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Pour Gunter Pauli, « l’économie bleue est un modèle économique qui incite à utiliser ce qui est localement disponible, avec pour but d’augmenter la compétitivité, pour surtout créer des emplois ».
Maurice

Gunter Pauli accompagne le groupe IBL dans l’économie bleue

On lui doit le concept d’économie bleue, qui est autre chose que l’économie de la mer. Gunter Pauli accompagne IBL depuis un an dans une trentaine de projets dont six sont bien avancés. Il présente ces projets en compagnie de Jean-Luc Wilain, Head Of Business Development, Strategic Initiatives & Integration chez IBL.

L’Éco austral : Vous êtes surnommé le Steve Jobs du développement durable et vous étiez l’invité vedette de l’« AfrAsia Bank Sustainability Summit » qui s’est tenu les 14 et 15 octobre à Maurice. Pourriez-vous nous présenter le concept d’économie bleue, qui n’a rien avoir avec l’économie de la mer ?
Gunter Pauli
: Le terme d’économie bleue se réfère à la couleur du ciel et de la terre vus de l’espace, mais bien sûr aussi à l’océan. Il s’agit d’un modèle économique qui incite à utiliser ce qui est localement disponible, avec pour but d’augmenter la compétitivité et surtout de créer des emplois. C’est un modèle économique qui repose sur des entreprises innovantes. 

Un modèle qui intéresse le groupe IBL, semble-t-il, puisqu’il fait appel à vos services ?
Le CEO, Arnaud Lagesse, souhaite accélérer la transformation du groupe IBL en y injectant des idées nouvelles et surtout des solutions. Pour un groupe très diversifié, qui réalise plus d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires, le développement durable ne passe pas seulement par l’investissement dans des panneaux solaires. 

 

Pour Gunter Pauli, « l’économie bleue est un modèle économique qui incite à utiliser ce qui est localement disponible, avec pour but d’augmenter la compétitivité, pour surtout créer des emplois ».
Pour Gunter Pauli, « l’économie bleue est un modèle économique qui incite à utiliser ce qui est localement disponible, avec pour but d’augmenter la compétitivité, pour surtout créer des emplois ».   Photos : Davidsen Arnachellum
 

Quelles sont les pistes que vous avez identifiées ? 
Le principe est de faire appel à des ressources disponibles localement et surtout d’avoir un impact concret, rapide et ne nécessitant quasiment aucun investissement supplémentaire. Un exemple simple : le groupe hôtelier Lux propose des jus frais à sa clientèle. Mais au lieu de jeter les pelures, nous en faisons du vinaigre. Ce désinfectant naturel sera utilisé pour nettoyer les toilettes. 
Jean-Luc Wilain : Gunter collabore avec nous depuis un an. Et nous avons défini des projets prometteurs au plan économique, social et environnemental. Ils doivent avoir des impacts rapides pour créer une émulation au sein d’IBL en s’appuyant sur la diversité de nos activités. 
Gunter Pauli : Autre exemple avec le groupe Phoenix Bev. En visitant leur brasserie, j’ai constaté que le système de traitement d’eau, installé il y a 20 ans, a créé un vrai digesteur qui génère du biogaz mais de façon insuffisante pour être exploité par l’entreprise. Toutefois, l’usine est proche d’un élevage de poulet qui lui aussi génère des déchets. En mélangeant les déchets des deux, on a lancé une vraie production de biogaz exploitable. Et ce modèle est duplicable car les quatre hôtels mauriciens de Lux ont chacun leur centrale de purification. L’optimisation de ces activités va créer quotidiennement des milliers de mètres cubes de gaz utilisables. Le CAPEX (capital expenditure, soit le total des dépenses d’investissement) qu’IBL a déjà assuré va créer une plus-value en substituant de l’énergie importée en énergie autosuffisante. Et cela a un impact sur la structure du groupe car, pour gérer ces mutations, il va créer un cluster IBL Energy. 
Jean-Luc Wilain : Justement, un autre projet qui nous intéresse est celui de la production d’énergie avec un « kite ». Il s’agit de la technique utilisée pour faire du kitesurf, sauf qu’on utilise la traction pour créer de l’énergie par rotation d’un alternateur. C’est un procédé allemand mis au point en 2004 pour la propulsion des bateaux. Il comporte trois avantages principaux : l’uti-isation du cuivre (un métal bon marché et très disponible), un taux d’utilisation de l’installation équivalent à celui du nucléaire car elle fonctionne entre 80 % et 90 % du temps et, enfin, son coût. L’investissement initial se monte à 500 000 euros par unité. Ensuite, la voile de 40 m² doit être changée tous les six mois pour un coût de 25 000 euros. Mais cela apporte une puissance de 100 kilowatts (kW) avec la possibilité d’évoluer vers les 200 kW. Deux à trois « kite » peuvent alimenter un hôtel de 200 chambres. Lux est intéressé, de même que d’autres entités du groupe IBL.    
Point intéressant, l’État mauricien, via la Mauritius Renewable Energy Agency (MARENA), l’agence chargée de superviser le développement des énergies renouvelables sur l’île, va lancer en 2020 un appel d’offres pour que de nouvelles technologies se connectent au réseau. Maurice pourrait alors être le premier pays au monde à faire ce choix.

