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Le commerce traditionnel à l’heure du e-commerce et des franchises

L’évolution est en cours avec le changement de génération à La Réunion. Les jeunes commerçants se tournent vers le digital qui, loin de s’opposer au commerce traditionnel, peut le soutenir. De même que les franchises qui ont le vent en poupe.

Les avancées du e-commerce, à La Réunion, démontrent son utilité pour la communauté des consommateurs. Lorsque le commerce traditionnel entreprend d’aborder ce virage, les résultats sont plus qu’encourageants. C’est une jeune génération de commerçants qui pousse à mettre en œuvre des solutions de vente en ligne, mais les traditions évoluent lentement, alors que le marché crie son appétence et ses besoins. « Tout le monde achète sur Internet et cela représente l’arrivée de 10 000 colis par jour, issus du commerce mondial, et particulièrement de France métropolitaine, s’exclame Shanti Meralli-Ballou, CEO de l’agence digitale Silicon Village et d’avahis.com, plateforme au service des e-commerçants réunionnais. En admettant un panier moyen de 60 euros, cela représente 600 000 euros de chiffre d’affaires journalier qui échappent à La Réunion. » Un énorme marché dont avahis.com souhaite prendre une part. « C’est une place de marché en ligne, ouverte depuis deux ans, du même type qu’Amazon, pour les commerçants qui veulent travailler sur Internet et tous ceux qui ont des produits à mettre en ligne pour les vendre », explique Shanti Meralli-Ballou. En faisant abstraction des demandes très spécifiques, beaucoup de produits achetés à l’international existent à La Réunion et pourraient être disponibles en ligne. 

DES ÉQUIPEMENTS NUMÉRIQUES INSUFFISANTS

Le e-commerce est une organisation commerciale à part entière, dans laquelle on doit s’investir sur le long terme. « C’est un service client, une logistique, la gestion d’un site et de la publicité sur Internet, souligne Shanti Meralli-Ballou. Il faut aussi créer toutes les fiches produits. » La maîtrise des outils numériques rend tout cela beaucoup plus facile et ce sont les plus jeunes qui les appréhendent le mieux. « Avahis.com connaît une réussite assez moyenne, confie Shanti Meralli-Ballou. Nous avons connu des freins, en phase de financement, et le développement du logiciel a été long pour qu’il puisse répondre aux critères et aux spécificités techniques des utilisateurs. C’était encore un peu tôt pour un grand nombre de commerçants qui ont un équipement numérique insuffisant ou obsolète. » Malgré son implantation en centre-ville et un démarchage soutenu, avahis.com est un peu en avance sur son temps. Elle représente pourtant un potentiel considérable en tant que place de marché de proximité. Pour contrer des géants du web, tels que la Fnac ou Pixmania, le e-commerce local apporte une transparence sur le calcul des taxes et une sécurité en terme de service après-vente (SAV). Les sites de Métropole appliquent, le plus souvent, des prix TTC avec un taux de TVA national, alors que certains produits subiront, en plus, l’octroi de mer, en arrivant à La Réunion. Pour le SAV, il peut être nécessaire d’endosser les frais de réexpédition en Métropole. 
 

Les Réunionnais achètent de plus en plus sur Internet et quelque 10 000 colis arrivent chaque jour dans l’île. – DR

