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Le gouvernement entrave le portage salarial et en fait de l’intérim bis

Alors que cette nouvelle forme d’emploi atypique, qui évite toute distorsion sur le marché du travail, commençait à séduire des chômeurs qui créaient ainsi leur emploi, voilà qu’un décret vient limiter considérablement ce potentiel.



Le portage salarial est une relation contractuelle tripartite dans laquelle un salarié porté, ayant un contrat de travail avec une entreprise de portage salarial, effectue une prestation pour le compte d’entreprises clientes. En clair, c’est une alternative au statut de travailleur indépendant qui implique la création d’une société comme gérant majoritaire ou le lancement d’un activité en nom propre qui toutes les deux entraînent la tenue d’une comptabilité et des cotisations au Régime social des indépendants (RSI). Dans le cas du portage, le professionnel est salarié par la société de portage qui, d’un côté, règle ses charges salariales et patronales de Sécurité sociale et, de l’autre côté, facture aux sociétés clientes les prestations réalisées par cet « indépendant porté ». La société de portage rémunère au passage, de façon légère, ses prestations qui consistent à assurer toute la gestion et la comptabilité relatives aux activités de ses indépendants portés. Cette formule originale évite toute distorsion de concurrence comme l’ont reproché à un certain moment les travailleurs indépendants au statut d’auto-entrepreneur. Dans une période où sévit le chômage, elle permet à des personnes de créer leur emploi alors qu’elles ont identifié plusieurs entreprises susceptibles de faire appel à leurs services mais aucune n’ayant des besoins suffisants ou permanents pour les recruter comme salarié. 
Mais c’était sans doute trop simple et trop pratique pour perdurer dans le cadre d’un système français particulièrement rigide où tout semble fait pour dissuader de créer des emplois. Voilà que le Décret n° 2015-1886 du 30 décembre 2015 a définitivement instauré, à compter du 1er janvier 2016, que les entreprises ne pourront avoir recours au portage salarial que pour une tâche occasionnelle et non durable et ne relevant pas de son activité normale.

DE QUOI DOPER LE CHÔMAGE ET LE TRAVAIL AU NOIR

L’Uneps (Union nationale des entreprises de portage spécialisées) dénonce cette entrave au portage salarial, le limitant à de l’intérim bis et à une certaine catégorie d’actifs. Il s’agit du plus ancien syndicat du portage salarial. Il regroupe 15 entreprises de portage. Créée en 2005 par Josette Londé, l’Uneps milite pour une reconnaissance du statut d’indépendant porté, ainsi que pour une accessibilité de ce statut au plus grand nombre de métiers possibles. Afin de simplifier la gestion d’une activité indépendante et d’apporter une solution à une situation de chômage en impasse.
« Plus que jamais, le portage entrepreneurial apporte aux victimes d’un marché de l’emploi en berne une solution simple, rapide et pérenne, en tant qu’alternative possible aux statuts juridiques et fiscaux traditionnels de travailleur indépendant », souligne Josette Londé. Selon la nouvelle définition officielle, le salarié porté peut être toute personne justifiant d’un niveau d’expertise, de qualification et d’autonomie suffisant pour rechercher ses clients. Dans les faits, le portage salarial ne s’adresse cependant pas à tout le monde. En plus d’être expert, il faut aussi savoir se vendre et faire un chiffre d’affaires suffisant pour pouvoir avoir droit au salaire minimum prévu par l’ordonnance d’avril 2015, c’est-à-dire 2 380 euros mensuels, versés par l’entreprise de portage salarial. Cela oblige un grand nombre de portés à trouver d’autres solutions pour deux raisons :

  1. Parce que les 2 380 euros de salaire minimum à verser par les sociétés de portage correspondent à quelques 4 800 euros de chiffre d’affaires HT que le porté doit avoir facturé à ses clients car il faut rajouter 10% de prime de précarité et l’indemnité de clientèle. Plusieurs personnes n’atteignent pas ces niveaux de chiffre d’affaires, surtout au démarrage de leur activité.
  2. Les entreprises clientes ne peuvent avoir recours à des portés que pour une tâche occasionnelle et non durable et si cela ne correspond pas à l’activité permanente de l’entreprise. De plus, le contrat de prestation est limité à trois ans… »

À l’occasion de ses vœux aux acteurs de l’entreprise et de l’emploi, François Hollande avait pourtant confirmé que le portage salarial faisait partie des grandes mesures qu’il souhaitait favoriser pour inverser la courbe du chômage en France. Cherchez l’erreur ! Avec ces restrictions, le portage salarial ne se distingue plus de l’intérim. Selon Josette Londé, « l’incidence pour les sociétés qui pratiquent le portage salarial est qu’elles vont perdre une partie importante de chiffre d’affaires. Quant aux personnes qui avaient recours au portage salarial et qui n’atteignent pas ce niveau de chiffre d’affaires imposé par les textes, elles vont être exclues. Sans compter les entreprises clientes qui ne pourront plus faire appel à des portés du fait des motifs de recours restrictifs. Donc du chiffre d’affaires en moins pour les portés ! »