Eco Austral

Découvrez tous nos articles en illimité. Je m’abonne

Logo Eco Austral
n

Eco Austral

Maurice

La MCCI fait condamner Sciences Po Aix

« La somme de 31 705 euros que l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence (Sciences Po Aix) a été condamné (fin novembre 2021, NDLR) à verser à la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice (MCCI) est portée à 100 037 euros», indique, fin novembre, la cour administrative d’appel de Marseille. La Justice française a donc estimé qu’il y a bien eu « une rupture unilatérale et sans préavis d’un partenariat (entre l’IEP d’Aix-en-Provence et la MCCI – NDLR) » et a quasiment triplé la somme due à la chambre de commerce. La MCCI avait contesté le montant de l’indemnisation initiale, décidée en première instance par le tribunal administratif (TA) de Marseille.
La chambre mauricienne réclamait, en effet, 115 469 euros à l’école aixoise pour contrepartie des dépenses engagées au titre de l’exécution du partenariat, et 25 000 euros au titre du préjudice moral. Mais par un curieux concours de circonstances, son cabinet d’avocats marseillais – pourtant réputé dans la cité phocéenne – avait tout simplement « oublié » d’envoyer au greffe du TA la facture la plus importante malgré les relances de la MCCI… 

« Bachelor » et « Master » d’études politiques

Mais comment l’IEP d’Aix-en- Provence a-t-il pu être condamné à une telle amende ? En 2010, Maurice lançait son Knowledge Hub, un centre régional des connaissances ouvert aux universités étrangères. Deux ans plus tard, Sciences Po Aix et la MCCI signaient un partenariat permettant à celle-ci de délivrer un Master (Bac+5), alors que le Lycée La Bourdonnais devait ouvrir, avec Sciences Po Aix, un Bachelor d’études politiques (Bac+3). Ce dernier était accessible aux titulaires d’un bac général à Maurice, en Afrique australe et dans l’océan Indien, ainsi qu’aux titulaires du Higher School Certificate (HSC) britannique.
Le Lycée devait accueillir 90 étudiants sur trois ans et la formation devait être accréditée par le régulateur mauricien de l’éducation post-secondaire (TEC). Point important, l’admission au Bachelor se faisait après étude des dossiers de candidature et devait être prononcée par une commission et non pas après un (difficile) concours d’entrée. Après ce Bac+3, les étudiants pouvaient poursuivre leur Master à la MCCI Business School, l’école de formation de la chambre de commerce, en gouvernance d’entreprise, en relations humaines, en commerce international, ou intégrer une autre école française, voire intégrer Science Po Aix.

Diplômes au rabais 

Mais cette décision allait mécontenter six autres Instituts d’études politiques. Arguant que les étudiants de Maurice intégraient l’école sans concours, les IEP de Lille, Lyon, Rennes, Strasbourg et Toulouse ont menacé, fin septembre 2014, d’exclure l’établissement aixois du concours commun d’entrée (ces IEP ont, pour offrir une meilleure lisibilité à leur offre de formation, établi un concours commun d’entrée). S’emparant de l’affaire, le site d’informations Mediapart relaie le mécontentement des IEP et des étudiants basés dans l’Hexagone « qui parlent de diplômes au rabais et sans concours ». L’affaire prend alors un volet politique dans l’Hexagone car la ministre de l’Éducation de l’époque, Najat Vallaud-Belkacem, intervient et monte au créneau en dénonçant ces partenariats. Mais l’affaire est très sensible, car outre l’aspect pénal, la décision du développement à l’international de Sciences Po Aix est une décision de son conseil d’administration dont Christine Lagarde… est la présidente. Or, au moment de l’affaire, elle est directrice du Fonds monétaire international (FMI)… 
En octobre 2014, face à la levée de boucliers, Christian Duval, alors directeur de l’IEP d’Aix, stoppe brutalement les contrats permettant la délivrance de ces diplômes estampillés « Sciences Po Maurice ». Sous pression, il finit par démissionner un mois plus tard. Le parquet d’Aix-en-Provence devait alors ouvrir une instruction judiciaire pour « faux, usage de faux en écritures publiques et escroquerie aggravée ». La MCCI s’estimant victime de cette situation devait alors aller en justice plaider sa cause. Cause entendue, le jugement est confirmé par la cour administrative d’appel de Marseille.