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Jean-Claude de L’Estrac raconte comme l’Élysée a trahi l’esprit de la francophonie

Quelques jours avant l’ouverture du 16e Sommet de la Francophonie, l’ancien secrétaire général de la COI a lancé le livre qu’il avait promis d’écrire après ce qu’il avait appelé la « trahison de Dakar ». Un ouvrage qui se lit d’un trait et fourmille d’anecdotes et de révélations.

Ce n’est pas vraiment un règlement de compte. Plutôt un « coup de pied dans la fourmilière », comme l’écrit dans sa préface Dominique Wolton, directeur de recherche au CNRS et directeur et fondateur de la revue internationale « Hermès ». « Quelle ouverture au débat dans le monde feutré et clos des relations internationales ! Quelle percée de la société civile ! », s’enthousiasme ce dernier. Le livre de Jean Claude de l’Estrac, candidat malheureux au poste de secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) nous plonge au cœur des enjeux et des jeux de pouvoir sur l’échiquier diplomatique mondial. Son auteur dissèque comme un chirurgien, utilisant sa plume avec la précision d’un scalpel, le discours dominant et fait découvrir au lecteur l’envers du décor. Il déconstruit, avec un style alerte et fluide, les rapports de force, les trahisons feutrées et surtout le jeu trouble de l’Élysée (siège de la présidence de la République française) dans la désignation de la candidate canadienne, Michaëlle Jean. Désignation qui n’a pu se faire que par le manque d’unité de l’Afrique. En ce sens, cette « victoire » est avant tout une défaite africaine.

DAKAR ET LA MANIFESTATION DE LA « FANÇAFRIQUE »

Depuis le sommet d’Hanoï de 1997, rappelle Jean-Claude de L’Estrac, un pacte tacite veut que le poste de secrétaire général revienne à un Africain puisque le siège de l’OIF est à Paris. Il est vrai que l’Afrique abrite 54% des 274 millions de locuteurs de la langue française dans le monde. Or la succession de l’ancien titulaire du maroquin, le Sénégalais Abdou Diouf, a donné lieu à une foire d’empoigne entre plusieurs États africains dont Maurice. Chacun de ces pays a présenté son champion et n’a pas voulu se désister en faveur d’un autre. Devant ce manque de consensus, Jean Claude de l’Estrac explique que la France a alors détourné l’esprit des institutions. En effet, au lieu de passer au vote, tel que prévu par la Charte de l’OIF, l’Élysée a imposé, faisant fi des recommandations de son ministère des Affaires étrangères, la candidature de Michaëlle Jean… François Hollande, s’appuyant sur l’esprit des institutions de la Ve République, a usé de ses prérogatives présidentielles, qui s’étendent à la Défense et aux Affaires étrangères dont les questions africaines, pour imposer son choix… Pour le plus grand malheur du candidat mauricien.
Et alors que le journaliste français Antoine Glaser, clame dans son livre « Africafrance » que « L’Afrique à papa » est bien morte et enterrée, il se pourrait que le sommet de la Francophonie de Dakar ait été peut-être l’un des derniers vestiges de la puissance de la « Françafrique ». Ce mot valise, inventé par l’ancien président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, désigne l’action néocoloniale de la France en Afrique…

« Francophonie – De Hanoï à Dakar – Le pacte brisé », par Jean-Claude de L’Estrac, préface de Dominique Wolton – Éditeur : Cherche Midi (novembre 2016), 224 pages
18 euros (14,99 euros en format électronique)