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Océan Indien

L’Agence française de développement se régionalise

L’heure est à une meilleure intégration de La Réunion et de Mayotte dans leur environnement régional. C’est l’objectif de l’AFD, établissement public chargé de mettre en œuvre la Coopération française. Pour cela, une direction régionale a vu le jour à La Réunion.

On a connu une époque où les actions de coopération se menaient distinctement, sans coordination et avec peu d’informations échangées, dans les pays de la région et dans l’Outre-mer français. Il existait une véritable ligne de démarcation qui se retrouvait au siège de l’Agence française de développement (AFD) à Paris. Il faut dire que les situations variaient beaucoup sur le terrain. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et, du côté de la France comme de l’Union européenne, on prône l’intégration régionale. La Région Réunion est d’ailleurs chargée de gérer le programme de coopération Interreg, financé par le Fonds européen de développement régional (Feder) à hauteur de 63,2 millions d’euros pour la période 2014-2020. 
« Les paradigmes ont changé, explique Marc Dubernet, directeur régional océan Indien de l’AFD. Les problématiques du Nord et du Sud se ressemblent de plus en plus. On parle aujourd’hui des objectifs de développement durable (ODD) et c’est valable pour le monde entier. » Plus précisément, les Nations Unies ont fixé 17 objectifs très précis pour sauver le monde à l’horizon 2030 (lire par ailleurs). Et cela transcende les clivages entre le Nord et le Sud. L’occasion pour l’AFD d’accomplir une petite révolution culturelle en décentralisant certains services avec la création de 17 directions régionales dans le monde, sur les trois océans où la France dispose de départements ou territoires. C’est pour ça que, depuis septembre 2018, Marc Dubernet officie comme directeur régional océan Indien à partir de La Réunion. Sa mission : diriger et coordonner les actions de l’AFD dans les différentes îles de la Commission de l’océan Indien, auxquelles s’ajoute Mayotte.
« Nous ne sommes pas les seuls à avoir choisi ce type d’organisation régionale. Beaucoup d’institutions l’on fait comme, par exemple, la Banque africaine de développement (BAD). Cela nous permet de mieux développer les partenariats avec la Commission de l’océan Indien (COI), l’Union des chambres de commerce et d’industrie de l’océan Indien (UCCIOI), l’Union européenne et d’autres… Ce ne serait pas la même chose à Paris. »

 

Marc Dubernet
En poste depuis septembre 2018 comme directeur régional océan Indien, Marc Dubernet n’est pas en terrain inconnu puisqu’il a dirigé de 2010 à 2014 l’agence de La Réunion.  Photo : Davidsen Arnachellum
 

Faire mieux et plus

En étant plus près du terrain, il s’agit aussi d’être plus efficace. Si les agences étaient déjà là pour les contacts physiques avec les clients, la création d’une direction régionale a permis la mise en place d’un service de porte-feuille régional. Pour analyser les comptes et suivre la vie des prêts, apportant si nécessaire des changements. Un certain nombre de fonctions sont ainsi mutualisées, le but étant de faire plus et mieux. 
De nombreuses décisions peuvent se prendre à l’échelle régionale, ce qui n’était pas le cas auparavant. On peut parler d’une véritable décentralisation dont l’objectif est de mieux coller à une « stratégie de développement régional océan Indien » qui vient d’être arrêtée. Si l’AFD est prête à accorder plus de financements, essentiellement sous forme de prêts, elle veut aussi faire jouer les « effets de levier » à travers des co-financements. Créer des coalitions de financeurs : bailleurs de fonds, fonds privés, banques régionales et nationales de développement… Sans oublier l’International Development Finance Club (IDFC), premier financeur dans la lutte contre le changement climatique et la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat.
Son dernier engagement a atteint 200 milliards de dollars. 
La France se veut d’ailleurs « porte-parole d’une diplomatie climatique » et l’AFD, en tant qu’agence de Coopération, ne peut que suivre. C’est pour-quoi toutes les actions relatives à la lutte contre le changement climatique l’intéressent. L’autre volet prioritaire, c’est l’humain et, plus précisément, la cohésion sociale ou sociétale. On est là dans l’éducation et la santé, mais aussi dans la lutte contre l’exclusion et les inégalités. Avis aux acteurs économiques : si votre projet n’a aucun lien avec la lutte contre le changement climatique ni avec la cohésion sociale ou sociétale, il faudra sans doute repasser ! 
Mais le champ est large, il s’agit du développement durable. Cela concerne aussi bien l’économie circulaire que les énergies renouvelables, ou encore les enjeux sociétaux. 