UNE CROISSANCE À TROIS CHIFFRES

Lorsque le e-commerce s’organise en local, avec une présence physique sur le territoire, les Réunionnais plébiscitent largement ses offres. C’est le cas pour la vente de produits high-tech, de pièces détachées automobiles, de cosmétiques et d’équipement de la personne. « C’est notre qualité de service qui fait la différence, analyse Sharif Dindar, gérant de electromenager.re, de papeterie.re et de monbouquet.re. Au début, nous avons testé presque par curiosité electromenager.re (la vente d'électroménager en ligne – Ndlr). Après trois ans et demi, c’est une entreprise à part entière, qui commence à être rentable et réalise une croissance à plus de deux chiffres. » L’activité s’adosse à un partenariat avec des fournisseurs grossistes locaux, avec une offre en petit et gros électroménager, image et son, informatique, bien-être et équipement de la maison, étendue à l’offre de fournisseurs en Métropole. « Nous pouvons livrer en 24 heures, ce qui permet d’éviter la concurrence des gros acteurs de Métropole, explique Sharif Dindar. Nous avons désormais des points relais express qui permettent à nos clients de retirer leurs commandes partout dans l’île, à moindre coût. » Electroménager.re étudie maintenant une solution pour grouper des livraisons dans le cirque de Mafate, en mutualisant le coût du transport par hélicoptère, seul moyen de livraison dans le cirque, avec une rotation mensuelle. Un autre avantage concurrentiel est la possibilité de payer à la livraison, et en plusieurs fois, et de conserver une proximité avec le client. 

RAPPROCHEMENT DE LA BRIQUE ET DU CLIC 

Pour renforcer encore la proximité, electroménager.re a ouvert un showroom à Saint-Denis et en prévoit un autre à Saint-Pierre. « Six cents personnes visitent notre site chaque jour, dont 80% formulent une demande pour un point d’accès physique. Notre appartenance au groupe familial Dindar les rassure, mais avec un panier moyen de 300 à 350 euros, ils préfèrent faire une visite au showroom », commente Sharif Dindar. Il s’agit d’un « corner-shop » qui présente une centaine d’articles sur les 4 500 références et permet d’échanger sur les produits, les conditions de vente et de SAV. Une croissance d’activité a été observée grâce à ce showroom et cela place l’entreprise dans la mouvance des activités « cross-canal » qui aujourd’hui se généralisent. « Nous allons vers un rapprochement de la brique et du clic, confirme Philippe Holstein, chargé de mission auprès de Nexa, l’Agence régionale de développement, d’investissement et d’innovation. Une étude a conclu que d’ici 2020, le e-commerce, en Europe, sera dominé par des acteurs avec un point d’accueil physique. On assiste à une inversion par laquelle Internet devient le principal canal d’achat, adossé aux outils comparatifs, et le magasin un lieu d’expérience où la fonction de vendeur devient inutile. » Les concepts de « web-to-store » et de » store-to-web » évoluent vers un concept de « web-in-store » par lequel de nombreux objets connectés permettent de s’informer, de commander et de payer sur Internet depuis le magasin lui-même. Le clic permet la performance en prix, grâce à l’usage maximal du virtuel, et la brique offre l’expérience réelle du produit qui sera acheminé jusqu’au domicile du client.


Gaston Bigey, directeur général de Nexa : « Il y a de nouveaux moyens d’influencer le parcours client et de lui façonner, en fonction de son profil, une promotion qui ne dure qu’une heure. » – Guillaume Foulon


Shanti Meralli-Ballou, CEO de Silicon Village et d’avahis.com : « Avahis.com est une place de marché en ligne, ouverte depuis deux ans, du même type qu’Amazon, pour les commerçants qui veulent travailler sur Internet et tous ceux qui ont des produits à mettre en ligne pour les vendre. » – Guillaume Foulon


Sharif Dindar, gérant d’electromenager.re, de papeterie.re et de monbouquet.re : « Nous avons désormais des points relais express qui permettent de retirer les commandes partout dans l’île, à moindre coût. » – Guillaume Foulon


Ilyaas Locate, représentant le groupe familial diversifié Locate : « Il faut attendre une nouvelle génération pour organiser l’essor du e-commerce. » – Guillaume Foulon


Julien Eyraud, CEO d’InMySphere : « Notre application permet d’utiliser les potentialités du GSM pour ramener les clients dans les commerces… Une façon de tester, à moindre coût, une campagne marketing, avant de l’appliquer. » – Guillaume Foulon


Sébastien Piccino, responsable de l’accompagnement de projets chez Nexa : « Le commerce avec la nouvelle génération nécessite de s’adapter à ses modes de communication et de consommation. » – Guillaume Foulon

