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La programmation pluriannuelle de l’énergie devra se donner les moyens de ses ambitions

Pour rappel, la PPE dont nous parlons est un document que la Région a adopté lors de la séance du 19 décembre 2016 et qui comporte deux phases : 2016-2018 et 2019- 2023. Ce que les conseillers régionaux vont voter au mois d’octobre, c’est la validation de la deuxième phase, au regard du bilan de la première phase qui met en lumière…certaines zones d’ombre. Par exemple, la PPE prévoit 16 MW de « valorisation énergétique des déchets ménagers », ce qui ressemble bien à une expression politiquement correcte pour désigner un incinérateur. Question : qui veut habiter près d’un incinérateur ? On se souvient qu’il y a une dizaine d’années, un petit panneau était installé à l’entrée du temple hindou de Bois-Rouge, à Saint-André, avec ce message clair : « Non à l’incinérateur. » Jean-Paul Virapoullé, qui était derrière le projet, n’en a pas tenu compte et… a perdu les municipales de 2008 au profit d’Éric Fruteau, qui était contre l’inciné-rateur. C’est aujourd’hui Michel Fontaine, le maire de Saint-Pierre, qui est favorable à l’installation de cet équipement sur le territoire de sa commune, à Pierrefonds, contre l’avis de Didier Robert, qui a d’ores-et-déjà indiqué que la Région ne participerait pas au financement (alors qu’il s’agit d’un investissement estimé selon certains à 140 millions d’euros). Bref, le projet d’incinérateur ne fait pas l’unanimité au sein de la population réunionnaise.
Autre chose qui fait sourciller : la PPE prévoyait la baisse de la consommation des énergies fossiles du secteur des transports terrestres de -4 % en 2018 et -10 % en 2023 (par rapport aux consommations de 2014).
Si le charbon demeure la première source de production d’électricité à La Réunion, son utilisation connaît cependant une baisse significative. DR
La hausse s'explique par l'augmentation du parc automobile et le fait que les automobilistes préfèrent de plus en plus l’essence au diesel. DR
Les centrales thermiques vont se « décarboner »
Il faudra attendre le 31 décembre pour disposer des chiffres 2018, mais il n’y a aucune chance pour que l’objectif de cette année soit atteint : nous sommes à +5,4 % entre 2013 et 2017 (voir notre tableau). Cela s’explique parce que, d’une part, le parc automobile augmente (voitures particulières et camions) et, d’autre part, parce que les automobilistes préfèrent de plus en plus l’essence au diesel. Or, la consommation des voitures essence est supérieure à celle des voitures diesel.
Heureusement, tout n’est pas sombre, loin de là, la PPE apporte son lot de bonnes nouvelles. Pour le charbon, par exemple, la trajectoire réunionnaise est bonne : les importations ont baissé de 15 % entre 2013 et 2017 et les investissements annoncés au niveau des centrales thermiques sont compatibles avec l’arrêt complet des importations de charbon en 2023, comme le prévoit la PPE. Tout en se « décarbonant », les centrales thermiques vont même augmenter leur puissance, en améliorant leur technologie et intégrant davantage de biomasse (bois, et déchets verts).
La PPE prévoit également l’arrivée sur le réseau EDF de 5 MW d’énergie géothermique et 5 MW d’énergie marine (contre zéro au -jour d’hui), un doublement de la méthanisation (de 3 à 6 MW), un quadruplement de la gazéification (de 1 à 4MW), mais surtout un triplement de l’éolien (de 8 à 25 MW), sans oublier une très forte augmentation du photovoltaïque, avec et sans stockage. La PPE a prévu dans la foulée d’autoriser EDF à accepter plus d’énergie intermittente (essentiellement du photovoltaïque sans stockage) sur son réseau : le taux est passé de 30 % à 35 % et l’objectif est d’atteindre 45 % en 2023.
Il faut une volonté politique forte, localement et à Paris Tous ces projets, tous ces MW supplémentaires suffiront à couvrir, et même largement, les besoins de la population réunionnaise en électricité en 2023. La seule incertitude concerne les délais : cela fait beaucoup d’investissements à financer et beaucoup d’équipements à installer en cinq ans !
Selon une source proche du dossier, « le niveau de réalisme de la PPE est à mettre en perspective avec le niveau de volonté politique ». Et de rappeler que Nicolas Sarkozy est venu inaugurer en janvier 2010 la plus grande ferme photovoltaïque de France, à Saint-Pierre Pierrefonds, et La Réunion était alors citée en exemple, comme l’indique cet extrait de son discours officiel : « En matière d’énergies renouvelables et de réduction des émissions, c’est La Réunion qui va montrer le chemin et c’est la Réunion qui va devenir une référence pour la France et une référence dans le monde. »
Hélas, une forte baisse du tarif de rachat du kW solaire peu de temps après a suffi à casser l’élan, plusieurs solaristes ont mis la clef sous la porte et plus personne ne parle de Gerri (Grenelle de l’environnement à La Réunion : réussir l’innovation). Il ne faut pas que cela se reproduise, il faut une volonté politique forte, localement et à Paris.
Pour rappel, le projet d’exploitation géothermique de la Plaine des Sables (volcan) remonte à 1978 (premières études du Bureau de recherches géologiques et minières - BRGM) et des forages d’exploration effectués en 2000 ont confirmé un potentiel de production électrique de 20 MW, grâce à un « réservoir géothermique à haute température» d’environ 100 km2 centré sur la Plaine des Sables à une profondeur de 1 200 à 1 500 mètres de la surface. Mais le 26 mars 2010, Didier Robert, nouveau président du conseil régional a annoncé l’abandon définitif de ce projet, car il n’est pas compatible avec les exigences de protection environnementale liées à l’inscription de la Plaine des Sables au patrimoine mondial de l’Unesco. Celle-ci a d’ailleurs salué ce courage politique dans sa décision (http://whc.unesco.org/fr/deci-sions/3983), félicitant la Région Réunion « d’avoir pris la décision d’abandonner le projet de production d’énergie géothermique en tenant compte de la nécessité de maintenir la valeur universelle exceptionnelle du bien ». Par contre, il apparaît que le projet de géothermie pourrait resurgir dans le cirque de Salazie, où des forages d’explorations ont déjà eu lieu en 1986.