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Afrique du Nord

La grande désillusion des « Printemps arabes »

En Tunisie, on commence à regretter le bon temps de Ben Ali alors qu’en Libye, plusieurs puissances s’immiscent dans le chaos ambiant en ne faisant que l’aggraver. Quant à l’Algérie, qui n’a pas connu de « Printemps arabe », elle doit gérer une situation à haut risque.

EN TUNISIE, DU JASMIN AUX CHRYSANTHÈMES
Les troubles sociaux qui agitent leur pays commencent à faire regretter à de nombreux Tunisiens l’époque « heureuse » du président Ben Ali. Les barbus ne tenaient alors ni la rue ni le maquis, le pays était gouverné, plus de sept millions de touristes irriguaient l’économie, les poubelles étaient ramassées, il n’y avait pas de coupures d’électricité… Aujourd’hui, les Tunisiens ont le ventre et les poches vides ; quant au jasmin de leur révolution, il ressemble de plus en plus à un chrysanthème… Politiquement, les Tunisiens qui, en 2014, avaient voté pour un président et un parti anti-islamistes se retrouvent gouvernés par une coalition composée des islamistes qu’ils rejetèrent par les urnes et qui ont été remis en selle par les anti-islamistes qui prétendaient les combattre… Le résultat de ce mariage de la carpe et du lapin est une incapacité gouvernementale à faire face à une crise socio-économique qui prend peu à peu une forme insurrectionnelle. Le vendredi 22 janvier, dans certaines régions de la Tunisie, le couvre-feu fut même décrété. Comme sous Ben Ali…

EN ALGÉRIE, LE SPECTRE DE L’EXPLOSION SOCIALE

En Algérie, un processus est engagé qui semble ne pas pouvoir connaître d’autre issue que la violence. Le pays dispose cependant d’un atout : les pays européens qui n’ont aucun intérêt à ce qu’il explose feront tout ce qui est en leur pouvoir afin qu’il échappe au pire. De plus, comme l’Algérie paye en partie ses importations en euros et ses exportations en dollars, la hausse de la monnaie américaine a servi d’amortisseur à sa balance des paiements. Plus encore, l’Algérie, qui ne produit rien et qui achète à l’étranger de quoi nourrir, soigner, habiller et équiper sa population, bénéficie actuellement de la baisse des cours des produits qu’elle importe. Nous sommes cependant dans le trompe-l’œil comme nous l’apprend le dernier rapport des Douanes algériennes (janvier 2016) qui met en évidence ce miracle conjoncturel. Trois exemples peuvent ainsi être cités :

  • Durant l’année 2015, les importations de matériaux de construction ont augmenté en volume de près de 10%, mais elles ont baissé de 12% en valeur ;
  • Les importations de bois ont connu une hausse en volume de plus de 100% (846 millions de dollars), mais leur baisse en valeur fut de près de 25% ;
  • Alors qu’en 2015, les volumes d’importation de céréales ont augmenté d’environ 10%, la facture payée par l’Algérie fut de 3,43 milliards de dollars contre 3,54 en 2014.

Si les cours repartaient à la hausse, si un accident climatique se produisait chez les producteurs mondiaux de céréales et si, parallèlement, les cours du baril de pétrole ne remontaient pas d’une manière significative, qu’adviendrait-il alors en Algérie ?

TOUJOURS LE CHAOS EN LIBYE

À l’heure où ces lignes étaient écrites, dans le sud de la Libye, Touareg, Toubous et Arabes s’affrontaient, cependant que le pays n’avait pas de gouvernement d’union nationale. Or, sans un tel gouvernement, aucune intervention militaire internationale contre l’État islamique n’est envisageable. La difficulté à laquelle se heurtent les responsables onusiens œuvrant à la constitution d’un tel gouvernement est que lorsqu’ils contentent les uns, ils mécontentent les autres. À cet égard, l’erreur de la communauté internationale est d’avoir voulu favoriser la ville de Misrata. Détestée par la plupart des autres composantes libyennes, elle est soutenue par la Turquie, le Qatar, les Frères musulmans et les États-Unis… Donc par la France.

Bernard Lugan