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Le design comme levier d’innovation au service des entreprises et du territoire

Trop mal connu, le design, en rapport avec un produit, un service ou un territoire, est créateur de valeur dès les premières étapes d’un développement. En suscitant du coworking, il peut révolutionner les pratiques dans les secteurs public et privé.



Nexa, l’agence régionale de développement, d’investissement et d’innovation, mène depuis trois ans des actions pour faire découvrir les apports du design en soutien d’une stratégie d’entreprise. Design industriel, design produit, design de service, ces notions sont encore étrangères à de nombreux dirigeants. « Une nouvelle édition de la Semaine de l’innovation dédiée au design a permis de rassembler, en octobre, 150 participants de profils différents. Designers, entrepreneurs, porteurs d’initiatives privés ou publics, ainsi que des étudiants, commente Véronique Stern, chargée de mission Innovation chez Nexa. Une semaine très riche, car il fallait, à la fois, découvrir ce levier d’innovation intérieure, au service des filières stratégiques et au service du territoire, appré-hender la formation au design, renforcer les liens entre designers et entrepreneurs, et mettre en relation les designers car il y a un très fort besoin de structurer cette filière. » Ayant offert des diagnostics gratuits à plusieurs entreprises, dans une démarche d’interaction dynamique d’aide au management et au design, Nexa a constaté de réels besoins dans différents secteurs, autant l’industrie que les services publics ou le tourisme. « Nous envisageons des opérations plus importantes, en 2017, par filières ou par secteurs, envers les in-dustries et envers les institutions, pour répondre aux différents besoins par des actions plus ciblées », informe Véronique Stern. 
 

Véronique Stern, chargée de mission Innovation chez Nexa : « Une nouvelle édition de la Semaine de l’innovation dédiée au design a permis de rassem-bler, en octobre, 150 participants de profils différents. Designers, entrepre-neurs, porteurs d’initiatives privés ou publics, ainsi que des étudiants. »
Véronique Stern, chargée de mission Innovation chez Nexa : « Une nouvelle édition de la Semaine de l’innovation dédiée au design a permis de rassem-bler, en octobre, 150 participants de profils différents. Designers, entrepre-neurs, porteurs d’initiatives privés ou publics, ainsi que des étudiants. »
 

 

ÉTABLIR UNE CARTOGRAPHIE DES COMPÉTENCES

Une approche innovante, pour ce Forum organisé par l’Eco austral en partenariat avec Nexa, est apportée par le cabinet de coaching Conseil & Services pour une gestion optimisée du débat. « Savons-nous définir toutes les applications du design ? » Interroge Laurent Gajac, coach et gérant de Conseil & Services. Le design produit est la première idée liée à la notion de designer.
 

Laurent Gajac, gérant de Conseil & Services, coach animateur du Tecoma Business Forum : « Savons-nous définir toutes les applications du design ? »
Laurent Gajac, gérant de Conseil & Services, coach animateur du Tecoma Business Forum : « Savons-nous définir toutes les applications du design ? »
 

« Nous ne connaissons pas ces métiers, concède Patrice Fages, fondateur du groupe Fages. Nous regroupons nos responsables pour échanger sur de nouveaux concepts, notamment de jardineries, pour en définir le design en interne. » Sollicité par Nexa pour l’animation des Semaines du design, le cabinet conseil franco-belge Yellow Window enrichit les échanges de son expertise. « Un travail en interne ne sort pas du cadre conventionnel de l’entreprise, argumente Patricia Bastard, directrice associée de Yellow Window. Alors que le design est la rencontre d’un besoin, émanant d’un acteur privé ou public, avec l’expertise d’un designer. Il y a plusieurs métiers du design, qui ne communiquent pas systématiquement entre eux. C’est pourquoi il faut que les partenaires potentiels puissent être identifiés et que les designers aient l’opportunité de présenter leurs savoir-faire. »
 

Patrice Fages, dirigeant du Groupe Fages : « Nous ne connaissons pas bien ce métier de designer. Nous regroupons nos responsables pour échanger sur de nouveaux concepts, notamment sur les jardineries, pour en définir le design en interne. »
Patrice Fages, dirigeant du Groupe Fages : « Nous ne connaissons pas bien ce métier de designer. Nous regroupons nos responsables pour échanger sur de nouveaux concepts, notamment sur les jardineries, pour en définir le design en interne. » 
 

La Semaine du design a pu jouer ce rôle en mettant en relation toutes les parties prenantes. « Nous y avons découvert beaucoup de compétences et il serait intéressant, maintenant, d’établir une cartographie des savoir-faire sur notre territoire », suggère James Caratini, directeur de Sciences Réunion, le centre de culture scientifique, technique et industrielle. 
 

