dont il a le secret. Lors de l’audience en appel, le procureur a indiqué que la justice française n’a pas obtenu la collaboration de la justice américaine pour récupérer les biens situés aux États-Unis.
Bref, à n’en pas douter, il y a aura du monde pour l’accueillir à sa sortie de prison, notamment des agents du fisc français, qui ne vont pas le lâcher, et l’assureur en responsabilité civile professionnelle (RCP) du cabinet conseil en gestion de patrimoine impliqué, qui doit indemniser le préjudice des épargnants qui se sont portés partie civile. Aux dernières nouvelles, le cabinet conseil en gestion de patrimoine condamné s’est pourvu en cassation.

FIP Outre-mer : le rendement et la sécurité
Pour payer moins d’impôts, on peut investir dans un FIP Outre-mer (Fonds d’investissement de proximité dédié principalement aux PME ultramarines), qui représente une prise de risque minime pour un retour sur investissement très intéressant. Comme son nom l’indique, le FIP est un fonds, il a pour vocation d’agglomérer dans un premier temps les sommes que lui confient les contribuables approchés, de façon à réunir une quarantaine de millions d’euros, somme à partir de laquelle on peut commencer à travailler correctement. Dans un deuxième temps, l’organisme financier qui gère le fonds va prendre des parts, minoritaires, dans plusieurs entreprises, travaillant dans des secteurs et sur des territoires différents (Antilles, Réunion, Guyane, Pacifique) pour lisser au maximum le risque, en ne mettant pas tous ses œufs dans le même panier. Car, malgré toutes les précautions que l’on peut prendre, il existe toujours un risque quand on met de l’argent dans une entreprise : celui qu’elle dispa-raisse, ce qui entraînerait la perte de l’investissement (mais pas de la ré-duction d’impôt). C’est cette prise de risque qui justifie le cadeau fiscal. En investissant 12 000 euros pour les célibataires ou 24 000 euros pour les couples mariés dans un FIP Outre-mer, et en conservant leurs titres pendants cinq ans minimum, les contribuables fiscalement domiciliés en France peuvent bénéficier d’une réduction de leur impôt sur le revenu (IR) de 38 % (contre 18 % pour un FIP métropole).
Concrètement, la réduction d’IR avec un FIP Outre-mer s’élève alors à 9 120 euros pour un couple marié et à 4 560 euros pour un célibataire (contre respectivement 2 130 euros et 4 260 euros pour un FIP métropole). Si tout se déroule comme prévu, à cet avantage fiscal substantiel s’ajoutent les dividendes et la plus-value à la sortie du dispositif.
Jamais trop prudent
Il existe une Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine (CNCGP), agréée par l’Autorité des marchés financiers (AMF), pour vérifier si déjà le professionnel qui se présente à vous est crédible. La CNCGP, qui s’appelait à l’époque CIP (Chambre des indépendants du patrimoine), avait envoyé dès 2009 une mise en garde au cabinet conseil en gestion de patrimoine impliqué dans l’affaire DOM-TOM Défiscalisation, avant de l’exclure.
Sur le site internet de la CNCGP (www.cncgp.fr), on recense 22 professionnels installés à La Réunion, qui font l’objet d’un contrôle régulier.