Edito
La démocratie nous a menés à la médiocratie

Cet éditorial étant écrit avant l’élection présidentielle française, il n’est pas possible de l’analyser dans le détail des chiffres. Mais, comme déjà écrit, il est clair que la stratégie d’Emmanuel Macron consiste à poursuivre la marginalisation des grands partis qui ont dominé la vie politique pendant des décennies et de se retrouver au second tour face à un candidat « extrémiste ». Le mieux étant pour lui de rééditer l’élection de 2017 et d’affronter Marine Le Pen qui, recentrée par Éric Zemmour, a tout de même son nom contre elle. Macron contre « l’épouvantail Le Pen », c’est le meilleur scénario pour le président sortant. Pour le reste, on peut dire que le débat a été occulté par la guerre en Ukraine, une aubaine pour le président français. Le seul candidat proposant une rupture radicale à travers un « Frexit », François Asselineau, n’a pu récolter les 500 signatures lui permettant de se présenter. Son discours avait pourtant du sens alors que les pires vicissitudes prédites aux Britanniques après le « Brexit » sont loin d’être devenues une réalité. On peut même dire que la Grande-Bretagne ne se porte pas mal du tout.
Une guerre civile virtuelle
Nul doute que l’élection présidentielle confirmera la fragmentation de la société française comme en attestent les sondages. Les riches contre les pauvres, les vieux contre les jeunes, les banlieues contre les beaux quartiers, les villes contre les campagnes… La France vit dans une espèce de guerre civile virtuelle et ce n’est pas un cas isolé. On peut le constater aux États-Unis et dans de nombreuses démocraties qui se sont musclées et flirtent avec le totalitarisme tout en nous menant à médiocratie. La covid- 19 a précipité les choses et la guerre en Ukraine a pris le relais. Les guerres contre un ennemi extérieur ont l’avantage, pour les pouvoirs en place, de détourner l’attention des peuples et d’être un exutoire. Après la guerre contre le coronavirus, la guerre contre Poutine à travers une russophobie ambiante ! Et tant pis si la gestion de ces guerres se révèle calamiteuse ! Elle permet de diriger par la peur et d’imposer la dictature de l’émotion. Si cela continue, on en viendra à brûler en place publique les livres de Dostoïevski ! Ce qui nous fera oublier momentanément l’hyperinflation ! Mais un moment seulement car, du côté de l’Afrique, les apprentis sorciers de Washington et de Bruxelles pourraient bien déclencher des famines, comme l’explique dans ce numéro Bernard Lugan.
Le cauchemar du ministre mauricien des Finances
Certains États pourraient se retrouver en faillite comme c’est le cas du Sri Lanka. Un cauchemar qui doit hanter le ministre des Finances de Maurice alors qu’il devrait présenter le Budget de l’État au mois de mai. Un ministre socialisant, visiblement disciple de Piketty, qui a cru bon d’instaurer une CSG, ce qui n’est pas le meilleur du « Made in France », pour financer la retraite par répartition. Une bombe à retardement alors que la population mauricienne est en phase de vieillissement, comme le démontre dans ce numéro Bernard Yen, dans un entretien à la fois didactique et décapant. « Population nombreuse, gloire du roi ; population en baisse, ruine du souverain », nous dit le Livre des Proverbes. À méditer par les dirigeants de Maurice ! Ce petit pays sans ressources naturelles a réussi son « miracle économique » après l’indépendance. Et s’il n’est pas devenu le « Singapour de l’océan Indien », c’est sans doute par manque de méritocratie et de bonne gouvernance, la politique politicienne conduisant à une espèce de médiocratie qui, d’ailleurs, alimente la fuite des cerveaux.
Rien n’est perdu
Rien n’est perdu, à condition d’un sursaut salutaire ! Notre région du sud-ouest de l’océan Indien peut générer de belles synergies avec Madagascar et ses 26 millions d’habitants en pleine jeunesse, une population qui pourrait doubler d’ici 2040, et avec ses centaines de milliers d’hectares de terres fertiles non exploitées. Sans oublier La Réunion, terre française à fort pouvoir d’achat, située à seulement 200 kilomètres de Maurice. Plusieurs groupes mauriciens y sont implantés et ne s’en plaignent pas. Il y a aussi l’Afrique continentale, bien sûr, dont tout le monde parle sans que personne ne sache vraiment bien comment l’aborder. Ici encore, il faut raisonner en termes de synergies et de complémentarité. Seule façon de développer les échanges commerciaux. La régionalisation de l’économie n’est plus un luxe dans le contexte mondial actuel ! C’est une nécessité vitale !
L’un des atouts de Maurice est d’être dotée d’un secteur financier performant à l’international. Peu de pays permettent d’ouvrir des comptes bancaires en euros, en dollars ou encore en rands sud-africains. Sans parler du bilinguisme permettant de faire l’interface entre le monde francophone et le monde anglophone. Mais encore faut-il redorer le blason d’un pays vieillissant et malade de politique politicienne. Un pays qui doit savoir mieux exploiter ses atouts tout en misant sur la régionalisation de l’économie.