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HUITIÈME ÉDITION DE L’ÉDUCTOUR DE NEXA – La Réunion conforte sa visibilité sur la carte mondiale du cinéma

Le cinéma peut être un formidable moteur pour l’attractivité et le développement d’un territoire. C’est à partir de ce postulat que l’agence régionale Nexa organise chaque année l’éductour « La Réunion des cinémas », le but étant d’accueillir des tournages dans l’île. La 8e édition, qui s’est déroulée du 3 au 10 octobre 2021, a confirmé sa réussite et sa montée en gamme.

Ils étaient une vingtaine de producteurs, mais aussi de réalisateurs et de scénaristes, à descendre de l’avion, le 3 octobre dernier, invités de l’éductour « La Réunion des cinémas ». L’événement était organisé pour la 8e année consécutive par Nexa, l’Agence régionale de développement, d’investissement et d’innovation, en collaboration avec l’Agence Film Réunion (AFR), la Région Réunion, et la Fédération réunionnaise du tourisme.
Parmi ses nombreuses missions, Nexa est en charge de promouvoir l’attractivité du territoire et d’y attirer des investissements. En misant sur la filière du cinéma qui, à l’époque, était un secteur jeune et peu développé, Nexa a gagné son pari. La Réunion est devenue une terre de tournages reconnue et cela se traduit par des retombées économiques et un rayonnement international.
De nombreux pays dans le monde, tout comme la plupart des régions de France, se trouvent en compétition pour attirer des réalisateurs et servir de décors à des films ou des séries télévisées. Pour séduire, ces territoires proposent des mesures alliant crédit d’impôts et diverses subventions. Car le cinéma est une industrie qui génère de l’activité et, de plus, les images positives d’un territoire dans une oeuvre donnent envie de le visiter. Les subventions accordées à des tournages visent donc, également, à doper la fréquentation touristique. Depuis plus de huit ans, grâce à l’organisation de l’éductour « La Réunion des Cinémas » et à l’action conjointe de Nexa et des forces vives du territoire, La Réunion tire particulièrement bien son épingle du jeu. Le catalogue des références de l’Agence Film Réunion s’épaissit à mesure que les tournages s’enchaînent. Un des derniers en date, celui du Petit Piaf, signé Gérard Jugnot, nourrit même des rêves justifiés de succès populaire. 
 

Valérie Lépine, déléguée générale de l’Union générale des producteurs de cinéma : « La compétition est forte entre régions. »   Photo : Guillaume Foulon
 

Professionnalisme reconnu 

« Pour faire venir un film, il faut séduire et ça ne marche pas à tous les coups », souligne Edy Payet, délégué général de l’AFR. L’éductour « La Réunion des cinémas » est une de ses principales armes de séduction. Le but de la manoeuvre est simple : montrer et faire découvrir in situ tout le potentiel de l’île en termes de décors, de talents et de moyens, à des professionnels influents et des décideurs pour qu’ils viennent filmer le monde à La Réunion. 
Cette année encore, Nexa, l’Agence Film Réunion et leurs partenaires ont mis les bouchées doubles pour organiser une découverte de l’île authentique et atypique. L’exercice a commencé au volcan et au cabaret de Pat Jaune à la Plaine-des-Cafres, avant d’arriver en hélico au gîte de l’îlet Boulon, dans le fond du bras de la Plaine ; une excursion nautique au large de la côte ouest s’en est suivie, avant une montée à Cilaos, puis une soirée de clôture au Diana Déa Lodge, dans les Hauts de l’Est. Le tout entrecoupé, évidemment, de rendez-vous et d’échanges avec les professionnels réunionnais de l’image.
La plupart des participants à l’éductour découvraient l’île, la diversité de ses décors, mais surtout la richesse insoupçonnée des compétences, à 11 heures de vol de Paris. Au terme de leur parcours, ils n’ont pas manqué de saluer le professionnalisme insulaire. « Notre métier est extrêmement concentré sur Paris, a souligné le producteur de fictions Laurent Ceccaldi. À deux heures de la capitale, on ne trouve plus un technicien. On doit les faire venir, ça coûte une  fortune. Trouver à La Réunion un tel vivier de techniciens, c’est extraordinaire ! »
Habitué des tournages de courts-métrages sur l’île, Gaël Cabouat (Full Dawa Production) a apporté son témoignage : « Il y a huit ans, je suis venu animer un workshop avec des jeunes auteurs locaux, mais il n’existait pas encore un tissu de compétences suffisant pour accompagner les projets. En quelques années, on est passé de rien à tout. La filière est devenue extrêmement solide. » 
 

