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ENTRETIEN AVEC GASTON BIGEY DIRECTEUR GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DE NEXA – L’éductour, une réussite : la preuve par les chiffres

L’éductour « La Réunion des cinémas » est un véritable levier pour l’attractivité du territoire. Gaston Bigey, directeur général délégué de Nexa, qui organise l’opération avec l’Agence Film Réunion, la Région Réunion et la Fédération réunionnaise de tourisme, s’en explique…

L’Éco austral : En tant qu’agence régionale de développement, d’investissement et d’innovation, Nexa co-organise avec l’Agence Film Réunion, La Région Réunion et la Fédération réunionnaise de tourisme « La Réunion des cinémas » pour faire de La Réunion une terre de tournages mondialement reconnue. Quel bilan en dressez-vous ?
Gaston Bigey
: Après huit années d’éductour, nous pouvons affirmer que le pari du cinéma est gagné. En tant qu’agence de développement de La Réunion et parmi les nombreuses missions de l’agence, nous sommes en charge de l’attractivité et de la promotion du territoire. Il y a une dizaine d’années, la filière du cinéma était peu développée. En partenariat avec l’Agence Film Réunion, nous avons donc travaillé sur une stratégie pour que notre territoire s’inscrive sur la mappemonde des terres de tournage : il fallait susciter l’envie, chez les producteurs, de venir tourner à La Réunion. C’est grâce à une réflexion conjointe et à une optimisation de nos compétences respectives que l’éductour est né. L’objectif de cet événement était de faire connaître le potentiel cinématographique de notre île en termes de décors et de moyens, en invitant des décideurs, des producteurs, des réalisateurs et des scénaristes de renom à venir découvrir sur place les atouts qu’elle recèle. Lors des premiers éductours, nous leur faisions découvrir les paysages uniques et atypiques de l’île, le volcan et son paysage lunaire, la beauté de ses cirques et de ses forêts, son littoral bleu azur, et les aides financières… 
Puis, nous avons progressivement enrichi le programme, en tenant compte des remarques et des attentes de nos invités. Au fil des années, nous avons élargi la découverte de l’authenticité réunionnaise, sa culture, sa cuisine, sa musique. Nous insistons sur la grande diversité des décors, mais aussi sur leur proximité, sur la possibilité de changer d’univers d’une journée à l’autre. À travers cette semaine intense, nous leur faisons la démonstration de l’engagement et du professionnalisme des Réunionnais, acteurs, intermittents du spectacle, techniciens, et nous leur présentons la pertinence de la structuration des aides publiques régionales disponibles sur notre territoire.

On a l’impression d’une réelle montée en puissance ? 
En effet… La première édition a rassemblé quelques invités. Aujourd’hui, nous en sommes à une vingtaine d’invités. Preuve de l’engouement pour cet événement que d’autres régions d’Outre-Mer nous envient ! D’ailleurs, après un éductour, de nombreux producteurs reviennent, soit pour approfondir leur découverte de l’île, soit pour développer leurs idées, leur scénario ou pour collaborer sur des projets naissants avec des professionnels locaux. Cet événement a permis la création d’une véritable synergie avec les acteurs de la filière. De nombreuses productions locales ont ainsi pu voir le jour suite à un éductour. 

Accueillir des tournages de films et de séries, c’est aussi bénéfique pour l’attractivité et le développement de La Réunion ?
Oui, assurément. C’est l’objectif de l’éductour ! Pour devenir compétitive et attractive face aux autres régions, et ainsi accueillir toujours plus de tournages sur son territoire, la Région Réunion a initié en 2011 un système de soutien à la production, basé sur une aide conditionnelle. Il faut savoir que pour percevoir 1 euro de subvention, une société de production, doit prouver qu’elle a dépensé localement 4 euros sur le territoire. Tous formats confondus, les tournages rapportent à La Réunion trois à quatre fois plus qu’ils ne lui coûtent, pour ne parler que des retombées directes. Il y a un vrai effet de levier et c’est donc un investissement gagnant pour le territoire, au-delà des effets directs sur la filière. 
Par ailleurs, au cours des dernières années, la Région a mobilisé entre 2,5 et 4,1 millions d’euros par an d’aides à la production audiovisuelle et cinématographique. La Réunion, malgré son insularité, occupe la cinquième place des régions françaises en termes de budget annuel d’aides aux tournages de longs-métrages. Nous sommes derrière l’Île- de-France, mais devant de grandes régions comme les Hauts-de- France, l’Occitanie et la Bretagne et très loin devant les autres régions  d’Outre-mer. De plus, en termes d’aide moyenne par projet de long-métrage, La Réunion se positionne parmi les trois régions françaises les plus attractives (avec l’Île-de-France et la région Auvergne-Rhône Alpes). 
Les films et les séries tournés sur l’île contribuent également à la notoriété de la destination. En effet, nous pouvons compter sur ce formidable vecteur de rêve et d’émotions que représente le cinéma, pour que le spectateur ait envie de venir découvrir nos paysages et notre richesse multiculturelle suite à la projection d’un film tourné ici. Les tournages sont bénéfiques pour notre île et l’éductour renforce incontestablement l’attractivité de notre territoire et engendre un impact certain sur le tourisme.

Evolution du nombre d'entreprise

Ces tournages créent-ils de l’activité pérenne, localement ?
Il y a une dizaine d’années, les équipes de tournage arrivaient au complet sur l’île. La stratégie régionale ne s’est pas limitée à obtenir des retombées en termes de dépenses locales, mais aussi à former des jeunes aux métiers techniques du cinéma et de la télévision et à exiger une part de recrutement local sur les tournages. Ainsi, le nombre d’emplois locaux dans la filière a quasiment doublé en dix ans et cette progression est essentiellement alimentée par les intermittents du spectacle, qui sont désormais plus d’un millier sur l’île. Nos acteurs locaux se sont investis et professionnalisés. Le nombre d’entreprises du secteur cinéma et audiovisuel est passé de 142 à 233 entre 2009 et 2019, ce qui confirme la montée en gamme et en compétences de l’ensemble de la chaîne des techniciens et acteurs locaux.

Dans cette dynamique, La Réunion peut-elle aller plus loin ?
Il est possible d’accélérer cette dynamique, à trois conditions : d’abord en étant plus présents à Paris, où se prennent les décisions, comme le souligne Edy Payet (voir page suivante – NDLR). Ensuite, en accueillant des studios de dernière génération. Ces studios permettraient de capter une part supplémentaire de la valeur générée par un film et donneraient un argument de plus à La Réunion, en permettant aux producteurs d’envisager le tournage complet d’un film à La Réunion, quand bien même une partie des scènes se déroulerait à Shanghai, New- York ou Paris. 
À la marge, la présence d’un studio permet de sécuriser les producteurs, car un tournage en extérieur n’est pas à l’abri du mauvais temps. Or perdre un jour de tournage coûte cher, le travail pourrait se poursuivre en studio en cas de pluie. 
Enfin, en dernier lieu, nous devons travailler à la création d’une structure de coproduction, comme l’ont déjà fait les Hauts-de-France et la région Rhône-Alpes. Une mise financière régionale dans un film en tant que coproducteur serait plus attractive pour les coproducteurs privés, pour des raisons fiscales. De plus, la structure régionale serait intéressée au résultat : si un film marche bien, il pourra lui rapporter des recettes pendant plusieurs années. Chaque année, les Hauts-de-France continuent ainsi à percevoir les dividendes de Bienvenue chez les Ch’tis, dont le Nord-Pas-de-Calais avait été coproducteur à l’époque.