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Madagascar

La pervenche de Madagascar contre le cancer

Cette plante étonnante permet aux laboratoires français Pierre Fabre, présents dans la Grande île depuis quarante ans, d’élaborer des anticancéreux. Elle a aussi beaucoup d’autres propriétés, connues depuis des siècles…

Le Catharanthus roseus (nom scientifique de la Pervenche de Madagascar, appelée également Pervenche tropicale) est utilisé depuis des siècles dans la médecine traditionnelle malgache, mais aussi dans de très nombreux pays tropicaux où il a été introduit au XVIIe siècle. Ses utilisations sont innombrables : coupe faim, antidiabétique, hypotenseur, antiscorbutique, antiseptique, abortif, purgatif, fébrifuge, anti-inflammatoire, antipaludique, contre les règles douloureuses, antidysentérique… En 1949, un chercheur canadien, Robert Noble, de l’université de l’Ontario-Ouest, s’est intéressé à cette plante utilisée comme anti-diabétique à la Jamaïque, mais sans succès. Les rats diabétiques auxquels il administre la plante meurent d’infections sans qu’aucun effet antidiabétique ne soit observé… Le chercheur canadien remarque que l’extrait de cette plante entraîne une diminution sévère des globules blancs (impliqués dans la défense contre les infections). Devant cet effet, il lui apparaît évident que la Pervenche tropicale contient un ou plusieurs composés utilisables pour traiter les leucémies où justement le nombre de globules blancs explose. Après un travail très délicat avec le chimiste Charles Beer, il identifie en 1954 les produits actifs, comme un mélange complexe d’alcaloïdes indoliques (*).

CONTRE LES CANCERS DU SEIN, DU POUMON ET DE LA VESSIE

Cette nouvelle thérapeutique pose très vite des problèmes techniques d’approvisionnement car la teneur de la plante en produits anticancéreux est très faible, de l’ordre de quelques grammes par tonne de feuilles sèches. Les meilleurs chimistes du monde entier tentent alors de reproduire ces composés rares. L’équipe du professeur Pierre Potier au CNRS de Gif-sur-Yvette réussit en 1974 à réaliser les précieuses molécules « dimères » par hémisynthèse, à partir des deux précurseurs « monomères » (vindoline et catharanthine) présents en quantité relativement élevée dans la plante. Au cours de leurs travaux de couplage conduisant aux « dimères », ils parviennent à repérer, grâce à l’activité sur la tubuline (cible de ces molécules anticancéreuses de la Pervenche), un produit de réaction minoritaire inattendu, absolument inédit et très actif : la vinorelbine. Développée avec succès par le groupe Pierre Fabre, ce composé est devenu une spécialité majeure dans le traitement des cancers du poumon et des cancers du sein.

UNE PRODUCTION DANS LA RÉGION DE FORT-DAUPHIN

Les feuilles de Pervenche font l’objet d’une production à Madagascar dans la région de Fort Dauphin. Il s’agit de semi-cultures et non de « cueillettes sauvages » car les paysans attendent que la plante soit montée en graines pour effectuer les récoltes. En pratique, il faut environ 20 tonnes de feuilles fraîches, c’est-à-dire quatre tonnes de feuilles sèches, pour obtenir un seul kilogramme de vinorelbine. Depuis 2009, la vinflunine, un nouveau dérivé, mis au point conjointement par les chercheurs de Pierre Fabre et du CNRS de Poitiers, est disponible pour traiter les cancers de la vessie. Cependant, les rendements pour accéder à ce composé très original (bifluoré), issu également des feuilles de Pervenche, sont plus faibles.

(*) Alcaloïdes indoliques : molécules organiques hétérocycliques azotées basiques (un cycle benzénique + un cycle pyrole accolé) possédant le plus souvent une activité pharmacologique marquée.