Le tournage d’une partie du long-métrage « Disco Boy » a été réalisée fin octobre sur l’île.
Le tournage d’une partie du long-métrage « Disco Boy » a été réalisée fin octobre sur l’île.  ©Droits réservés
 

Les régions, partenaires incontournables 

« Un dynamisme fou est en train de s’installer à La Réunion, a ajouté Sophie Exbrayat, productrice chez UGC Fictions. Trouver sur un même lieu des comédiens, des musiciens et des techniciens nous simplifie le travail ! » 
Cyrille Bragnier, directeur de production (celui qui gère la fabrication opérationnelle d’un film) propose pour sa part d’aller plus loin en suggérant l’organisation de masterclass dédiées aux professions techniques, lors des prochains éductours, afin que les invités partagent leur expérience.
L’objectif de l’éductour est de favoriser le choix de La Réunion comme terre de tournages afin de permettre le développement de la filière cinéma et d’encourager les productions sur le territoire en mettant en avant tous les dispositifs d’aides disponibles qui participent à la compétitivité de La Réunion. Ce système de soutien à la production, mis en place par la Région Réunion en 2011, joue un rôle essentiel dans l’attractivité du territoire. 
 

Constance Netter, de F comme Film, était présente à l’éductour. Elle a notamment produit « The Father », le film français aux deux Oscars.
Constance Netter, de F comme Film, était présente à l’éductour. Elle a notamment produit « The Father », le film français aux deux Oscars.   Photo : Guillaume Foulon
 

Pour percevoir des subventions, le producteur doit s’engager sur un certain nombre de points et démontrer la réalité des dépenses faites sur place. Il faut dépenser 4 euros sur le territoire (hôtels, location de matériel et de voitures, etc.) pour percevoir 1 euro de subvention.
En déboursant jusqu’à quatre millions d’euros par an en subventions pour attirer les projets cinématographiques et audiovisuels, La Région Réunion attire les regards de la profession. « Les régions sont devenues des partenaires importants, explique Constance Netter, de F comme Film qui a notamment produit The Father, le film français aux deux Oscars. Certaines, comme l’Île-de-France et Rhône-Alpes, ont des budgets conséquents. » 
« La compétition est forte entre régions, ajoute Valérie Lépine, déléguée générale de l’Union générale des producteurs de cinéma, qui occupa auparavant la même fonction à Film France, instance représentant les agences régionales du film. […]  Il y a peu, 80 % des financements venaient de l’Île-de-France. Le nombre de tournages en régions augmente rapidement, entre autres parce que tourner à Paris est devenu un enfer. »
« Sans les régions, le cinéma français se porterait mal, résume Marc-Etienne Schwartz, coproducteur du Petit Piaf. Elles nous apportent une aide précieuse et nous la leur rendons bien, en dépensant sur place trois à quatre fois ce qu’elles nous donnent, en employant et en formant les professionnels locaux. »
Si le casting de l’éductour La Réunion des cinémas est toujours plus relevé, c’est également parce que les professionnels de l’image apprécient de se retrouver entre eux, une semaine durant, loin du stress parisien. Dans les coulisses, des idées mûrissent, des projets naissent, des « couples » producteur-réalisateur se forment. De plus, plusieurs participants ont souligné l’intérêt de pouvoir échanger avec des homologues qui ont déjà une expérience de l’île : la meilleure façon de préparer un prochain tournage à La Réunion.
Plusieurs projets ont déjà vu le jour. Le tournage d’une partie du long-métrage Disco Boy a été réalisée fin octobre sur l’île, tout comme celui de Bazigaga, un court métrage sur le génocide du Rwanda. Il faut s’y habituer : toutes les productions tournées localement ne parlent pas forcément de La Réunion. « Ici, on peut venir tourner le monde, souligne le producteur et propriétaire de studios Olivier Marchetti. Ne pas identifier la destination dans le film n’empêche pas les retombées positives. À aucun moment, dans Le Seigneur des Anneaux, il n’est dit que l’action se déroule en Nouvelle-Zélande, mais le succès du film n’est sans doute par pour rien dans l’augmentation de 30 % de la fréquentation touristique du pays ! » 

