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République démocratique du Congo

La magie du parc national des Virunga attire à nouveau les touristes

Ce sanctuaire de la nature – et notamment des gorilles -, au nord du Kivu, a rouvert ses portes.
Pour le bonheur de plus de 2 000 touristes audacieux…

Vouloir faire du parc national des Virunga, situé à l'est de la République démocratique du Congo, une région réputée depuis vingt ans pour ses violences, un acteur de paix et de prospérité relève un peu de l'utopie.
En effet, la plus ancienne réserve naturelle africaine est encore régulièrement le théâtre d'accrochages et parcourue par au moins trois groupes rebelles : des membres du FDLR, le parti des Hutus opposants au régime rwandais, des membres de l'ADF-Nalu, opposants au régime ougandais et des Mai-Mai, groupe de guerriers autochtones. Il est en outre le lieu d'un trafic intense de Makala, le charbon de bois.
Pourtant depuis plus de deux ans, le défi est lancé, grâce notamment à l'impulsion du nouveau directeur du parc, Emmanuel de Merode. Ce dernier a été nommé officier d'État congolais par l'Institut congolais de conservation de la nature (ICCN) en mars 2008. Tel un baptême du feu, la nomination de ce descendant d'une illustre famille princière belge, né au Kenya, a été d'emblée marquée par la violence qui sévit dans cette région.
En effet, les forces armées du rebelle tutsi Laurent Nkunda ont envahi le nord du Kivu durant l'été 2008, bombardant le camp de base du parc. Pourtant, un mois après la fin des hostilités, le nouveau directeur relançait son programme de réhabilitation du parc.
Et deux ans après, si l'on ne se bouscule pas encore dans le parc des Virunga, on peut dire que les touristes ont clairement fait leur réapparition.

L'une des premières actions d'Emmanuel de Merode a été la restructuration des équipes de gardes forestiers qui étaient un millier à peu près. En manager de choc, il a d'abord divisé leur nombre par… trois !
« La plupart étaient inutiles, sans formation et démotivés », tranche-t-il. Après avoir sélectionné 375 candidats, il les a formés aux questions juridiques et environnementales que pose la surveillance d'un parc, mais surtout au maniement… des armes. Ses gardes ont désormais un véritable esprit de corps qui rappelle celui d'une milice : discipline, autonomie, belle paye.
Aujourd'hui, la principale tâche des gardes forestiers reste la sécurisation du parc : opération commando pour déloger des groupes rebelles, pour sécuriser les sentiers qui mènent aux gorilles ou la grande route qui conduit vers le nord du Congo. « Si l'on veut réimplanter le tourisme, on n'a pas droit à l'erreur », assure l'un des collaborateurs du directeur.

Les signes d'une renaissance

Mais les efforts commencent à être payant. Depuis que le parc a rouvert ses portes au tourisme au printemps 2010, il a reçu plus de 2 000 visiteurs. Avec un droit d'entrée de 400 dollars pour la visite des gorilles et un autre de 200 dollars pour le volcan, ces touristes ont rapporté en quelques mois près d'un demi million de dollars, l'autre demi million étant dû à l'État congolais.
« C'est encore une petite somme, mais elle est immédiatement dans les caisses », assure l'adjoint responsable du développement économique du parc. En tablant sur 10 000 touristes par an – ce qui est la capacité maximale que les familles de gorilles peuvent « accueillir », sous peine de perdre leur nature sauvage -, cela devrait faire une entrée immédiate de 2 à 3 millions de dollars par an. Fait assez exceptionnel pour la région : 30% des droits d'entrée sont attribuées aux populations environnantes, en pariant que leur bien-être sanitaire et économique contribuera à la stabilité du parc et au développement du tourisme. « Le parc des Virunga a un potentiel extraordinaire. Avec une géographie qui va de 5 000 mètres à 900 mètres, il a connu dans les années 50 la plus grande densité de grands mammifères au monde. Mais la guerre a fait tomber le nombre d'éléphants de 2 800 à 350 et celle des hippopotames de 27 000 à 350, selon le dernier recensement aérien de 2005 », explique, désolé, Emmanuel de Merode.

Pourtant, la tendance semble à nouveau s'inverser. Quelque 200 éléphants sont revenus, notamment dans la Rwindi, un spot très couru jusque dans les années 80. « Si l'on peut assurer encore deux ans de stabilité à la région, les animaux vont revenir en masse », espère Emmanuel de Merode qui avait pourtant du mal à croire à une possible réhabilitation du parc et encore moins à l'arrivée de touristes.