James Caratini, directeur de Sciences Réunion, le centre de culture scienti-fique, technique et industrielle :  « Il serait intéressant, maintenant, d’établir une cartographie des savoir-faire du design sur notre territoire. »
James Caratini, directeur de Sciences Réunion, le centre de culture scienti-fique, technique et industrielle : « Il serait intéressant, maintenant, d’établir une cartographie des savoir-faire du design sur notre territoire. »
 

 

LES ÉTAPES DU DESIGN PRODUIT

Loin d’être une prestation ultime pour finaliser la qualité perçue d’un produit, le design prend en compte l’impulsion première et fondatrice du projet. « C’est toute la différence entre la conception et le design, analyse Alexandre Aubier, designer réunionnais. Le concepteur élabore une solution en fonction des contraintes qui entourent le projet. Un designer étudie le cheminement d’une inspiration fondatrice à travers son microcosme, intégrant son évolution et son devenir dans l’élaboration d’un cahier des charges. C’est le design produit, que l’on apparente au ‘design thinking’. » 
Le design de service, une notion relativement récente, conserve les phases fondamentales du design produit : analyse et compréhension du projet, construction d’un socle de positionnement, conception échelonnée depuis le pré-concept jusqu’au prototypage et phase de tests clients, ou tests en interne, avant l’industrialisation. 
 

Alexandre Aubier, designer : « Nous savons réaliser des choses très complexes en local. C’est pourquoi l’inventaire des potentiels locaux, des matériels industriels et des compétences serait une première étape indispensable. »
Alexandre Aubier, designer : « Nous savons réaliser des choses très complexes en local. C’est pourquoi l’inventaire des potentiels locaux, des matériels industriels et des compétences serait une première étape indispensable. »
 

 

LA FORCE DU DESIGN DE SERVICE

Mais le design d’un service place l’utilisateur au centre de la démarche. « L’analyse englobe une phase d’immersion, d’observations et d’interviews pour comprendre les réels besoins. Pour la conception, l’ensemble des parties prenantes participent à des ateliers et à des workshops créatifs. Cela comprend différents métiers de l’entreprise ou de l’organisme, l’utilisateur final et des parties qui peuvent avoir un impact sur le projet : associations ou tierces personnes », explique Patricia Bastard.  
 

Patricia Bastard, directrice associée du cabinet conseil franco-belge Yellow Window, qui est intervenue lors des Semaines du design : « La grande force du design de service, c’est sa qualité d’adhésion car le projet est porté par tous. »
Patricia Bastard, directrice associée du cabinet conseil franco-belge Yellow Window, qui est intervenue lors des Semaines du design : « La grande force du design de service, c’est sa qualité d’adhésion car le projet est porté par tous. »
 

Les solutions sont ensuite testées à l’aide d’un démonstrateur, s’il s’agit d’accueillir le public, par exemple, pour finaliser un cahier des charges. « La grande force du design de service, qui peut aussi concerner le multimédia ou la diffusion d’un produit, c’est sa qualité d’adhésion, car le projet est porté par tous. De plus, il est fondé sur l’étude du réel », ajoute Patricia Bastard. Approcher le design d’une façon concrète est pratiquement la seule façon de le découvrir. « Le designer apporte une méthodologie pour comprendre la problématique et amener le coworking, une nouvelle façon de réfléchir à l’intérieur de l’entreprise. Tant qu’on ne le pratique pas, on ne peut pas comprendre ce qu’est le design », commente Tatiana Hossein, jeune designer industriel qui fait bénéficier le territoire de savoir-faire éprouvés au sein de groupes industriels. Elle est aussi un ambassadeur du design auprès des structures privées et publiques.

Tatiana Hossein, designer industriel : « Le designer apporte une méthodologie pour comprendre la problématique et amener le coworking, une nouvelle façon de réfléchir à l’intérieur de l’entreprise. »
Tatiana Hossein, designer industriel : « Le designer apporte une méthodologie pour comprendre la problématique et amener le coworking, une nouvelle façon de réfléchir à l’intérieur de l’entreprise. »
 

« Que peut-on faire pour développer les potentiels du design sur le territoire réunionnais ? » Interroge Louis-Laurent Léger, coach partenaire de Conseil et Services. Une démarche de la Civis (Communauté intercommunale des villes du sud) montre que la volonté de recourir au design en local est déjà réelle. « La Civis nous a confié le design d’abris bus voyageurs qui ont été livrés en 2015. Nous avons conçu trois modèles qui sont déclinés sur une cinquantaine de sites », informe Denis Dupuy, architecte à Saint-Pierre.
 