UN MANQUE DE CONCURRENCE EN LOCAL

Les tarifs sont plus attractifs en ligne que chez les commerçants qui entretiennent des stocks, des locaux et du personnel. Electroménager.re peut pratiquer une marge de 20%. Mais il faudrait davantage de concurrence, à La Réunion, pour développer le commerce en ligne. « Pour les produits que nous vendons, il y a trois acteurs sur l’île, et cela n’est pas suffisant, affirme Sharif Dindar. Avec des offres plus nombreuses, le client pourrait faire une vraie comparaison à domicile. S’il préfère se déplacer, nous risquons de le perdre. » À défaut d’une migration massive des commerçants réunionnais vers le e-commerce, on constate que c’est plutôt le digital qui approche le commerçant, et non l’inverse. Par des infrastructures virtuelles qui développent des services mutualisés de commercialisation en ligne. « Amazon.com ne possède aucun stock, pointe Shanti Meralli-Ballou, Uber.com ne possède aucun taxi, ni Airbnb.com le moindre hébergement. » À La Réunion, la jeune startup Mimusops a lancé une application mobile innovante, InMySphere, qui associe des fonctions de réseau social et de marketing commercial localisé. « C’est un réseau social qui permet d’échanger des avis et des annonces avec ceux qui se trouvent dans un périmètre de voisinage. Les commerçants ont la possibilité d’envoyer des messages répondant aux centres d’intérêt exprimés par les utilisateurs qui passent à moins de 100 mètres de leur site », décrit Julien Eyraud, CEO d’InMySphere. Gratuite pour les utilisateurs, l’application commercialise un marketing qui fonctionne à la performance. 

UN INTERNAUTE AMBASSADEUR DE L’ENTREPRISE

InMySphere entend faire la preuve de ce concept à La Réunion et le développer en Métropole et à l’international. « C’est un modèle vertueux qui permet d’utiliser les potentialités du GSM pour ramener les clients dans les commerces, ajoute Julien Eyraud. Les utilisateurs indiquent leurs domaines d’intérêt, mais nous n’opérons pas de tracking. Le commerçant achète un crédit à partir de 50 euros, qui est prélevé de 10 centimes quand une personne ouvre son annonce et de 90 centimes si elle entre dans son point de vente, sur les indications d’un beacon Bluetooth. » Un coût lié à la performance et qui donne accès à des statistiques anonymes sur la typologie des prospects. « C’est une façon de tester, à moindre coût, une campagne marketing, avant de l’appliquer, conçoit Julien Eyraud. Nous proposerons ensuite des solutions pour accompagner le client et lui faire vivre une expérience à l’intérieur du magasin. » Pour ce service de redynamisation, InMySphere annonce un premier objectif de 150 partenaires commerçants en 2015, occupe déjà une équipe de 7 collaborateurs et devrait capter 10 000 utilisateurs avant la fin de cette année. « Le commerce avec la nouvelle génération nécessite de s’adapter à ses modes de communication et de consommation. L’internaute devient le vecteur clé de la communication de l’entreprise. Il y a de nouveaux modes de transaction monétaire et de déclenchement de l’achat avec une envie suscitée par l’intermédiaire d’une application, comme le tracking ou le clic », souligne Sébastien Piccino, responsable du service accompagnement de projets de Nexa.

UN CANAL DE DISTRIBUTION VERTUEUX

Le « tracking » semble aujourd’hui sans limite et les agences digitales sont sollicitées pour fournir des informations qui permettront de vendre de la publicité ciblée. « Au moment où l’on clique sur un site international, les informations sont immédiatement transmises ou vendues vers 1,6 million de sites pour comprendre et cartographier les comportements des internautes », informe Shanti Meralli-Ballou. 
« Il y a de nouveaux moyens d’influencer le parcours client et de lui façonner dans l’instant, en fonction de son profil, une promotion qui ne dure qu’une heure », constate Gaston Bigey, directeur général de Nexa. D’autres initiatives, sur l’île, se révèlent particulièrement positives pour l’amélioration du marché. Le site groupanoo.re, par exemple, reprend un concept national de regroupement d’offres promotionnelles, validées à partir d’un nombre minimum d’acheteurs en ligne. Une façon vertueuse de faire découvrir des offres, de toutes natures, à un nouveau public. Une récente activité d’élevage d’huîtres en local, qui commence à être bien connue, a trouvé dans l’e-commerce un canal de distribution qui fait exploser ses ventes. Le e-commerce se montre ainsi capable de soutenir localement de nouvelles activités qui seraient moins viables sans ce canal. 

