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Afrique

Didier Acouetey : fondateur et président d’Africsearch

C’est le principal chasseur de têtes pour l’Afrique et il passe beaucoup de temps dans les avions, entre son siège des Champs Elysées, à Paris, et ses bureaux de Washington, Abidjan, Dakar, Douala, Johannesburg et Lomé. Un homme qui croit en l’Afrique…

« Il faut se rappeler qu'au moment où j'ai créé mon cabinet dans les années 90, nous étions en plein afro-pessimisme. Mais nous connaissions la réalité de l'Afrique et surtout le potentiel de changement qui existait. Déjà, à l'époque, je présidais une association ‘Renaissance africaine’ qui réunissait des jeunes talents africains avec pour ambition de sauver notre continent. Nous étions, en quelque sorte, des militants panafricains ! » Didier Acouetey a créé AfricSearch en 1996 pour inverser la fuite des cerveaux. « Je suis moi-même le produit de la diaspora togolaise. J'ai résidé à Noisy-le-Grand, dans la banlieue est de Paris, où mes parents possédaient un appartement. J'ai fait mes études au lycée Sainte-Geneviève, dans le 6e arrondissement de Paris. Puis j'ai intégré l'École supérieure de commerce (ESC) de Paris où j'ai obtenu un MBA ». 

« NOUS SEULS, AFRICAINS, POUVONS CHANGER L’AFRIQUE »

Avant de créer son cabinet, ce francophone et francophile a travaillé au sein d’entreprises internationales à des postes de direction commerciale et marketing. « Mais ma conviction était que nous seuls, Africains, pouvions changer l'Afrique ! C'est de là qu'est venue l'idée de créer AfricSearch qui est avant tout une réponse à cette problématique du développement de notre continent par les Africains, et surtout pour les Africains. Je me souviens qu'on me disait : « Tu vas créer un cabinet pour recruter des cadres africains, mais ils n'existent pas  ! » Et je leur répondais : qui sommes-nous alors ? » Didier Acouetey était loin d'imaginer que, vingt ans plus tard, cette création aurait un tel retentissement continental et surtout une présence globale.

 

« AfricSearch dispose aujourd'hui de plus de 30 000 CV dans sa base de données. Nous avons tous les profils : des jeunes diplômés de la diaspora et du continent et des cadres dirigeants dont certains président de grandes entreprises. » - DA
« AfricSearch dispose aujourd'hui de plus de 30 000 CV dans sa base de données. Nous avons tous les profils : des jeunes diplômés de la diaspora et du continent et des cadres dirigeants dont certains président de grandes entreprises. » – DA
 

RETOUR DES CERVEAUX ET RECOURS AUX COMPÉTENCES LOCALES

Il y a eu un gros changement de perception de l'Afrique au début des années 2000. « AfricSearch a été créé pour inciter au retour des cerveaux. Mais au fil des ans, on s'est rendu compte que certains cadres africains, formés localement, étaient de mieux en mieux formés. Certaines multinationales les avaient formés à leur métier, à leur process, à leur façon de gérer le business. Au final, ces cadres avaient une expérience et des compétences considérables. » Au même moment, certaines écoles de management africaines, comme l'Institut supérieur de management de Dakar, au Sénégal, ont émergé… « Les entreprises ont senti ce changement de paradigme. Alors qu'auparavant, elles demandaient des cadres formés aux États-Unis ou en Europe, elles se rendent compte que ces compétences existent ici. Et ces cadres connaissent si bien le terrain et la problématique locale qu'ils peuvent expliquer la réaction du consommateur, avoir des relations avec les autorités, faciliter le business ou même faire du lobbying… Tout ce qu'un expatrié mettra des années à faire et pour beaucoup plus cher. »
Certaines entreprises occidentales implantées en Afrique depuis longtemps, comme CFAO, se sont ainsi africanisées. « Au début, les Africains avaient des postes subalternes d'encadrement ; aujourd'hui ce n'est plus le cas. Ces sociétés ont valorisé ces fameux cadres formés maison. » Tout cela a créé une dynamique nouvelle. « À nos débuts, quasiment tous nos candidats venaient de l'Occident ; aujourd'hui, ce n'est plus que la moitié ». 

DE GROS BESOINS EN INGÉNIEURS ET TECHNICIENS

L'Afrique comble progressivement certains déficits en compétences. Mais, dans certains secteurs comme le marketing, le secteur financier et les filières techniques pointues, il existe encore des manques. Le recours à la diaspora peut être alors une alternative… « Aujourd'hui, l'Afrique a plus besoin d'ingénieurs que d'administrateurs. Quand certains États investissent plus de 100 milliards de dollars chaque année pour construire des routes et des aéroports, ils n’ont pas besoin de philosophes mais de techniciens ! D’une certaine façon, l'élitisme à la française, qui met en avant les métiers dits intellectuels au détriment des métiers manuels, a eu un impact négatif considérable sur les cursus scolaires des pays francophones africains. »
Dernier élément du changement qu’il faut intégrer : l'émergence d'entreprises africaines qui elles-mêmes sont devenues des championnes et concurrencent les multinationales. Par exemple, pendant longtemps, les banques françaises ont dominé le secteur bancaire en Afrique francophone. Aujourd'hui, les banques nigérianes ou marocaines font armes égales et obligent les banques occidentales à changer leur façon d'approcher les économies africaines. 

LES PME COMME MOTEUR DE LA CROISSANCE

La dimension culturelle dans l'approche des marchés devient alors stratégique. C'est le fameux « Glocal », c'est-à-dire « penser global mais agir local ». Et là, les PME ont un rôle considérable à jouer. Elles constituent 90% du tissu économique et industriel de certains pays. « Tout le monde est conscient de l’importance de mieux les accompagner, souligne Didier Acouetey, mais on a le sentiment que concrètement, rien n'est fait… » Aussi, AfricSearch, le fonds de garantie African Guarantee Fund et la banque panafricaine Ecobank ont créé l'Africa SME Champions Forum, une plateforme de rencontres entre des porteurs de projets et des financiers. Il s'agit de soutenir le véritable moteur de la croissance économique du continent africain. Et pour ne pas s’en tenir à l'Afrique francophone, le forum tourne. La première édition s'est tenue à Dakar, la deuxième à Nairobi, la troisième à Abidjan, et la quatrième aura lieu sans doute à Kigali. « Car les problèmes que rencontrent les patrons africains sont bien souvent les mêmes. »

DE SOLIDES RÉFÉRENCES
Titulaire d’un MBA de l’École supérieure de commerce (ESC) de Paris, de deux troisièmes cycles en commerce international et en marketing industriel, Didier Acouetey a suivi des cycles de perfectionnement à la prestigieuse Harvard Business School. Son cabinet AfricSearch a recruté plusieurs centaines de cadres et dirigeants pour les entreprises opérant en Afrique, dont Mathieu Mandeng, l'actuel CEO de la Standard Chartered Bank Mauritius…
Didier Acouetey préside la commission Éducation-Formation du CIAN (Conseil des investisseurs français en Afrique noire). Il est également chroniqueur à RFI (Radio France Internationale) où il intervient en direct sur les problématiques de formation et d'emploi en Afrique.

jeanmicheldurand@ecoaustral.com