Denis Dupuy, architecte : « La Civis nous a confié le design d’abris bus voyageurs qui ont été livrés en 2015. Nous avons conçu trois modèles qui sont déclinés sur une cinquantaine de sites. »
Denis Dupuy, architecte : « La Civis nous a confié le design d’abris bus voyageurs qui ont été livrés en 2015. Nous avons conçu trois modèles qui sont déclinés sur une cinquantaine de sites. »

 

LE DESIGN AU SERVICE DU TOURISME

L’Ile de La Réunion Tourisme (IRT), en charge de la promotion de la destination Réunion pour la Région Réunion, donne l’exemple d’une démarche impliquant le territoire. « Nous aurons recours au design dès janvier 2017, annonce Willy Ethève, directeur de l’IRT. Parmi 200 destinations concurrentes, La Réunion progresse en fréquentation touristique mais nous manquons de spécificités. Nous devrons mieux identifier les motivations du voyageur et cartographier le parcours du touriste qui vient à La Réunion. Pour améliorer son en-vironnement et la visibilité des ressources et des spécialités de l’île. »

Willy Ethève, directeur général de l’IRT (Île de La Réunion Tourisme) : « Nous aurons recours au design, dès janvier 2017, pour mieux identifier les motivations du voyageur et améliorer le parcours du touriste qui vient à  La Réunion. »
Willy Ethève, directeur général de l’IRT (Île de La Réunion Tourisme) : « Nous aurons recours au design, dès janvier 2017, pour mieux identifier les motivations du voyageur et améliorer le parcours du touriste qui vient à La Réunion. »
 

Accompagnée par Nexa, la démarche nécessitera une mobilisation de l’ensemble des collectivités locales et de tous les acteurs du tourisme au moyen de tables rondes échelonnées sur l’année. Un de ces acteurs, La Vanilleraie, a décidé de faire appel au design pour améliorer l’expérience des visiteurs et solutionner des problèmes de parcours client concernant la boutique et les visites d’ateliers. « Je voyais le design comme la cerise sur le gâteau après qu’on a mené à bien le développement de l’activité. Il aurait mieux valu l’envisager dès le départ, mais nous l’avons fait de façon intuitive en pensant ne pas en avoir les moyens », confie Bertrand Côme, gérant de La Vanilleraie. 
 

Bertrand Côme, directeur de La Vanilleraie : « Je voyais le design comme la cerise sur le gâteau après qu’on a mené à bien le développement de l’activité. Il aurait mieux valu l’envisager dès le départ, mais nous l’avons fait de façon intuitive en pensant ne pas en avoir les moyens. »
Bertrand Côme, directeur de La Vanilleraie : « Je voyais le design comme la cerise sur le gâteau après qu’on a mené à bien le développement de l’activité. Il aurait mieux valu l’envisager dès le départ, mais nous l’avons fait de façon intuitive en pensant ne pas en avoir les moyens. »
 

 

LE DESIGN DE NOUVELLES SOLUTIONS INDUSTRIELLES

Le milieu industriel a aussi initié une réflexion, en échangeant avec des designers, qui pourrait faire émerger des solutions innovantes pour le territoire. L’industrie réunionnaise, qui est née pour pouvoir répondre à des besoins ciblés de la population, est plutôt de type monoproduits. « Nous pourrions avoir besoin du design pour s’extraire d’une configuration d’isolement des chefs d’entreprise. Dans le passé, nous avons ainsi pu sauver la Cartonnerie de La Réunion par l’adhésion d’un ensemble d’acteurs du marché local. Nous n’avons pas le recul nécessaire pour imaginer de nouveaux produits par des regroupements de savoir-faire. En associant, par exemple, du carton et de la mousse, analyse Fabrice Thibier, secrétaire général de l’ADIR (association regroupant les principaux industriels de l’île). Il faut être capable de sortir du cercle et de se mettre en risque pour aller vers des solutions innovantes. Les chefs d’entreprise n’ont pas la disponibilité pour le faire. » 