On assiste à une inversion par laquelle Internet devient le principal canal d’achat, adossé aux outils comparatifs, et le magasin un lieu d’expérience où la fonction de vendeur devient inutile. – Stocklib/Amy Walters

S’APPUYER SUR L’EXPERTISE D’UNE FRANCHISE

Le groupe familial Locate, qui regroupe plusieurs activités dans l’industrie, le commerce et les services, à La Réunion et dans l’océan Indien, a développé du e-commerce dans la distribution de matériel médical à l’usage de ses clients professionnels et commence aussi à se tourner vers le grand public pour d’autres activités. « Dans le commerce traditionnel, nous avons développé des sites qui invitent à se rendre sur nos points de vente, témoigne Ilyaas Locate, représentant les Établissements Locate. C’est avec notre nouvelle enseigne en franchise de prêt-à-porter masculin, Devred, que nous sommes encouragés à développer davantage d’e-commerce. Cela devient incontournable, mais l’insularité fait que si nous ne sommes pas encore concurrentiels, en termes d’offres, par rapport à d’autres acteurs, cela ne pourra être que marginal. Nous sommes bien positionnés, en tant que groupe, dans la logistique avec la mutualisation du fret et dans le SAV. Cela nous permet d’être performants, mais il faut attendre une nouvelle génération pour organiser l’essor du e-commerce. » Les partenariats de marques en franchise ont permis de bénéficier d’une mutualisation de services, avant l’essor du digital. Le groupe Locate gère à La Réunion les enseignes André, Devred, Sport 2000 et Nocibé. « Pour un groupe qui a une certaine voilure et n’est pas spécialisé dans certains métiers, il vaut mieux s’appuyer sur une franchise pour bénéficier de son expertise dans un domaine précis. Ces acteurs ne connaissent pas forcément La Réunion, mais on peut mettre en place des schémas qui permettent de la souplesse », précise Ilyaas Locate.  

DÉVELOPPER UN INTERNET EN LOCAL

Lorsqu’elle concerne plusieurs sites, la franchise permet de réaliser des économies dans le traitement de l’information et le marketing. « La gestion d’e-mailing et de SMS nous permet de mieux informer nos clients. Et nous en avons même en Métropole, remarque Ilyaas Locate. Nous gérons cinq magasins Nocibé et nous pensons en ouvrir deux autres rapidement. La franchise permet de ne pas lutter en frontal avec la Métropole. Nous avons aussi créé une franchise locale, Planet’chauss, pour les centres commerciaux, mais nous préférons la réintégrer en « corner-shop » pour développer une offre assez familiale, dans les murs de Sport 2000, par exemple. » Des franchises réunionnaises peuvent se développer avec succès. Cela semble être le cas de « Mister Surgelés » qui intègre une offre de surgelés fabriqués à La Réunion à son offre globale d’importation. « Mister Surgelés œuvre à promouvoir le savoir-faire réunionnais et a créé une deuxième enseigne », révèle Sébastien Piccino. 
« Un dernier levier, pour La Réunion, serait de créer un Internet en local, avance Philippe Holstein. Un exemple nous est donné par « La Ruche qui dit oui », une déclinaison d’un concept de Métropole fonctionnant en local. » 

« Des internautes locaux passent des commandes sur Internet auprès de producteurs réunionnais qui livrent leurs commandes en un seul endroit, où les acheteurs les rencontrent à un moment précis », explique Shanti Meralli-Ballou. Un modèle concurrentiel face à des plateformes telles qu’Amazon qui ne gagne rien sur la vente de produits mais réalise ses bénéfices sur le prix de l’acheminement.