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Réunion

La logistique : un marché très convoité qui pèse 1,8 milliard d’euros

Ce secteur d’activité est estimé à 10 % du Produit intérieur brut (PIB) de la France. Pour La Réunion, dont le PIB a été calculé par l’Insee à 18,53 milliards pour 2017, cela représente donc 1,853 milliard. Au bas mot car son insularité la rend encore plus dépendante de la logistique.

D’après les statistiques des Douanes, La Réunion a importé en 2017 pour cinq milliards d’euros de marchandises, contre 1,41 milliard d’euros dix ans plus tôt, soit une progression de + 250 % et une moyenne annuelle de + 25%. Une croissance remarquable si l’on considère que la crise économique de 2009 est passée par là ! 
Sur ces cinq milliards d’euros de marchandises dédouanées en 2017, il y a trois milliards en provenance de France métropolitaine (58,6 %du total). Les deux autres milliards se répartissent entre l’Asie (18,6 %), l’Europe hors métropole (14,5 %), l’Afrique (2,7 %), l’Amérique (1 %), les autres îles de l’océan Indien (1 %) et le reste du monde (3,6 %). Si l’on détaille les importations de la région : 29,2 millions d’euros proviennent de Maurice (emballages, engrais, menuiserie en aluminium, lessive, bière), 17,8 millions d’euros de Madagascar (crustacés, légumes secs, poisson frais, café), 700 000 euros des Seychelles et 175 000 euros des Comores. Attention : nous parlons ici de valeur CAF (Coût assurance fret), telle qu’elle est déclarée en douane, à laquelle s’ajoutent les taxes douanières à l’arrivée (octroi de mer, droits de douane). C’est le prix d’achat du commerçant, qui applique ensuite sa marge et la TVA pour obtenir son prix de vente.
Ce qui interpelle dans cette progression de + 250 % des importations en valeur sur ces dix dernières années, c’est qu’elle ne se retrouve pas au niveau du tonnage du trafic conteneurisé à Port Réunion : il n’a progressé que de + 78,68 % en dix ans  (passant de 1 767 729 tonnes en 2007 à 3 158 701 tonnes en 2017). Cette progression de + 250 % ne se retrouve pas non plus dans le nombre de conteneurs qui passent par Port Réunion : il n’a progressé que de + 48 % sur dix ans (de 224 873 EVP en 2007 à  332 754 EVP en 2017) et encore, en tenant compte de l’activité hub de transbordement de CMA-CGM, qui a fait bondir le trafic global de + 30 % en 2016 !

Des marchandises plus chères et des porte-conteneurs plus gros

La hausse du prix des carburants (importés de Singapour) n’intervient que très peu dans cette hausse, de même que le fret aérien, c’est essentiellement la valeur de la marchandise dans les conteneurs qui a fortement augmenté.
Autre fait significatif : on recense 644 navires de commerce ayant escalé à Port Réunion en 2017, contre 679 l’année précédente, soit – 5 %, alors que le nombre total de conteneurs manipulés (import, export et transbordement) est passé dans le même temps de 324 448 EVP à 332 754 EVP, soit + 2,5 %. Et si l’on observe la tendance sur cinq ans (2013-2017), le nombre de navires de commerce est passé de 564 à 644, soit + 14 %, alors que le nombre de conteneurs est passé de 210 957 EVP à 332 754 EVP, soit + 57,7 %. Là encore, un constat s’impose : les navires transportent de plus en plus de boîtes ; en clair, ils sont de plus en plus gros !
Effectivement, nous observons que le grand port maritime de La Réunion bat régulièrement son record du plus gros porte-conteneurs accueilli à Port-Est. Le 6 février 2011, le MSC Laura, long de 300 mètres, large de 40 mètres et ayant une capacité de 6 732 EVP, a établi un nouveau record. À titre de comparaison, le porte-avions Charles de Gaulle ne mesure « que » 261 mètres de long et 31,5 mètres de large. Le record a été battu le 28 juin 2013 par le MSC Paris : 334 mètres X 42 mètres et 8 000 EVP. Ensuite, des travaux ont eu lieu au Port-Est : le quai a été rallongé pour atteindre 640 mètres de long (contre 400 mètres auparavant), et ainsi pouvoir opérer deux navires simultanément. On a également dragué le bassin à 15,50 mètres, pour offrir une profondeur utile de 14,50 mètres, accueillir de plus gros navires et établir un nouveau record : le CMA CGM Tanya, long de 300 mètres, large de 48 mètres et ayant une capacité d’un peu plus de 10 000 EVP, a fait escale à la Réunion le 20 avril 2016, et nous avons eu la chance de pouvoir le visiter.

