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Maurice

Le groupe d’assurance Swan met le cap sur l’Afrique

Principal outil au service de cette expansion, une holding d’investissement dotée de 65 millions de dollars propose également un soutien technique dans l’assurance-vie et les produits et services innovants.

« Notre marché mauricien est totalement saturé. » Patrice Bastide, Senior Manager International Business du groupe Swan se montre catégorique. Son groupe, issu de Swan Insurance et Anglo-Mauritius Assurance, vient de fêter ses 160 ans et évolue dans un secteur dominé par une dizaine de gros acteurs sur les 19 licences octroyées par la Financial Services Commission (FSC), le régulateur des services financiers non bancaires. Ce marché est tout de même en progression puisque, selon le bulletin annuel statistique 2014 de la FSC, les actifs du secteur de l'assurance-vie ont crû de 15 % par rapport à l'année précédente pour atteindre 106,4 milliards de roupies (2,65 milliards d'euros) alors que l'assurance générale a enregistré une progression de 12 % de ses actifs, à 13,9 milliards de roupies (325 millions d'euros). « Mais ce dynamisme a ses limites et ne permet pas d'intégrer tous les entrants sur le marché du travail. Il nous faut donc chercher de la croissance ailleurs ! » Aussi, et à l'instar de nombreuses entreprises de l'île, le groupe a les yeux tournés vers l'Afrique et son formidable potentiel. Selon un rapport du cabinet PricewaterhouseCoopers, publié en 2014, le taux de pénétration de l'assurance en Afrique n'est que de 3,5 %, contre une moyenne mondiale de 6,3 %. Cela offre un énorme potentiel de croissance car « l'émergence d'une classe moyenne et le vieillissement de la population vont avoir des effets à long terme sur le marché de l'assurance qui est lié à la croissance du PIB et à l'épargne des ménages », souligne Patrice Bastide.
D'ailleurs, les grands assureurs internationaux comme les groupes AXA, Allianz, Munich Re ou même le numéro deux mondial de la réassurance, Swiss Re, englués dans la crise économique mondiale, voient dans le berceau de l'humanité… leur avenir. Ils cherchent à y renforcer partout leurs positions et sont engagés dans une course à la taille (en acquérant des sociétés locales). « Bien sûr, nos moyens sont bien plus modestes, mais nous avons une carte à jouer car nous avons des atouts et de l'expérience », explique le Senior Manager International Business de Swan.

DES GROUPES AFRICAINS… À MAURICE

Au début des années 2000, attirés par le secteur financier mauricien, des groupes d'assurance africains y ont enregistré des holdings. « À partir de Maurice, nous offrions des services à de gros courtiers kenyans », se rappelle Patrice Bastide. Ceux-ci ont vu en Maurice un second marché. Car le marché sud-africain, qui vivait sa transition post-apartheid et qui devenait une immense manne de 44 millions de clients pour les assureurs locaux, était de fait fermé aux joueurs d'autres pays. Ainsi, de 2000 à 2011, c'est surtout le marché de l'East African Community (EAC, Communauté d'Afrique de l'Est qui comprend le Burundi, le Kenya, l'Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie) qui avait des liens avec Maurice. « Peu à peu, la confiance s'est construite et, en 2005, le démarchage s'est mis en place avec de vraies demandes techniques. Nous sommes alors passés des produits basiques aux « riders » (options dans les contrats qui rajoutent ou réduisent des garanties – Ndlr) ». 
À partir de là, le nombre de captives (sociétés de réassurance appartenant à une société industrielle ou commerciale – Ndlr) s'est multiplié à Maurice. C’est à ce moment-là que l'assureur du réseau de l'Aga Khan, le Kenyan Jubilee Insurance, qui avait quitté la place mauricienne en 2004, y est revenu. Du coup l'offre de Port-Louis n'était plus celle de la Swan ou d'autres opérateurs mauriciens, mais celle de groupes internationaux présents sur l'île. « La présence physique de ces groupes à Maurice nous a permis de prendre contact avec nos partenaires africains. Des contacts professionnels et des relations personnelles, ce qui est très important en Afrique. D'autant plus que la communauté des assurances sur le continent africain est très petite, c'est un village gaulois, lance en riant Patrice Bastide. C’est primordial pour notre propre stratégie. »
Avec la montée du niveau des demandes, la complexité s'est accrue avec de vraies problématiques. « Par exemple, une banque ou une institution financière africaine qui voulait couvrir les risques de perte d'emploi, de décès ou d'incapacité désirait connaître nos produits… Puis on a commencé à travailler sur des produits d'assurance voyage. Nous sommes passés au montage de produits, puis au « costing ». Cette situation nous a permis de participer aux risques de nos clients et donc de générer davantage de plus-value ». Au même moment émerge l'idée d'une renaissance africaine. D'où la réflexion stratégique de la Swan qui pense qu’il est temps de s’implanter sur le continent.

