Eco Austral

Découvrez tous nos articles en illimité. Je m’abonne

Logo Eco Austral
n

Eco Austral

« Emmanuel Macron fait partie de ces personnes pathologiques du miroir qui semblent vivre comme à l’extérieur d’elles-mêmes… »
France

EMMANUEL MACRON : Le syndrome du drone ou la mise en scène de l’inaction

« Nous sommes en guerre » : déclaration incantatoire du président français le 16 mars. Le point d’orgue de cette communication martiale a été sa visite à l’hôpital militaire de campagne de Mulhouse. Un décryptage de François Bert le 30 mars, qui reste d’actualité.

« Emmanuel Macron fait partie de ces personnes pathologiques du miroir qui semblent vivre comme à l’extérieur d’elles-mêmes… »
« Emmanuel Macron fait partie de ces personnes pathologiques du miroir qui semblent vivre comme à l’extérieur d’elles-mêmes… »
 

À Mulhouse, toutes les conditions étaient là pour marquer les esprits : tentes kaki alignées en quasi-croix de Lorraine, sentant bon les combats d’un autre temps, passage du président au milieu des blessés (avec un masque survivant du manque de stocks), prise de parole embuée par le froid local (à défaut d’émotion), annonce martelée comme au pas cadencé (à défaut du pas silencieux des guerriers). Tout le paradoxe macronien est en somme dans cette image : outre les fatigues inutiles imposées à un dispositif déjà largement sur-sollicité (une visite présidentielle se prépare et mobilise du monde), outre le non-sens d’une construction en toile avec des tentes destinées au Sahel, sur un terrain qui a dû être terrassé pour l’occasion et a sollicité lourdement la logistique militaire pour seulement 30 lits alors qu’il suffisait de réquisitionner un gymnase ou autre salle vide, l’action présidentielle concentre ses efforts sur ce qui lui donne momentanément de l’éclat au lieu de consacrer son temps, quitte à se taire un long moment, pour prendre les bonnes décisions et coordonner l’action nationale dans la durée. 

Un mal plus profond 

Il faut dire que le mal est plus profond : Macron fait partie de ces personnes pathologiques du miroir qui semblent vivre comme à l’extérieur d’elles-mêmes, donnant l’impression qu’elles observent leur propre vie depuis un drone à défaut d’habiter sa réalité. L’image est bonne ? L’angle de la photo séduit ? Pourquoi se fatiguer davantage puisque cela suffit à se faire acclamer ? Se disent-elles, bien souvent inconsciemment et toujours inconséquemment. Privées d’expériences de frustration capables de les faire descendre en elles-mêmes, dans les lieux de leurs fragilités ou de leurs limites, elles entretiennent avec autrui un rapport d’illusionniste. Il n’y a pour elles en somme aucune réalité, il n’y a que l’image aboutie qui les fait exister dans le regard des autres à grand renfort d’effets calculés. Cette obsession d’être célébrées à proportion de l’image idéalisée qu’elles ont d’elles-mêmes leur laisse une longueur d’avance en temps médiatique ; quand la réalité rattrape l’image, avec les odeurs, les cris, le sang et autres sensations inaccessibles aux acrobaties du drone, elles se retrouvent alors en situation de paralysie ou de fuite en avant. Leur mode comportemental est criminel pour l’action : leur absence d’empathie les fait naviguer dans un monde virtuel sans n’avoir jamais souci des conséquences de leurs choix irrationnels. Habituées aux adorateurs, ne gardant qu’eux d’ailleurs dans leur entourage, elles s’entêtent à se réassurer par l’image plu- tôt que de prendre de front les problèmes. Elles n’agissent pas sur ce qui est réparable, elles se donnent pour mission de tirer des événements ce qui peut prouver à nouveau qu’elles sont parfaites, quitte à se contredire ou se parjurer plusieurs fois d’affilée. 

