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Réunion

La marche vers l’autosuffisance alimentaire

Couvrant en moyenne 55% de ses besoins alimentaires, La Réunion s’efforce de structurer ses filières de production, elle développe son industrie de transformation et se permet même d’exporter.



La production agricole réunionnaise a valeur d’exemple parmi les agricultures insulaires. Elle pèse, aujourd’hui, 400 millions d’euros de chiffre d’affaires dont 37% générés par les fruits et légumes (et les produits de l’horticulture), 33% par la canne à sucre et 28% par l’élevage. « Le taux de couverture s’élève à 79% en produits frais et à 55% sur l’ensemble des produits alimentaires. L’objectif de La Réunion étant de tendre vers l’autosuffisance, nous définissons des orientations pour les filières qui peuvent s’en rapprocher », énonce Serge Hoareau, élu du Conseil départemental délégué à l’Agriculture. Grâce à un modèle historique d’organisation en interprofession, incluant les acteurs de la grande distribution, les productions de porc, de volailles, de lait et d’œufs couvrent près de 100% de la consommation en frais et 50% du total des produits. La filière bovine, qui couvre 44% des besoins en frais et 25% tous produits confondus, continue de progresser grâce au programme D.E.F.I. (Développement de l’élevage et des filières interprofessionnelles). Ce programme en faveur de l’emploi et du pouvoir d’achat accompagne une baisse des prix de détail qui doit être coordonnée entre tous les acteurs de la filière. « Les parts de marché sont stables, malgré une augmentation de la production interprofessionnelle de près de 7%, soutenue par le succès de la commercialisation des produits D.E.F.I. qui a augmenté de 30% depuis le lancement du programme », annonce Marina Feat, secrétaire générale des interprofessions bétail-viande ARIBEV et ARIV. La croissance démographique a permis aux importations de progresser parallèlement à la production locale, mais D.E.F.I. a déjà permis l’installation de 46 nouveaux éleveurs. 

RELANCER L’INDUSTRIE DE TRANSFORMATION

Plus récente, l’organisation du marché des fruits et légumes en filière interprofessionnelle ne représente encore que 22% des 100 000 tonnes produites sur l’île. « L’agro-transformation a besoin d’une production organisée pour reconquérir de larges parts de marché », souligne Serge Hoareau. L’industrie agroalimentaire, premier secteur industriel de l’île, génère  une valeur ajoutée de 373 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros. Mais la transformation des fruits et légumes, qui traite 33 000 tonnes, ne couvre que 10% de la consommation. Créée en 2012, l’ARIFEL (Association réunionnaise interprofessionnelle des fruits et légumes) est porteuse d’une stratégie de développement de la filière. « Nous estimons à 40 000 tonnes les besoins supplémentaires en fruits et légumes à l’horizon 2020, précise Daniel Moreau, président de l’ARIFEL. 22 000 tonnes pour les besoins en produits frais locaux, 8 000 tonnes pour la relance des productions déficitaires de la carotte, de l’oignon, de l’ail et de la pomme de terre et 10 000 tonnes pour accroître les parts de marché de la transformation. » Ceci tenant compte de l’accroissement de la population, de la conquête de la restauration collective et d’un développement des marchés à l’export. « L’ARIFEL s’emploie à coordonner un accroissement quantitatif et qualitatif de la production locale avec une réponse aux consommateurs en matière de traçabilité, d’innocuité, de diversité et d’innovation », ajoute Daniel Moreau. 
 

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VERS UNE COMMANDE PUBLIQUE UNIFIÉE

Par des actions fédératrices, l’ARIFEL encourage des synergies entre l’ensemble des acteurs, y compris la recherche et les collectivités publiques. Huit produits prioritaires ont été choisis pour l’émergence de projets intégrés dans une logique globale : le letchi, la mangue, les agrumes, l’ananas Victoria, ainsi que la tomate pour la transformation, l’oignon, la carotte et la pomme de terre. Le marché de la restauration collective publique doit ouvrir de nouveaux débouchés à la production du territoire. « La volonté conjointe du Conseil départemental et de la Région Réunion est de créer une plateforme commune, dès 2016, pour la commande des établissements publics, avec un marché plus adapté à la production locale en termes d’appels d’offres, affirme Serge Hoareau. Il s’agit de l’élargir à d’autres plateformes pour une commande unique aux professionnels, apportant une visibilité en volumes. » L’agriculture, à La Réunion, bénéficie d’une enveloppe de financements publics en hausse de 17%. « Le Conseil départemental est devenu, en 2014, l’autorité de gestion du FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural) qui s’élève à 385 millions d’euros pour la période 2014-2020 », rappelle Serge Hoareau. Avec l’appui de fiches mesures pour libérer ces fonds, 88 millions d’euros sont ainsi fléchés vers l’accompagnement technique et 32 millions d’euros pour le soutien aux projets concernant l’écoulement de la production agroalimentaire. 

UN DÉBUT DE CONCURRENCE EUROPÉENNE

Les orientations européennes privilégient les projets en faveur de la production locale, d’une offre alimentaire accessible, de bonnes pratiques environnementales et de circuits  courts. Mais le programme 2014-2020 impose aussi certaines procédures par appels à projets de dimension européenne. « Des organismes agricoles et des techniciens de l’Union européenne peuvent apporter une concurrence en matière d’encadrement, informe Serge Hoareau. Nous devons lancer des appels à projets pour les besoins en transfert de connaissance et des appels d’offres pour les prestations de conseil. » La Réunion, en août 2015, a été la huitième région à voir valider son Programme de développement rural régional (PDRR) pour la mise en œuvre des fonds FEADER. « Il faut désormais préparer l’après-2020 en se posant une question déterminante, appuie Serge Hoareau. Est-ce que le modèle actuel correspond aux besoins d’évolution du monde agricole ? » Un appel à la réflexion sur le poids du système coopératif à La Réunion au regard des attentes des agriculteurs indépendants. La période transitoire entre deux programmes européens a aussi révélé la frilosité des financements privés envers les activités agricoles. « En l’absence de fonds publics, tout doit-il s’arrêter ? », interroge Serge Hoareau. La dynamique d’action collective, portée par l’ARIFEL, pour la création de valeur, d’emplois et de relais de croissance, au sein d’une filière indépendante, constitue une promesse de réponse.