Fabrice Thibier, secrétaire général de l’ADIR : « Nous pourrions avoir besoin du design pour s’extraire d’une configuration d’isolement des chefs d’entreprise. Dans le passé, nous avons ainsi pu sauver la Cartonnerie de La Réunion par l’adhésion d’un ensemble d’acteurs du marché local… »
Fabrice Thibier, secrétaire général de l’ADIR : « Nous pourrions avoir besoin du design pour s’extraire d’une configuration d’isolement des chefs d’entreprise. Dans le passé, nous avons ainsi pu sauver la Cartonnerie de La Réunion par l’adhésion d’un ensemble d’acteurs du marché local… »
 

La proximité géographique des entreprises est un premier atout pour établir des dialogues. « Nous savons réaliser des choses très complexes en local, c’est pourquoi l’inventaire des potentiels locaux, des matériels industriels et des compétences serait une première étape indispensable, pense Alexandre Aubier. Nous pourrions transformer des déchets de plastique en filaments pour imprimantes 3D et Fab Lab. » La Semaine du design a fait prendre conscience du besoin que l’on peut en avoir. « Je l’ai découvert sur la partie service, particulièrement, car le décentrage est difficile pour un chef d’entreprise », témoigne Yann Rivière, gérant du groupe Gaïa qui opère dans le solaire thermique et photovoltaïque.  
 

Yann Rivière, directeur général de Gaïa : « J’ai découvert le design sur la partie services, particulièrement, car le décentrage est difficile pour un chef d’entreprise. »
Yann Rivière, directeur général de Gaïa : « J’ai découvert le design sur la partie services, particulièrement, car le décentrage est difficile pour un chef d’entreprise. » 
 

 

NEXA A SU MOBILISER DES FONDS EUROPÉENS

Chef d’orchestre de la e-santé à La Réunion et à Mayotte, le groupement de coopération sanitaire Tesis (Télémédecine et système d’information de santé) développe l’échange de données entre les professionnels de santé. « Le design a apporté une réponse à un besoin de changement dans les pratiques des professionnels face à des réticences concernant le partage numérique des données de santé », explique Fabrice Fantaisie, adjoint de direction du GCS Tesis. 

Fabrice Fantaisie, adjoint de direction du GCS (Groupement de coopération sanitaire) Tesis : « Le design a apporté une réponse à un besoin de changement dans les pratiques des professionnels face à des réticences concernant le par-tage numérique des données de santé. »
Fabrice Fantaisie, adjoint de direction du GCS (Groupement de coopération sanitaire) Tesis : « Le design a apporté une réponse à un besoin de changement dans les pratiques des professionnels face à des réticences concernant le par-tage numérique des données de santé. »

 

Les Semaines du design ont suscité le souhait de voir créer un festival du design. « Dans le milieu artistique, nous ressentons le besoin d’un événement dédié qui n’a jamais vu le jour à La Réunion. Une biennale du design, par exemple, avec la possibilité de communiquer et de présenter au grand public et aux professionnels un éventail élargi d’objets et de services nés du design. Un événement pour l’océan Indien puisque Cape Town, en Afrique du Sud, est la capitale mondiale du design », commente Patricia de Boillivier, directrice de l’École supérieure d’art de La Réunion.

Patricia de Boillivier, directrice de l’École supérieure d’art de La Réunion : « Une biennale du design apporterait la possibilité de communiquer et de présenter au grand public et aux profes-sionnels un éventail élargi d’objets et de services nés du design. »
Patricia de Boillivier, directrice de l’École supérieure d’art de La Réunion : « Une biennale du design apporterait la possibilité de communiquer et de présenter au grand public et aux profes-sionnels un éventail élargi d’objets et de services nés du design. »
 

L’appréhension du coût du design peut inquiéter les entreprises, mais elles bénéficient généralement d’une aide financière. « Nous avons sollicité le FEDER (Fonds européen de développement régional – Ndlr) pour monter l’action d’aide au management du design, informe Véronique Stern, et nous sommes financés par l’Europe, sur des mesures d’intérêt général, pour mettre en place des accompagnements individuels avec des prestataires. » Quinze diagnostics ont été financés, ainsi que l’accompagnement des projets de cinq entreprises par un designer. 
 

Louis-Laurent Léger, coach partenaire de Conseil & Services : « Que peut-on faire pour développer les potentiels du design sur le territoire réunionnais ? »
Louis-Laurent Léger, coach partenaire de Conseil & Services : « Que peut-on faire pour développer les potentiels du design sur le territoire réunionnais ? »