Le « greenwashing », voilà l’ennemi !
Ce numéro de L’Éco austral est bouclé alors que Maurice se trouve en pleine campagne pour les élections générales fixées au 7 novembre 2019. Des élections qui vont dessiner le visage des 70 députés élus pour un mandat de cinq ans. De la majorité parlementaire sera issu le Premier ministre et tous les autres ministres, qui doivent avoir été élus députés à l’exception notable du ministre de la Justice. C’est dire l’enjeu de ces élections qui ont de quoi nous rendre modérément démocrates tant on assiste à une surenchère de promesses démagogiques. En particulier sur la revalorisation de la pension de vieillesse à laquelle tout Mauricien résidant à Maurice a droit à partir de 60 ans, quels que soient ses revenus. Le duel au sommet se passe entre Pravind Jugnauth, le Premier ministre sortant, et Navin Ramgoolam qui l’a été auparavant. Tous deux issus d’une dynastie dans un pays qui a pourtant choisi en 1992 de devenir une République. Dans cette campagne électorale, on était loin des débats d’idées et des grandes questions d’avenir, le but étant avant tout d’occuper le pouvoir pour cinq ans. De quoi comprendre pourquoi Maurice n’est pas devenue le « Singapour de l’océan Indien » et ne le deviendra sûrement pas. Ce qui ne l’a pas empêché de se développer. Mais elle aurait pu faire mieux en échappant à ce sport national qu’est la politique politicienne, que seul concurrence le championnat de foot anglais, et en jouant davantage le jeu de la méritocratie.
Parmi le débat de fond, qui n’a pas eu lieu, on peut citer celui autour du développement durable, un enjeu considérable dans une île caractérisée par une très forte densité de population. La course vers le tourisme de masse est-elle par exemple une bonne chose ? Comment en finir avec l’érosion des plages ? N’est-il pas temps de construire une véritable économie circulaire pour mettre fin aux déchets qui s’accumulent et qu’on continue d’enfouir ? Le parc automobile pourra-t-il croître à l’infini ? L’arrivée du métro express n’est pas une réponse suffisante puisque chaque Mauricien veut sa voiture. Toutes ces questions se posent aussi dans les îles voisines et un véritable développement durable donnerait à l’océan Indien une forte identité à l’échelle mondiale.
La vigilance s’impose
En l’occurrence, il faut se méfier du greenwashing. À quoi bon parler de « tourisme durable » si l’on accueille des paquebots qui, à l’arrêt, polluent autant qu’un million de voitures ? C’est pourquoi il ne faut peut-être pas s’attrister du fait que Costa mette fin à ses croisières inter-îles. Au lieu de viser le nombre de touristes le plus élevé possible, il vaudrait mieux se focaliser sur les recettes par touriste. Si la France se targue d’être la première destination touristique du monde avec 89 millions d’arrivées en 2018, elle n’occupe que la troisième position en recettes avec 67 milliards de dollars, derrière l’Espagne (74 milliards de dollars) et les États-Unis (214 milliards de dollars). Les Etats-Unis se détachent donc loin avec 2 404 dollars par touriste contre 753 dollars en France. Mais l’Australie fait encore beaucoup mieux avec 4 900 dollars par touriste. « Le greenwashing (ou écoblanchiment pour sa traduction française la plus usitée) est une stratégie de communication et de marketing adoptée par des entreprises ou autres organisations, explique l’Agence de l’environnent et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Elle consiste à mettre en avant des arguments écologiques pour se forger auprès du public une image écoresponsable, alors que la réalité des faits ne correspond pas, ou insuffisamment, à la teneur explicite ou implicite des messages diffusés. »
Il faut donc éviter de parler de « voitures propres » pour des voitures hybrides ou électriques qui continuent d’utiliser des terres rares pour leur batterie. Les terres rares sont extraites de mines à ciel ouvert, extrêmement polluantes et destructrices de l’environnement, dans lesquelles interviennent des travailleurs au risque de leur santé. Heureusement, la technologie évolue et des voitures électriques comme la Renault Zoé et la Tesla se passent désormais de terres rares.
Il ne faut pas parler non plus d’« énergie propre » pour des éoliennes qui utilisent des terres rares et des matériaux non recyclables, sans parler des énormes blocs de béton qui défigurent l’environnement et des ravages causés à la faune. On pourrait accumuler les exemples et il est d’autant plus difficile de faire la part des choses qu’une organisation comme Greenpeace Energie détient des participations capitalistiques dans des centrales éoliennes (*).
Nous devons être vigilants face au greenwashing qui gagne du terrain dans une époque où l’on nous annonce chaque jour la fin du monde.
(*) Information révélée par Fabien Bouglé dans son livre Éoliennes – La face noire de la transition écologique (Éditions du Rocher – octobre 2019).