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L’art et la manière de payer moins d’impôts

La question intéresse tous les contribuables : comment alléger sa note fiscale ? Il existe de multiples solutions et stratégies à mettre en œuvre pour minimiser l’impact fiscal. La matière est complexe car s’il est bien un domaine mouvant, c’est celui de la fiscalité.

Ne pas avoir d’argent est un problème, en avoir en est un également. Pour réduire ses impôts, il existe de nombreux dispositifs, mais encore faut-il s’y retrouver et savoir en user. Tous les spécialistes du chiffre et du droit s’accordent à le dire, les décisions et les arbitrages se décident au cas par cas, en fonction de sa situation familiale, patrimoniale, fiscale, et en s’entourant de professionnels. Terme à la mode depuis quelques années maintenant, la défiscalisation consiste à investir de l’argent pour récupérer une partie de la somme en réduction d’impôt. En principe, car il y a des écueils à éviter. 

LOI PINEL OUTRE-MER

De nombreuses lois de défiscalisation immobilière ont été mises en place au fil du temps, notamment pour subvenir aux besoins de logements en France. « La Loi Girardin pour les primo-accédants a été arrêtée au 31 décembre 2017 après de nombreux rabots fiscaux qui l’a rendue de moins en moins intéressante », précise Stéphane Schlögel, directeur général de Star Invest, groupe spécialisé en défiscalisation (voir article dans ce même dossier). « La loi Pinel Outre-Mer qui a été reconduite pour quatre ans est plus intéressante que la Pinel en Métropole et pour autant elle n’a pas le succès escompté. Les programmes immobiliers ont aujourd’hui du mal à se commercialiser dans l’Hexagone car les investisseurs préfèrent acheter en bas de chez eux. La Réunion, c’est l’inconnu, l’exotisme. Un chiffre pour étayer ce constat : en 2007, 5 000 logements intermédiaires ont été produits, seulement 500 en 2016. » Selon l’expert, deux améliorations pourraient être apportées à la loi Pinel : « Augmenter le plafond de l’investissement de 300 000 à 500 000 euros et augmenter le plafonnement des niches fiscales qui se situe aujourd’hui à 18 000 euros. » 

DÉFISCALISATION NULLE

Pour le cabinet de gestion de patrimoine KoytchaConseil, la loi Pinel DOM est intéressante seulement dans un cas précis, juge Sylvain Goddard, gestionnaire de patrimoine : « Si l’on dispose d’un terrain ou qu’on achète un terrain et qu’on fait construire soi-même le logement, alors cela peut être une option pertinente. Autrement, nous observons que les prix d’acquisition proposés par les promoteurs de ces programmes sont de 30 % à 40 % plus élevés. Au moment de la revente, le cédant réalise souvent une moins-value qui rend la défiscalisation nulle. » Jean-Marc Marel, notaire à Saint-Denis, met d’ailleurs en garde les investisseurs contre les acquisitions trop onéreuses (voir notre entretien dans ce dossier). 
Si la loi Girardin pour les primo-accédants a disparu à la fin de 2017, le dispositif est toujours en vigueur pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés (IS). « La société acquiert un logement ou plusieurs logements neufs qu’elle s’engage à louer pendant six ans avec des plafonds de loyer et de ressources du locataire. Le montant de l’investissement vient en déduction du résultat net de l’entreprise avec une possibilité de report sur cinq ans. Exemple : une entreprise a 300 000 euros de résultat net. Elle investit 200 000 euros. Le résultat taxable à l’IS n’est plus que de 100 000 euros, au taux de 28 %.
Elle fera donc une économie de 56 000 euros sur son IS
», explique Sylvain Goddard. 
Quels sont les revenus fonciers ? De travail ? « Un chef d’entreprise a le pouvoir de décider de sa propre rémunération », explique Sylvain Goddard. « Pour payer moins d’impôts, il peut faire le choix de réorganiser ses revenus en amont. Exemple : pour les professions libérales, on peut créer une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl), se verser un salaire moindre qui permet de diminuer son imposition et ses charges sociales. »
 

