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Océan Indien

Jean-Claude de L’Estrac met le turbo à la COI

Le secrétaire général fait avancer les grands dossiers alors qu’il ne lui reste plus qu’un an à ce poste qui reviendra ensuite à un Comorien : meilleure prévention des risques naturels, alliance des compagnies aériennes, engagement des bailleurs de fonds dans la sécurité alimentaire, projet de compagnie maritime régionale…

À 67 ans, Jean-Claude de L’Estrac fait preuve d’un dynamisme que beaucoup de jeunes pourraient lui envier. Et il n’a pas l’intention de prendre sa retraite même s’il devra quitter son poste de secrétaire général de la Commission de l’océan Indien à la fin de son mandat. Nous l’avons croisé dernièrement à La Réunion, à la soirée de clôture du forum Ambition Jeune organisé par Synergie Jeunes. Cette association rassemble des jeunes entrepreneurs de l’océan Indien et soutient des porteurs de projet avec un appui financier de la COI. Jean-Claude de L’Estrac avait tenu à faire personnellement le déplacement alors qu’il revenait d’un voyage de vingt heures en provenance du Japon. Il a participé en effet à Sendaï, du 14 au 18 mars, à la troisième conférence de l’ONU sur la prévention des catastrophes et des risques naturels. Une conférence internationale qui se tenait alors que l’archipel du Vanuatu, dans le Pacifique Sud, venait d’être frappé par un très violent cyclone tropical. De quoi rendre plus attentifs les participants au modèle de prévention présenté par le secrétaire général de la COI qui, parmi ses objectifs, s’est fixé celui de faire mieux reconnaître la vulnérabilité des PEID (Petits États insulaires en développement). Mais il n’existe pas encore de définition précise des PEID leur permettant de bénéficier d’un statut et de soutiens spécifiques. « Est-ce une question de niveau de développement ou de taille ? Madagascar s’en réclame, mais également Singapour qui participe à certaines conférences sur les PEID. Le premier enjeu consiste à se mettre d’accord sur une liste. Mais on rencontre certaines résistances car les organisations internationales et les grandes puissances s’inquiètent d’un nouveau statut, de type PMA (Pays les moins avancés – Ndlr), qui apporterait des avantages spécifiques. »

L’impact des catastrophes naturelles dans le monde : entre 200 et 250 milliards de dollars par an

Dans le cas de la prévention des catastrophes et des risques naturels, les enjeux financiers sont énormes. Un rapport de l’ONU sur la réduction des risques, publié quelques jours avant la conférence de Sendaï, évalue l’impact économique des catastrophes naturelles à un niveau compris entre 200 et 250 milliards de dollars par an.
« Mandaté par l’ONU, l’assureur et réassureur Willis Group a présenté « the 1-in-100 initiative », un programme élaboré en partenariat avec le Forum économique mondial, dont l’ambition est de produire des outils de mesure de l’impact des aléas climatiques sur le système financier global à compter de 2020 », souligne « L’argus de l’assurance.com ». Et de rappeler que « les catastrophes naturelles ont provoqué plus de 1,3 million de victimes et plus de 2 000 milliards de dollars de dommages depuis 1992 ».
« Les petits États insulaires en développement sont les plus touchés alors qu’ils sont ceux qui produisent le moins de dégradations », commente Jean-Claude de L’Estrac.
La conférence de Sendaï a réuni 6 500 participants dont 2 800 représentants gouvernementaux venant de 187 pays. Le forum public a vu défiler 143 000 visiteurs en cinq jours, ce qui en fait le plus grand rassemblement de l’ONU jamais tenu au Japon. Il a été défini un ambitieux cadre international pour la réduction des risques de catastrophes avec 7 objectifs et 4 priorités d’action. Une bonne répétition générale avant la conférence climatique mondiale prévue au Bourget (près de Paris) du 30 novembre au 11 décembre 2015.
À signaler que l’Association française pour la prévention des catastrophes naturelles (AFPCN) est membre de la plateforme UNISDR (United Nations Office for Disaster Risk Reduction) de l’ONU, basée à Genève. L’action internationale de l’AFPCN est pilotée par le Mauricien Philippe Boullé, membre du bureau.

Vers une alliance des compagnies aériennes de l’océan Indien

Autre dossier qui prend son envol dans l’océan Indien, celui de la connectivité aérienne chère au secrétaire général de la COI. « Une rencontre historique vient d’avoir lieu et le mot historique a été prononcé par Marie-Joseph Malé, le Pdg d’Air Austral, qui a participé, les 3 et 4 mars 2015, à un « comité stratégique des compagnies aériennes », réuni sous l’égide de la Commission de l’océan Indien (COI). Il s’agissait de réfléchir, pour les quatre compagnies régionales (Air Austral, Air Madagascar, Air Mauritius et Air Seychelles) à un dispositif de coopération multilatérale. » C’était la première fois, en effet, qu’on assistait à une telle réunion, les compagnies se contentant jusqu’alors de rencontres bilatérales.

