Eco Austral

Découvrez tous nos articles en illimité. Je m’abonne

Logo Eco Austral
n

Eco Austral

Réunion

Il y a 70 ans… la transition démocratique inachevée

Aujourd'hui, 21 octobre 2015, soixante dix ans nous séparent du jour où nos aînés ont choisi, pour eux et pour les générations suivantes, un destin singulier : mettre fin au statut colonial en érigeant La Réunion en département. Ce projet politique du CRADS (Comité républicain d'action démocratique et sociale, parti politique de l'île de La Réunion créé au milieu du XX siècle, Ndlr.) a permis à Raymond Vergès et Léon de Lépervenche de devenir députés. Concrètement, ils ont eu la lourde responsabilité d'assumer les modalités de mise en oeuvre, en restant fidèle à l'expression sociale du vote de leurs compatriotes. Dans les conditions politiques et matérielles de l'après-guerre, 4 mois de débats intenses ont permis d'arracher le vote qui allait devenir la loi du 19 mars 1946.
La satisfaction du devoir accompli transpire à travers le télégramme adressé à Paul Picaud, nouveau président du Conseil Général. « Ce soir 14 mars, 11h50. Assemblée Constituante unanimité proclame Réunion Département Français Stop. Prions Conseil général, municipalités, Union départementale et tous syndicats envoi télégramme remerciement président Assemblée Constituante et fêter cette date historique par grandiose manifestation, stop. Vive La Réunion. Vergès – De Lepervanche ».
Ce rappel historique est nécessaire pour souligner l'importance du vote populaire du 21 octobre 1945, comme point de départ du processus démocratique. Surtout, il met en exergue la trahison de cette transition démocratique, par des politiques à La Réunion comme en France, qui ont refusé d'appliquer l’égalité tant attendue par le peuple. Pourtant, tout était prévu aux articles 2 et 3 de la loi. « Les lois et décrets actuellement en vigueur dans la France métropolitaine et qui ne sont pas encore appliqués à ces colonies feront, avant le 1er janvier 1947, l’objet de décrets d’application à ces nouveaux départements (art.2.) » et dans l’article 3, « Dès la promulgation de la présente loi, les lois nouvelles applicables à la métropole le seront dans ces départements, sur mention expresse insérée aux textes ».
L'étendu de ce désastre anti-démocratique a été exposé par Raymond Vergès dans une intervention en 1947 à l'Assemblée nationale dans laquelle il accusa le ministre de l’Outre-mer de l'époque de colonialisme. Avec le temps, chacun, chacune, aujourd'hui, peut mesurer son engagement à faire respecter le processus démocratique engagé le 21 octobre 1945 face à ceux et à celles se vautrent carrément dans l'ingratitude vis à vis de ces générations qui ont tant souffert. Elles ont rêvé d'une simple vie d’Égalité, qui n'a rien à voir avec l'opulence des élus, exposée sans complexe, à la vue de 46 % de leurs compatriotes qui vit sous le seuil de pauvreté.
Sept décennies après, le président de la République a enclenché un débat qu'il a qualifie d’Égalité Réelle. Il préconise une loi pour adapter la Constitution et une autre pour enrayer les inégalités. Peu importe s'il est sincère ou pas, mais peut-on imaginer que l'Histoire retienne qu'à la veille de ces décisions structurelles, la campagne des Régionales sur l'avenir de La Réunion fasse l'impasse sur cet essentiel ? 
C'est comme si en 1945, la population devait choisir suivant le catalogue promotionnel de chaque candidat et non pas la rupture structurelle. Il doit rester encore quelques fidèles à cette transition démocratique, engagée le 21 octobre 1945 par le peuple Réunionnais, et à ce jour, toujours inachevée.