Régis Lantin, expert-comptable et commissaire aux comptes associé au cabinet BDO : « Avant d’étudier les dispositifs permettant de payer moins ou pas d’impôt, il faut s’interroger sur la réalité de l’impôt à payer. »
Régis Lantin, expert-comptable et commissaire aux comptes associé au cabinet BDO : « Avant d’étudier les dispositifs permettant de payer moins ou pas d’impôt, il faut s’interroger sur la réalité de l’impôt à payer. »  Guillaume Foulon
 

RÉORGANISER SES REVENUS EN AMONT

On peut aussi faire le choix de souscrire un plan d’épargne retraite populaire (Perp), outil destiné à la retraite et ouvert à toute personne majeure. Souscrit auprès d’une banque ou compagnie d’assurances, le Perp permet de se constituer une épargne qui vient en déduction des revenus imposables, en vue de se constituer un complément de retraite. Le capital constitué est reversé sous forme d’une rente viagère imposée. Il peut également être reversé sous forme de capital, à hauteur de 20 %. Pour les indépendants, il existe également le dispositif Madelin, qui permet aux travailleurs non salariés de déduire de leurs revenus professionnels imposables, les cotisations Madelin d’un contrat de retraite dans la limite de leur plafond fiscal. 
« Avant d’étudier les dispositifs permettant de payer moins ou pas d’impôt, il faut s’interroger sur la réalité de l’impôt à payer. À cette fin, il est nécessaire de bien remplir sa déclaration, dans les délais, et de penser à imputer toutes les dépenses », souligne Régis Lantin, expert-comptable et commissaire aux comptes associé au cabinet BDO. « Entreprise ou particulier, trois dispositifs viennent réduire la part d’impôt à payer : les charges déductibles des revenus diminuent le revenu imposable ; les réductions d’impôt diminuent le montant d’impôt à payer ; les crédits d’impôt diminuent l’impôt à payer et font l’objet d’un remboursement en cas de non-imposition. » 
Pour les particuliers, une fois le choix fait entre la déduction forfaitaire de 10 % et la déduction des frais professionnels pour leur montant réel, on peut avoir droit à certaines réductions d’impôt (frais de scolarisation: collège, lycée, enseignement supérieur, dons aux œuvres ou organisme d’intérêt général (75 % du montant versé) et crédits d’impôt (emploi d’un salarié à domicile, frais de garde des enfants, travaux, crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) équivalent à 30 %des dépenses (voir notre encadré), aides aux personnes âgées ou handicapées (emploi à domicile, équipements), travaux de protection contre le risque technologique en cas de proximité de l’habitation avec un site industriel : 40 % des dépenses, etc.)

BIEN CHOISIR SA ZONE

« Un élément de réflexion à considérer quand on installe son entreprise est la zone spécifique dans laquelle elle se situe », indique Régis Lantin. En effet, il y a une exonération d’impôt sur le revenu, de taxe foncière et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en cas d’implantation dans certaines zones : zone franche urbaine, zone franche outre-mer, zone de revitalisation rurale, quartier prioritaire de ville, etc. Parmi les différents dispositifs permettant de réduire l’impôt pour les en tre prises, on peut citer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) : 9 % à La Réunion (6 % en métropole) des rémunérations versées (seuls les salaires inférieurs à 2,5 fois le SMIC sont pris en compte) ; le crédit d’impôt recherche ; le crédit d’impôt apprentissage…
Comme les particuliers, les entreprises ont des charges déductibles liées à leurs dépenses, sous réserve bien sûr qu’elles soient en lien avec leur activité (achat de matériel, mobilier, outillage, matières premières, publicité, formation, vêtements…) Les dons à des associations et le soutien au domaine culturel et artistique ouvrent également droit à des réductions : 60 % du don pour le mécénat (voir notre article sur le fonds de dotation Philancia). L’art et la manière de payer moins d’impôts ne sont pas simples. Et nul doute que les fiscalistes ont de l’avenir. 
 

