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Maurice

La gonflette de PIB, sport favori de nos dirigeants

La présentation du Budget de l’État, à Maurice, par le ministre des Finances, qui vient au Parlement accompagné de son épouse, est une pièce de théâtre entrée dans la tradition. Une pièce de théâtre en trois actes. Le premier, c’est la préparation du Budget qui génère toutes sortes de supputations, des fuites plus ou moins bien orchestrées, un suspense qui bat son plein, d’autant plus cette année avec la date de présentation dévoilée au dernier moment. On retient son souffle. On se demande quelles taxes vont augmenter car l’État a besoin de toujours plus d’argent. Et lesquelles vont baisser pour donner un coup de pouce à un secteur ou faire plaisir à l’électeur. Le deuxième acte de la pièce de théâtre, c’est la présentation au Parlement sous le feu des projecteurs et devant un public chaleureux. Le troisième acte se passe dans les commentaires, jamais très méchants, plutôt conciliants et parfois même flatteurs, que diffusent les cabinets d’experts-comptables et les organisations socioprofessionnelles.

UN BUDGET CONSENSUEL NE FAIT PAS VIBRER

Finalement, le public et les critiques ne sont jamais très difficiles. Dans ce numéro de L’Eco austral, nous ne sommes pas très méchants non plus en attribuant une mention « passable » à Pravind Jugnauth qui vient de présenter son Budget le 29 juillet. On est loin de la mention « très bien », c’est sûr. Mais avec la mention « passable », un élève est admis à l’examen et passe dans la classe supérieure qui, pour Pravind Jugnauth, pourrait bien être le poste de Premier ministre. On ne s’étonnera donc pas que son Budget manque un peu de souffle, de couleurs et de capacité à éveiller notre enthousiasme. Trop consensuel pour ça et avec des touches électoralistes comme une hausse des recrutements de fonctionnaires. Des recrutements qui auront aussi l’avantage de gonfler le Produit intérieur brut (PIB). 
Cette gonflette est devenue le sport favori de nos dirigeants, à Maurice et ailleurs, mais ça reste artificiel. J’ai déjà eu l’occasion dans ces colonnes de comparer le PIB au cholestérol parce qu’il y a le bon et le mauvais. 

CALCUL DU PIB : UNE ESCROQUERIE INTELLECTUELLE

On peut même dire que le Produit intérieur brut, de la façon dont il est calculé, ne montre pas ce que produit réellement un pays. Tout simplement, comme l’explique l’économiste Jacques Bichot, parce que les services publics sont comptabilisés d’après leur prix de revient et non pas d’après leur prix de vente. Les PIB des pays qui affichent une importante fonction publique devraient donc être revus sérieusement à la baisse. Mais il y a pire. On peut raisonnablement penser que la création d’emplois publics favorise le chômage. 

PLUS DE FONCTIONNAIRES, C’EST PLUS DE CHÔMEURS

Une étude statistique, menée sur 17 pays de l'OCDE sur la période 1960-2000, a montré que la création d’un emploi public détruisait, en moyenne, 1,5 emploi privé. En clair, lorsque l’État crée 100 emplois dans le public, il en détruit 150 dans le privé. Le solde se révèle donc négatif de 50 emplois. Les économistes français Yann Algan, André Zylberberg et Pierre Cahuc se sont penchés sur la question et ont constaté, dans un grand nombre de pays, une croissance parallèle de l’emploi public et du chômage. Certains y voient une réaction des gouvernements qui créent des emplois publics pour pallier les faibles créations d’emplois privés. Mais on peut aussi penser, comme le soulignent Yann Algan, André Zylberberg et Pierre Cahuc, que la création d'emplois publics, en augmentant la pression fiscale, en fournissant des biens et des services substituables à ceux du secteur privé et en accentuant la pression à la hausse des salaires, soit susceptible d'évincer la création d'emplois privés. « Vue sous cet angle, écrivent les trois économistes, la relation entre emploi public et chômage pourrait signifier que la hausse de l'emploi public est une des causes de l'accroissement du chômage. » Il est clair que la création d’emplois publics est un instrument de lutte contre le chômage pour des dirigeants politiques qui entretiennent encore l’illusion du plein emploi. Mais ce faisant, ils obtiennent finalement l’effet contraire à celui qu’ils recherchaient. L’économie se montre parfois perverse.