 

Jean-Luc Wilain, Head Of Business Development, Strategic Initiatives & Integration à IBL : « Port-Louis pourrait devenir le premier pays au monde à connecter de nouvelles technologies au réseau électrique national ».
Jean-Luc Wilain, Head Of Business Development, Strategic Initiatives & Integration à IBL : « Port-Louis pourrait devenir le premier pays au monde à connecter de nouvelles technologies au réseau électrique national ».  
 

Comment se fait le stockage qui est le point faible des énergies renouvelables ? 
Gunter Pauli : Le stockage se fait mécaniquement. Un peu sur le modèle du coucou de l’horloge avec ses ressorts. Et comme le kite fonctionne à environ 90 % du temps, contrairement aux panneaux solaires ou aux éoliennes, on inverse la problématique. Cette technologie est idéale pour les pays de l’océan Indien. 
Autre projet à signaler, celui des algues qu’on ramasse sur les plages sans les valoriser. J’ai proposé de les déposer dans des digesteurs anaérobiques près des hôtels. Cela permettra de générer du biogaz pour les cuisines et du compost pour planter des salades et réduire ainsi les dépenses  annuelles.  
Jean-Luc Wilain : Un autre projet lié à l’alimentation est celui de la production de champignons. On utilise un mélange de bagasse et de litière de poule pour démarrer une production à grande échelle. Nous travaillons aussi sur l’Internet par la lumière (Lifi) qui utilise le spectre optique alors que le Wifi utilise les ondes radio du spectre électromagnétique. 
Comme une LED peut s’allumer et s’éteindre plus d’un million de fois par seconde, ce sont ces intervalles qui permettent de transmettre – un peu comme le morse – des informations. Le Lifi est moins saturé, plus sécurisé, plus rapide (jusqu’à dix fois plus que le Wifi actuel), plus adapté à certains environnements (avions, hôpitaux, parkings sou-terrains…). Il représente aussi une alternative à la 5G, permet-tant d’éviter ainsi les problèmes d’électro-sensibilité. 
Gunter Pauli : Tous ces exemples démontrent qu’on peut changer le modèle d’affaires. 

Gunter Pauli, citoyen du monde
Ce Belge est le fondateur et président d’une dizaine de sociétés et de l’European Service Industries Forum (ESIF). C’est aussi le P-DG d’Ecover et conseiller auprès du rectorat de l’Université des Nations unies à Tokyo (Japon). Gunter Pauli parcourt le monde pour promouvoir le développement durable. Il a créé le concept d’économie bleue et lancé la fondation Zeri (Zero Emissions Research and Initiatives). Il a écrit de nombreux livres, traduits en 30 langues, et parle couramment sept langues. 
Soutenir le développement durable
L’AfrAsia Bank Sustainability Summit a été lancé en 2018 par la banque d’affaires éponyme qui appartient au groupe IBL. Et pour encourager les initiatives d’entreprises opérant à Maurice en faveur du développement durable, deux prix ont été remis : celui du meilleur projet dans le développement durable et celui de la meilleure entreprise durable.