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Dominique Vienne : « nous avons l’opportunité de créer une industrie énergétique réunionnaise »

Le président de Convergence y croit sérieusement alors que son groupe est très impliqué dans ce secteur. À travers la MDE (Maîtrise de la demande en électricité), la production d’électricité et celle de voitures électriques.

L’Eco austral : Vous défendez le concept de valeur-substitution dans l’économie réunionnaise qui consiste notamment à privilégier des acteurs locaux. Peut-il s’appliquer au secteur de l’énergie qui, d’une part, dépend encore beaucoup du charbon et du pétrole importés et, d’autre part, est dominé par des entreprises extérieures.

Dominique Vienne : Dans les années 70, l’émergence de l’import-substitution a permis à La Réunion de créer des infrastructures et de rattraper son retard social. Aujourd’hui, il faut faire confiance aux entreprises dans leur capacité à innover et à développer une ingénierie complète de projets exportables. C’est la valeur ajoutée que nous pouvons conserver à La Réunion en réussissant son insertion régionale. Nous devons passer d’une logique de démonstrateurs technologiques hébergés à La Réunion et de projets menés par des acteurs basés sur d’autres territoires à une logique d’ambition territoriale partagée. C’est l’opportunité qu’apporte la mise en œuvre, dans le secteur énergétique, du SRCAE (Schéma régional climat-air-énergie) par la Gouvernance Énergie qui pilote son application. Sa capacité à faire de l’ancrage territorial une priorité dans la stratégie énergétique est une composante de sa légitimité. Le groupe Convergence est partenaire dans le projet 100% réunionnais Energreen de construction d’une turbine à combustion de 40 mégawatt dans le sud de l’île, pouvant fonctionner au bioéthanol. Nous y trouvons deux finalités qui nous sont chères : l’ancrage territorial et la capacité à faire émerger et à faire grandir de l’innovation dans les entreprises locales. Le projet est reproductible dans la zone océan Indien et peut faire émerger une filière d’acteurs qui vont apprendre à travailler ensemble, matérialisant la notion de grappe d’entreprises, dans le sens d’une industrie énergétique réunionnaise.

Votre logiciel TEEO, outil de management énergétique qui est aussi une entreprise, poursuit-il son développement ?

L’enjeu de la MDE (Maîtrise de la demande en électricité – Ndlr), paradoxalement, ce n’est pas la technologie, c’est d’accompagner le changement de comportement des utilisateurs. La facture énergétique est le deuxième poste de dépense après la masse salariale, dans l’industrie comme dans la grande distribution. Nous avons développé le logiciel TEEO, une solution de management énergétique qui, pour notre fierté, est désormais partenaire de l’Afnor (Association française de normalisation), homologuée pour l’obtention de la norme de management énergétique ISO 50001. Se développant depuis trois ans à La Réunion, TEEO rencontre aussi le succès en France métropolitaine et honore de nombreux contrats, à Lyon et à Paris, ainsi qu’en Suisse avec la FNAC. La gestion de nos clients à partir de La Réunion, en mode « Cloud », répond à notre volonté d’ancrage et de création de valeur ajoutée locale. TEEO Innovation est porteur du projet SEGA (Signature énergétique pour une gestion automatisée), avec le soutien de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise énergétique) et de la Région Réunion. Il s’agit de conduire 20 hypermarchés vers une certification ISO 50001, une première nationale. 2014 est une année qui doit révéler l’émergence forte de ce marché. Dès l’établissement d’un bilan énergétique, les entreprises réduisent d’au moins 10% leur dépense et le gain peut évoluer jusqu’à 40% d’économie en fonction des situations. Dix mille bâtiments qui économisent 40% de dépense énergétique sont plus efficaces que 10 000 bâtiments équipés en production énergétique sur site, qui mobiliseront davantage de capitaux et créeront moins d’emplois. À l’exemple de la région Rhône-Alpes, pourquoi ne pas créer une société publique locale, avec une capacité d’emprunt pour mener à bien un contrat de performance énergétique (CPE) pour un groupe d’établissements publics ? Un opérateur privé effectue les travaux, mais un remboursement sur dix ans est acceptable car on a diminué la facture énergétique. L’acteur privé supporte la dette et prolonge ses bénéfices in fine. De quoi créer un savoir-faire exportable dans l’océan Indien.

Où en est votre projet de production de véhicules électriques à La Réunion ?

Le SRCAE, schéma co-construit et co-piloté, crée une formidable opportunité par sa capacité à mettre en place une méthodologie d’animation, en accord avec la déclinaison des planifications locales. Le facteur clé de succès pour le territoire réside dans la cohérence, la coordination et la collaboration. Le cluster Témergie, qui regroupe les acteurs du secteur de l’énergie et l’Ademe, a réalisé une étude sur la mobilité électrique à La Réunion et nous préparons une réponse, avec une grappe d’entreprises, à un AMI (Appel à manifestation d’intérêt) pour des projets de ce type à La Réunion. Comme l’industrie énergétique, la mobilité électrique peut créer une économie de valeur-substitution. Notre besoin premier n’est pas d’importer des véhicules, mais de déplacer des gens, des marchandises, de relocaliser des revenus et de créer de l’emploi. S’il faut pour cela assembler des véhicules électriques à La Réunion, il faut expérimenter des lois, ou utiliser l’octroi de mer, pour qu’une industrie de la mobilité existe à La Réunion. Partager une telle vision, pour les dix prochaines années, peut faire émerger des solutions inattendues. N’attendons pas que des intérêts extérieurs à La Réunion apportent des réponses techniques. Notre filiale Helem Réunion avance dans son projet d’assemblage de véhicules électriques sur le territoire. C’est une solution exportable en territoires insulaires, qui répond aux besoins de transport de personnes et de livraison de colis en zone urbaine.