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Réunion

La recherche chinoise s’intéresse beaucoup à l’océan Indien

En matière de recherche et d’expérimentation dans la lutte contre les maladies propagées par les moustiques, l’océan Indien est un bon laboratoire. Mais il n’est plus le pré carré des Français.

La lutte contre le paludisme aux Comores a pris un tournant décisif avec un traitement de masse de la population à l'Artequick, un nouveau médicament chinois, qui combine trois molécules : artémisinine, pipéraquine et primaquine. Au total, 700 000 personnes ont reçu un traitement complet, soit trois doses du médicament à un mois d'intervalle, avec comme résultat un recul spectaculaire du paludisme sur l’ensemble des îles (Mohéli, Anjouan et la Grande Comore).
Le professeur Song Jianping, de la faculté de médecine de Guanzhou, a expliqué sur CBS News que la manière occidentale de lutter contre le paludisme consistait à contrôler les moustiques, ce qui est impossible. Les Chinois ont voulu innover, en ne ciblant pas le virus lorsqu'il est chez son hôte moustique mais quand il est chez son hôte humain, en traitant massivement la population à l'aide de ce nouveau médicament mis au point par le laboratoire chinois Artepharm Co. Ltd. L’éradication du paludisme étant un enjeu sanitaire, mais aussi économique (la prise en charge des malades coûte très cher), le gouvernement comorien a accepté ce test à l’échelle de tout son pays. Un test intégralement pris en charge par la Chine. 
Selon l'ambassadeur chinois aux Comores, He Yanjun, cinq ans après le traitement massif de la quasi-totalité de la population, le nombre de cas de paludisme est passé de 100 000 par an à moins de 1 500 et la maladie pourrait être totalement éradiquée d'ici 2020 (notez le condi-tionnel). Il était important pour la France de suivre cette expérimentation médicale, notamment au niveau des recherches complémentaires sur les contre-indications, les effets secondaires et de résistance mis en avant par certains laboratoires pharmaceutiques… concurrents. 
Le paludisme est éradiqué à La Réunion mais l'île doit rester vigilante à propos de toutes les maladies dont le moustique est vecteur. Pour rappel, en 2006, le chikungunya a fait 254 morts dans l’île. Le virus y est arrivé en suivant un itinéraire aujourd'hui parfaitement connu : côte orientale africaine, Comores, Mayotte, Réunion (Saint-Pierre). Ce ne sont pas des moustiques qui ont fait le voyage d'île en île mais des individus porteurs du virus. 

La French Tech n'a pas dit son dernier mot

Actuellement, on assiste à La Réunion à la recrudescence d'une autre maladie dont le moustique est vecteur : la dengue, heureusement pas sous sa forme la plus sévère qui est mortelle. Mais plus de 1 200 cas sont confirmés depuis le début de l'année et leur nombre ne cesse d'augmenter. Pour le moment, les autorités répondent à cette urgence sanitaire avec les moyens classiques (pulvérisations massives, information de la population). Cette épidémie est également favorable à la recherche et à l'innovation dans la lutte anti-vectorielle, qui a pour nom à La Réunion TIS (Technique de l’insecte stérile). Cette innovation a été développée par la mission MiVEGEC (Maladies infectieuses et vecteurs, écologie, génétique, évolution et contrôle – www.mivegec.ird.fr) qui fait appel à cinq équipes de recherche présentes en plusieurs endroits du monde : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Sénégal, Thaïlande, Vietnam, Guyane et Réunion. Un premier lâcher de moustiques mâles stériles (Aedes albopictus, vecteur du chikungunya et de la dengue) a été opéré à La Réunion début 2019. C'est une alternative aux pulvérisations massives d'insecticide, qui commencent à être décriées. Cette nouvelle technologie ne permettra pas d'éradiquer tous les moustiques de La Réunion, ce n'est pas le but, il faut juste contrôler leur population et la diminuer à un niveau assez bas pour enrayer les épidémies. Si cette innovation s'avère efficace à La Réunion, elle pourra être proposée aux autres îles de l'océan Indien, voire à l'Afrique et l'Asie, partout où les moustiques sont vecteurs de maladies.
L'autre axe de recherche est celui d'un médicament made in océan Indien. Un des principaux composants de l'Artequick chinois est l'artémisinine, une molécule sur laquelle la Chinoise Tu Youyou a mené des travaux qui lui ont valu le prix Nobel de médecine 2015. L'artémisinine est obtenue à partir d'une plante, l'Artemisia annua, qui pousse très bien à Madagascar, comme le montre l’entreprise Bionexx, créée dans la Grande Île par le Français Charles Giblain. En combinant les atouts de ses différentes îles, l'océan Indien pourrait mettre au point, produire et commercialiser un médicament antipaludéen à destination de tout le continent africain… avant que les Chinois ne prennent tout le marché. Selon nos informations, l'Artequick est déjà disponible en pharmacie dans plusieurs pays d’Afrique dont le Nigéria et la Tanzanie.