Pour la première fois, les 3 et 4 mars, quatre compagnies régionales (Air Austral, Air Madagascar, Air Mauritius et Air Seychelles) se sont réunies pour réfléchir à une coopération multilatérale. - COI

Pour la première fois, les 3 et 4 mars, quatre compagnies régionales (Air Austral, Air Madagascar, Air Mauritius et Air Seychelles) se sont réunies pour réfléchir à une coopération multilatérale. – COI

Si l’idée de la création d’une compagnie régionale, défendue par Jean-Claude de L’Estrac, est encore loin, on se dirige néanmoins vers la création d’une fédération ou d’une alliance qui permettait de développer les « pass inter’îles » et de soutenir ainsi le concept touristique d’Iles Vanille. L’objectif serait aussi, à terme, qu’il y ait au moins un vol quotidien entre les différentes îles, ce qui ne pourra que favoriser les échanges économiques. L’autre axe, c’est la connectivité avec le reste du monde et, là encore, les compagnies régionales réfléchissent à des pistes de coopération qui concernent également les aéroports avec, entre autres, l’harmonisation des taxes. En parallèle du comité des compagnies aériennes, un comité des représentants de l’Aviation civile des pays concernés a permis d’examiner les diverses contraintes administratives. Il devrait en résulter une « feuille de route » qui sera soumise aux compagnies aériennes pour validation, avant d’être présentée au Conseil des ministres de la COI qui doit se réunir début mai à Tananarive. La COI devait profiter de la réunion des ministres des Transports et du Tourisme de la région, prévue du 25 au 27 mars, pour finaliser cette feuille de route. Une rencontre prévue à Tananarive, en marge de la réunion de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) sur le transport aérien durable en Afrique.

694 millions d’euros pour la sécurité alimentaire

La conférence des bailleurs sur la sécurité alimentaire s’est tenue à Tananarive, les 19 et 20 février, sous l’égide de la COI, et a permis des engagements financiers importants. La stratégie consiste à s’appuyer sur Madagascar qui offre le plus grand potentiel de production agricole pour le reste des îles. Sur 36 millions d’hectares de terres arables, seulement 3 millions sont exploitées à l’heure actuelle.
La Grande île devrait bénéficier, sur la période 2015-2020, de 645 millions d’euros sur les 694 millions mobilisés pour la sécurité alimentaire régionale. Mais pour mettre en œuvre ces financements, il a fallu établir un inventaire des projets et mesurer les attentes du secteur privé des autres îles vis-à-vis de la production malgache. Le soutien financier de bailleurs comme l’Union européenne, la BAD (Banque africaine de développement) et l’AFD (Agence française de développement) doit aussi permettre une amélioration de la productivité. « En Asie, on produit 6 tonnes de riz à l’hectare contre moins de 2 tonnes à Madagascar, explique Jean-Claude de L’Estrac. C’est pourquoi le CIRAD interviendra comme partenaire technique. »

« En Asie, on produit 6 tonnes de riz à l’hectare contre moins de 2 tonnes à Madagascar… C’est pourquoi le CIRAD interviendra comme partenaire technique. » - Stocklib/Sommai Larkjit

« En Asie, on produit 6 tonnes de riz à l’hectare contre moins de 2 tonnes à Madagascar… C’est pourquoi le CIRAD interviendra comme partenaire technique. » – Stocklib/Sommai Larkjit

Le riz fait partie bien sûr des produits identifiés, mais aussi le maïs, l’oignon, l’ail et les grains. Sans oublier les productions de l’aquaculture. Des régions ont été identifiées, à même d’accueillir des opérateurs du secteur privé. Et des appels à projets sont en cours. La conférence a proposé la création à Madagascar d’une unité « Sécurité alimentaire ». Un projet qui devra être validé par le prochain conseil des ministres de la COI début mai.

Plusieurs options pour faciliter les dessertes maritimes régionales

Un rapport d’experts sur le transport maritime vient d’arriver sur le bureau de Jean-Claude de L’Estrac et devait donner lieu à l’organisation d’un atelier fin mars. Il y est question de deux options pour améliorer les dessertes inter-îles et faciliter ainsi les échanges. La première consiste à améliorer les services existants, mais elle dépendra du bon vouloir des compagnies. La seconde option serait de créer une nouvelle compagnie, associant les compagnies qui le souhaiteraient. Un soutien financier public pourrait intervenir sur les cinq ou six premières années, jusqu’à l’atteinte du point d’équilibre. La BAD et l’Union européenne seraient les bailleurs de fonds dans le cadre de ce dossier.