Dynamique africaine

Sur le terrain, l’AFD est le seul et unique bailleur de fonds de l’Union des chambres de commerce et d’industrie de l’océan Indien (UCCIOI) qui vient de présenter sa nouvelle feuille de route : CAP OI (Cohérence pour l’avenir et le progrès dans l’océan Indien). L’UCCIOI regroupe les CCI de La Réunion, de Mayotte, de Madagascar, des Comores, des Seychelles et de Maurice. L’AFD la soutient parce qu’elle croit dans sa stratégie des clusters. Une stratégie qui, pour le moment, s’est surtout concrétisée dans l’association des îles Vanille. 
Par ailleurs, il faut gérer certaines disparités. Madagascar et les Comores font partie des pays pauvres prioritaires (PPP) alors que les Seychelles ne sont plus pris en compte, depuis 2018, par le Comité d’aide au développement (CAD) mis en place par l’OCDE. Cela signifie qu’à compter de 2021, il n’y aura plus d’intervention de l’AFD aux Seychelles. 
Marc Dubernet ne veut pas se cantonner aux îles de l’océan Indien en matière de synergie. Il souhaite échanger régulièrement avec les directions régionales de Johannesburg et de Nairobi. « L’enjeu est important. Il s’agit de savoir comment les talents de l’océan Indien peuvent se développer en prenant en compte la dyna-mique du continent africain. »

 

Groupe AFD
Rencontre régionale de l’AFD début avril à Maurice : Jérôme Bertrand-Hardy, directeur de Madagascar (2ème à g.), Marc Dubernet, directeur régional, Anne de Soucy, directrice adjointe du département Trois Océans, à Paris, Bénédicte Brusset, directrice des Comores, André Pouilles-Duplaix, directeur de Maurice et des Seychelles, Virginie Délisée-Pizzo, directrice de La Réunion et Yves Rajat, directeur de Mayotte.  Photo : Davidsen Arnachellum
 

L’AFD met les bouchées doubles
L’agence française de Coopération et sa filiale Proparco, ont vu leurs engagements passer de 7 milliards d’euros en 2011 à 11,4 milliards d’euros en 2018. Principalement sous forme de prêts et, dans une moindre mesure, de subventions. 
Les pistes longues de Rodrigues et de Mayotte
Le projet de piste longue à Rodrigues est acté avec des financement octroyés à Airports of Mauritius (AML) : 85 millions d’euros de l’AFD et 16 millions d’euros de l’Union européenne. Cet accompagnement a fait grincer des dents à Mayotte où l’on vise aussi une piste longue. Mais le problème est que l’État français n’a pas validé le projet. « L’AFD ne peut pas financer un projet qui n’est pas validé », souligne Marc Dubernet qui ajoute que le projet de Rodrigues ne se fait pas au détriment de celui de Mayotte, contrairement à ce qui a été dit dans la presse mahoraise. 
Les interventions par pays

MAURICE
– On en est à la troisième génération de prêts verts (Sunref) proposés par certaines banques locales dont la MCB et la SBM. Ces prêts à conditions et taux préférentiels sont destinés à financer des projets dans le développement durable qui peuvent aussi se réaliser ailleurs qu’à Maurice. À Madagascar ou au Mozambique, par exemple. Globalement, l’AFD et sa filiale Proparco interviennent à Maurice à hauteur de 100 millions d’euros

COMORES
– L’engagement est de 8 millions d’euros par an, en moyenne. Principalement dans l’eau (l’accès à l’eau potable reste limité à 15 % de la population), la santé et la micro-finance.

MADAGASCAR
– L’intervention de l’AFD se monte à 35 millions d’euros en 2018, auxquels il faut ajouter 15 millions d’euros en garantie. Le montant de ces interventions devrait augmenter substantiellement en 2019 avec de gros projets en hydroélectricité. À signaler que sur le développement urbain, la collaboration fonctionne bien avec la Coopération japonaise. 

MAYOTTE
– L’AFD intervient dans le préfinancement de subventions de l’Union européenne et de l’État à hauteur de 25 millions d’euros. Le potentiel de financement, à Mayotte, est important, à hauteur de 75 millions d’euros. Mais ce qui manque, c’est la capacité de le mettre en œuvre. À noter un travail sur la coopération sanitaire entre Mayotte et les Comores. 

RÉUNION
– Le département d’Outre-mer reste un bon client de l’AFD avec 205 millions d’euros d’interventions en 2018 dont 180 millions d’euros dans le public et 25 millions dans le privé. À noter, dans le privé, des accompagnements de Zeop, CBo Territoria, Albioma et Akuo Energy.

SEYCHELLES
– Interventions surtout dans l’eau et l’assainissement (10 millions d’euros) et dans l’extension du port de Victoria (16,5 millions d’euros). Mais, à partir de 2021, il n’y aura plus d’intervention en raison du niveau de développement de l’archipel. L’AFD demeure actionnaire à hauteur de 20 % de la banque de développement.