Pire que l’impréparation, l’indécision 

C’est un fait, de grosses erreurs ont été faites en amont et dans les premières phases de la crise de la covid-19 : suppression des stocks d’État sur les masques et le gel, non confinement de nos blessés en Chine mais dans l’Oise, non rétablissement de nos frontières nationales (le virus n’a pas de passeport… mais il voyage accompagné…), non systématisation des tests de dépistage, etc. Le temps nous révélera quelles informations étaient sues depuis le départ et quelle est la part de négligence coupable de l’État. Quoiqu’il en soit, une fois la surprise absorbée, un État ne peut pas ne pas se mettre en situation de déterminer avec discernement l’axe autour duquel il doit privilégier son action et le faire évoluer au fur et à mesure de la crise. Concentrer toute son énergie sur les 30 lits de Mulhouse, alors que le personnel soignant et les installations du privé restent encore largement inoccupés et tandis que la très grande majorité des acteurs de la sécurité et des secours sont à tout le moins sous-équipés de matériels élémentaires de protection, relève d’une délétère indécision. Ce ne sont pas les points presse qui s’imposent alors comme priorité, mais des réunions de niveau national où se travaille heure par heure la coordination des moyens utiles à faire face à l’ampleur de la crise. Le confinement a été décidé tardivement alors qu’un diagnostic de dépistage aurait permis un isolement plus fécond, dont acte. Aujourd’hui, les efforts se concentrent sur la gestion des cas les plus graves et donc la mort potentielle des malades et des soignants. De quoi manque-t-on ? D’appareils respiratoires et de personnels capables de les mettre en oeuvre d’une part et des traitements appropriés d’autres part. Quel niveau de réquisition/coordination au niveau national concernant les appareils respiratoires et ceux qui les mettent en oeuvre (le privé n’est réellement sollicité que depuis quatre ou cinq jours) ?
Le professeur Didier Raoult, infectiologue mondialement reconnu, propose très rapidement une solution qui a un double avantage : elle marche sur un certain nombre de patients et, pratiquée depuis de très nombreuses années sur d’autres pathologies, elle a des effets secondaires limités. Un mélange de querelles personnelles (brouille entre le professeur et Yves Lévy, ancien P-DG de l’Inserm et mari d’Agnès Buzyn), d’opposition Paris-Province, d’intérêts financiers (la chloroquine est un produit peu intéressant à la vente pour les groupes pharmaceutiques), de rigidité académique (le protocole est non négociable) ont concouru à ralentir l’utilisation de cette solution prometteuse. Pendant tout ce temps, les morts s’accumulent. On décide alors un entre-deux pire que tout : l’appliquer aux cas non pas sévères mais déjà très graves, en phase de réanimation, donc trop tard pour qu’il fasse effet. Enfin, le 26 mars, le décret permettant son emploi tombe, tandis que des expérimentations européennes sur des malades tirés au sort se mettent en place. À quel moment celui qui se déclare chef de guerre prend-il sa place autrement que par des déclarations pour activer les leviers cruciaux de la sortie de crise ? 

Un problème de casting 

Plus que jamais, cette situation souligne à quel point nous souffrons aujourd’hui en politique d’un problème de casting. Regardons en parallèle les allocutions du professeur Philippe Juvin, directeur des urgences de l’hôpital Pompidou et celles du président de la République. Le premier ne se prononce que sur les sujets pour lesquels il aura une possibilité d’action réelle, le second s’engage sur des résolutions qu’il ne tient pas (cf. notamment la distribution de masques), le premier ne parle qu’à proportion de ce qu’il sait, avec humilité, le second enseigne et fait la leçon, alors que ses préconisations précédentes ont été désavouées par les faits, le premier évite les polémiques inutiles, s’abstenant de parler du passé et ralliant les repentis, le second n’hésite pas à introduire de l’idéologie dans son discours, le premier prend des risques (appel au dépistage et à la production massive de chloroquine), le second les évite, le premier a une parole rare, concise, ferme et opérable, le second est omniprésent, bavard, ambivalent et théâtral, le premier est un chef, dont on sent qu’il est naturellement doué pour le discernement (et bien à sa place aux urgences), le second est le pur produit d’une politique basée sur la vente qui, à force de s’aimer pour elle-même, ne sait plus écouter un contexte extérieur et encore moins trancher. 
Avant de pouvoir renouveler une caste politique dont la crise avère l’innocuité et dont le syndrome du drone décrit le paroxysme pathologique, l’urgence est de faire advenir au plus proche de la décision, au risque souhaitable de bousculer les efforts de mise en scène orchestrée par le pouvoir, l’ensemble des chefs naturels présents dans les services de l’État et ils sont nombreux : militaires, médecins, pompiers, policiers et gendarmes, magistrats… Puisse l’État un moment se taire pour écouter les décideurs de terrain et délaisser un temps l’agitation des communicants pour la silencieuse, lente mais réelle moisson de l’action. 

©Droits réservés
©Droits réservés
 

L’auteur 
Diplômé de l'école spéciale militaire de Saint- Cyr, François Bert est d'abord lieutenant, puis capitaine, au 2e REP (Régiment étranger de parachutistes), le seul régiment parachutiste de la Légion étrangère, celui où se retrouvent en général les meilleurs de Saint-Cyr. Il interviendra ensuite dans la formation des cadres de la Légion avant de rejoindre en 2007 le monde civil et la finance comme gérant de portefeuilles à la Banque Degroof & Philippe. Après un 3ème cycle de gestion de patrimoine de l'université de Clermont-Ferrand, il entre en 2009 à l'Union Financière de France comme directeur du pôle « Entreprises ». Il manage sur le terrain des commerciaux rayonnant sur l'Île de France et la région Champagne-Ardenne et intervient alors dans le conseil patrimonial aux dirigeants d'entreprise. Parallèlement, il oriente professionnellement plus de 250 personnes (500 aujourd'hui), auprès desquelles il élabore progressivement une méthode d'aide au discernement unique dans sa forme et son application. Devant le succès de son approche, il fonde en février 2011 Edelweiss RH qui conseille « en situation » les équipes de direction, notamment via l'« osthéopathie d'organisation © » (déblocage des « crampes humaines », mise en adéquation des organigrammes et des personnalités, accompagnement des évolutions de structures, aide au discernement opérationnel…)