 

Tournage de « Bazigaga », un court-métrage sur le génocide du Rwanda.
Tournage de « Bazigaga », un court-métrage sur le génocide du Rwanda.   Photo : Guillaume Foulon
 

 

Karina Si Ahmed, de Hauteville Productions, a conseillé les documentaristes locaux.
Karina Si Ahmed, de Hauteville Productions, a conseillé les documentaristes locaux.  Photo : Guillaume Foulon
 

La Réunion, une terre pour le documentaire

À l’échelle régionale, l’île de La Réunion fourmille d’initiatives locales dans la production de documentaires. Pour accompagner les documentaristes locaux et dynamiser cette branche de la filière audiovisuelle, Nexa et l’AFR ont souhaité organiser, pour la première fois, en 2021, dans le cadre de « La Réunion des Cinémas », un atelier consacré au documentaire. Productrices émérites et invitées de l’éductour, Karina Si Ahmed (Hauteville Productions) et Lucie Portehaut (White Star) ont dressé un état des lieux et prodigué leurs conseils aux documentaristes locaux. « Le genre documentaire subit la grande tendance aux restrictions budgétaires dans le service public de télévision, analyse Karina, également membre de l’Union syndicale de la production audiovisuelle. Mais il reste soutenu en France, nous avons cette chance. Nous sommes au début d’un énorme bouleversement du financement de l’audiovisuel, nous pouvons être optimistes comme pessimistes. Les plateformes de vidéo à la demande malmènent les chaînes historiques, mais elles vont devoir verser au CNC une partie de leurs gains et investir dans la production nationale. Évidemment, les premiers bénéficiaires seront la fiction et l’animation. Le monde du documentaire doit se mobiliser pour ne pas être oublié et proposer des projets conformes aux attentes de Netflix, Disney et autres Amazon Prime Video. » Comment présenter un dossier adressé à une chaîne de télévision ou au CNC, quelles erreurs éviter : l’atelier a donné de nombreuses clés aux participants, qui n’étaient pas tous des débutants. Remy Tézier, qui a, à son actif, plus de trente années de réalisations à La Réunion, a notamment témoigné de son expérience. « La télévision est le support privilégié du film documentaire, confirme-il, puisque les chaînes qui nous font confiance s’engagent sur une somme précise pour diffuser ensuite nos oeuvres. Malheureusement, si une multitude de chaînes sont apparues en trente ans, peu financent le documentaire et France Ô, qui avait pour vocation de mettre en avant les productions de l’Outremer, a disparu en 2020. » Plutôt tourné vers la mer et le genre animalier (il a mené l’enquête sur les attaques de requins à La Réunion, son dernier film est consacré aux baleines et aux tortues), Rémy Tézier a également assisté à l’émergence de nombreux talents locaux, soutenus par l’Agence Film Réunion. « Il y a des regards très intéressants sur la société réunionnaise, poursuit-il. La Réunion est une terre idéale pour faire du documentaire, sur l’île mais aussi dans les pays de l’océan Indien. »