Sylvain Goddard, gestionnaire de patrimoine au cabinet KoytchaConseil : « Chaque situation doit être étudiée au cas par cas. »
Sylvain Goddard, gestionnaire de patrimoine au cabinet KoytchaConseil : « Chaque situation doit être étudiée au cas par cas. »  Guillaume Foulon
 
UNE FISCALITÉ OUTRE-MER PLUS AVANTAGEUSE
– Abattement de 30 % de l’impôt brut pour les résidents de La Réunion (plafonné à 5 100 euros), 40 % pour Mayotte.
– La construction ou l’acquisition de la résidence principale (primo accédant) donne droit à une réduction d’impôt répartie sur dix ans à un taux compris entre 18 % et 26 %.
– Réduction d’impôt en cas de travaux de réhabilitation sur une maison de plus de 20 ans affectée à la résidence principale du propriétaire ou du locataire.
– Souscription au capital des PME (réduction d’impôt Madelin) : taux bonifié Outre-mer à 38 % du capital versé (25 % en Métropole).
LE CRÉDIT D’IMPÔT SUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
L’État vous aide à améliorer la qualité environnementale de votre logement. Avec le crédit d’impôt pour la transition énergétique, vous pouvez déduire de vos impôts 30 % des travaux effectués. Les dépenses sont prises en compte jusqu’à 8 000 euros pour une personne seule, soit une économie maximale de 2 400 euros. (16 000 euros pour un couple, soit un gain pouvant atteindre 4 800 euros). Ces montants sont majorés de 400 euros par personne à charge. Le crédit vise la résidence principale pour des travaux en matière d’économies d’énergie (isolation thermique, équipements de production d’énergie renouvelable, etc.) Dans les départements d’outre-mer (DOM), des équipements supplémentaires ouvrent droit au crédit d’impôt : protection des parois vitrées ou opaques contre les rayonnements solaires ; optimisation de la ventilation naturelle, notamment les brasseurs d’air ; raccordement à un réseau de froid alimenté majoritairement par du froid d’origine renouvelable ou de récupération. Le calcul de l’avantage fiscal se fait sur le montant de la facture TTC, sans inclure la main-d’œuvre. Le crédit d’impôt s’applique aux dépenses payées jusqu’au 31 décembre 2018 et sera remplacé par une prime à compter de 2019. 
LA NOUVELLE LOI DE FINANCES 2018 : CE QUI CHANGE AU NIVEAU FISCAL
Prélèvement à la source, augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG), suppression progressive de la taxe d’habitation, création de l’impôt sur la fortune immobilière, création de la « flat tax » (ou prélèvement forfaitaire unique), la nouvelle loi de finances apporte son lot de changements en matière de fiscalité aussi bien pour les particuliers que les entreprises. Les revenus mobiliers (intérêts, dividendes, etc.) et les plus-values mobilières sont désormais soumis à un prélèvement forfaitaire unique de 30 % (y compris prélèvements sociaux ). Cette « flat tax » s’appliquera après les abattements actuellement en vigueur. 
L’impôt sur la fortune est abrogé, il devient l’impôt sur la fortune immobilière. Il concerne dorénavant uniquement la pierre, soit les biens immobiliers détenus directement ou par l’intermédiaire d’une société. Il exonère ainsi les valeurs sur titres (actions et obligations), les assurances vie et livrets d’épargne. Enfin, parmi les mesures phares figure également la baisse de l’impôt sur les sociétés dont le taux plein est fixé à 33 %. Il sera réduit à 31 % en 2019 avec l’objectif d’atteindre 25 % d’ici 2022. 
L’OUVERTURE DES FIP ULTRAMARINS À TOUS LES CONTRIBUABLES
La loi sur l’égalité réelle outre-mer, adoptée le 14 février 2017, a ouvert de nouvelles perspectives puisqu’elle s’inspire du modèle corse et permet à tous les contribuables français d’investir désormais dans des FIP (fonds d’investissement de proximité) ultramarins alors que ceux-ci étaient réservés auparavant au résidents fiscaux de l’Outre-mer. Le FIP ultramarin est un FIP spécifique, différent des autres FIP régionaux « classiques » dans la mesure où il permet une « défiscalisation » de 38 % de l’investissement réalisé, au lieu de 18 % pour les autres FIP. L’investissement défiscalisable est plafonné à 12 000 euros (24 000 pour un couple), ce qui représente une réduction d’impôt maximale de respectivement 4 560 et 9 120 euros. On est loin des plafonds britanniques, mais c’est toujours ça. Autre avantage du FIP ultramarin : son plafond d’investissement peut s’ajouter aux plafonds des FIP « classiques » et des FCPI (fonds communs de placement dans l’innovation) pour lesquels l’investissement défiscalisable est plafonné à 10 000 euros par an (20 000 pour un couple).