La Réunion comme hub de transbordement

C’est pour intervenir sur ces géants des mers que Port Réunion s’est équipé de nouveaux portiques chinois (marque ZPMC) de type « super-overpanamax », capables de travailler des navires sur une largeur de 21 conteneurs (portée de 56 mètres). Vous les reconnaîtrez facilement: ce sont les portiques bleus.
Ces investissements étaient indispensables pour convaincre CMA CGM (troisième acteur mondial pour les conteneurs) de choisir La Réunion comme « hub » (port d’éclatement) de l’océan Indien. Auparavant, CMA CGM déposait les conteneurs destinés à l’océan Indien à Salalah (Oman), où ils étaient chargés sur des feeders (porte-conteneurs plus petits). La Réunion était alors « feederisée ». On notera que le choix de CMA CGM de venir à La Réunion est aussi dicté par le fait qu’à Salahah, la compagnie devait partager les installations portuaires avec Maersk (leader mondial) et que MSC (numéro deux mondial) avait déjà choisi de s’installer à Maurice. Or une compagnie maritime aime se sentir chez elle, un peu à l’écart de ses concurrentes. CMA CGM a d’ailleurs renforcé sa position locale en rachetant à Bolloré 69,99 % de la SMAR (Société d’acconage et de manutention de La Réunion).
Être un hub permet de développer une activité de transbordement (La Réunion ambitionne de traiter 100 000 EVP en transbordement en 2018), mais c’est surtout la garantie d’être livré en premier et donc de raccourcir les délais de livraison des entreprises, un des principaux paramètres pour la gestion des stocks. La Réunion est maintenant à dix jours de mer de Singapour, seize jours de Fos-sur-Mer (Marseille), dix-huit jours de Hong-Kong, etc.
On notera que MSC a choisi d’installer son hub à Maurice mais a mis en place une ligne, avec 15 navires, qui desservent directement La Réunion depuis Marseille-Fos, avant d’escaler à Maurice, car cela correspond mieux au flux de conteneurs pleins et vides.
Plus de salariés que dans l’hôtellerie et la restauration Bien que beaucoup moins important en tonnage, le fret aérien (26 531 tonnes contre 3 127 457 pour le fret maritime, soit moins de 1 %) représente également un secteur important de l’économie réunionnaise. En effet, il concerne des marchandises à haute valeur marchande, intrinsèque (produits frais, horlogerie-bijouterie) ou extrinsèque : une machine qui attend une pièce de rechange, cela coûte cher à l’entreprise. Et que dire d’un malade qui attend un résultat d’analyse d’un laboratoire en métropole ?
La Réunion est très dépendante de ses liaisons avec l’extérieur, elle importe une très grande partie de ce qu’elle consomme et cela se traduit en termes d’emplois. Les trois millions de tonnes de marchandise comptabilisées au port et à l’aéroport génèrent mécaniquement un trafic important de poids lourds sur les routes et une activité soutenue de dépotage, stockage, manutention, emballage, étiquetage. Au total, le transport et la logistique représentent 12 100 emplois salariés à La Réunion, à comparer avec les 8 500 salariés du secteur de l’hébergement et de la restauration (source Insee – Bilan économique 2017). 

Air France seule compagnie à proposer des avions 100 % cargo
Le 777-200F peut parcourir 9 000 km à pleine charge : un record pour un biréacteur. Ses deux turbines General Electric GE90-94B lui permettent, non seulement de consommer moins, mais encore de rejeter 18 % de CO2 en moins. Le 777 cargo d’Air France fait deux rotations chaque semaine. Le mercredi, il part de Paris vers La Réunion, avec une escale à Djibouti, et il repart le jeudi, en faisant escale à Madagascar et Nairobi. Le deuxième vol part le samedi de Paris pour La Réunion (escale au Caire) avec retour le dimanche (escales à Madagascar et Nairobi). Ponctuellement, sur demande, ce vol retour peut faire escale à Maurice le dimanche. C’est le vol Paris-Réunion du mercredi qui est le plus rempli, avec essentiellement à bord des denrées périssables, des pièces détachées et du matériel informatique.
Les entreprises de transport routier épargnées par la hausse du gazole
La Réunion compte à ce jour 936 entreprises de transport routier de marchandises immatriculées au registre national et possédant une LTI (Licence transport intérieur) en cours de validité. Avec un statut juridique qui peut être celui d’artisan-commerçant aussi bien que de société anonyme, de SARL ou de SAS. La taille de ces entreprises est également très variable. On trouve des chauffeurs qui possèdent un seul camion et sont leur propre patron et des entreprises avec un parc de 100, voire 200 véhicules (Camalon, Incana). Certaines d’entre elles sont hyper spécialisées comme par exemple Brink’s, qui ne transporte que de l’argent. Quoi qu’il en soit, toutes ces entreprises sont concernées par l’augmentation programmée du prix du gazole. Mais la Région Réunion leur permet de bénéficier d’un dispositif de « compensation ». En effet, si la collectivité a voté le 14 décembre 2017 l’augmentation des taxes sur ce carburant pour parvenir à l’alignement progressif de son prix sur celui de l’essence d’ici 2025 (pour se conformer à la loi sur la transition énergétique), elle épargne les professionnels de manière indirecte. Elle leur propose un remboursement, trois mois plus tard, de 11,33 centimes par litre (actuellement), à condition qu’ils en fassent la demande et présentent des factures. La Région a prévu une enveloppe de 2 millions d’euros pour cette année 2018 (soit pour 18 millions de litres). Cette compensation sera actualisée à chaque hausse des taxes qui va intervenir chaque année jusqu’en 2025. Cette compensation versée par la Région doit normalement permettre aux transporteurs routiers de ne pas répercuter sur leurs clients la hausse du prix des carburants à la pompe, qui ne concernera que les particuliers.