LE GIGANTESQUE MARCHÉ AFRICAIN
 

Louis Rivalland, Group Chief Executive, à l’occasion du lancement de la nouvelle identité d’un groupe dont l’origine remonte à 1855. « Ce rebranding symbolise notre volonté de nous projeter hors des côtes mauriciennes tout en gardant notre zone de chalandise historique. » - DR
Louis Rivalland, Group Chief Executive, à l’occasion du lancement de la nouvelle identité d’un groupe dont l’origine remonte à 1855. « Ce rebranding symbolise notre volonté de nous projeter hors des côtes mauriciennes tout en gardant notre zone de chalandise historique. » – DR
 

 

La compagnie d’assurance mauricienne, qui a fusionné en 2012 avec l'activité assurance du groupe CIM, peut s'appuyer sur son expérience internationale liée à sa présence depuis dix ans à Madagascar et aux Seychelles. Et depuis deux ans aux Comores via un bureau de représentation. Mais dans l'océan Indien, elle rencontre des obstacles structurels. « Dans la Grande île, la situation socio-économique est complexe ; quant aux Seychelles, si le marché est rentable, il est surtout très étroit. » Mais l’Afrique n’est pas pour autant un marché facile à aborder. « Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les assureurs africains sont plus spécialisés, plus pointus mais surtout mieux préparés techniquement que nous, en particulier en couvertures IARD (Incendies, accidents et risques divers). Les cadres africains sont formés dans des écoles d'assurance en France, en Tunisie, au Ghana ou en Afrique du Sud. À Maurice, l'apprentissage technique se fait sur le tas et avec des cours par correspondance pour obtenir des diplômes. » Cette différence culturelle est fondamentale. À tel point que Patrice Bastide reconnaît qu'« il y a très peu d'espoir pour une société mauricienne d’assurance d'évoluer sur le marché africain en se limitant à l'IARD ! Car il y a très peu de choses qu'on peut leur offrir ». Sans oublier qu'on recense 45 compagnies d’assurance au Kenya, une trentaine en Tanzanie, une douzaine au Rwanda et une vingtaine en Ouganda. 

PROPOSER DES PRODUITS DE NICHE

L’étude des marchés africains conduit la Swan à privilégier une stratégie de niche à travers des partenariats. Une holding, dotée de 65 millions de dollars, a donc été créée en vue d’investir dans des compagnies d’assurance en Afrique subsaharienne. Des capitaux collectés via le « Private Equity » (capital-investissement) et auprès de fonds souverains, en plus des propres moyens de la Swan. « Nous investirons en prenant une minorité de contrôle, voire même le contrôle total », explique Patrice Bastide. Le second axe de cette stratégie s'appuie sur un modèle unique. La Swan investit mais propose aussi un support technique qui concerne tous les segments de la retraite complémentaire privée, de l'assurance médicale, de la banque-assurance et de l'assurance-vie. « La Swan met ainsi à profit son savoir-faire de leader à Maurice dans les secteurs vie, retraite complémentaire privée et assurance médicale. C’est son ADN ! » 

La Swan, non seulement propose d'investir dans des sociétés africaines, mais elle leur propose aussi un support technique. » - Davidsen Arnachellum
La Swan, non seulement propose d'investir dans des sociétés africaines, mais elle leur propose aussi un support technique. » – Davidsen Arnachellum

 

DES MARCHÉS CIBLÉS EN AFRIQUE DE L'EST ET AUSTRALE 

Les deux principaux marchés visés par l'assureur mauricien sont l'EAC (Communauté d'Afrique de l'Est) et l'Afrique australe à l’exception de l’Afrique du Sud qui est saturée avec une population assurée à 96 %. Ces régions sont à la fois stables politiquement, avec des régulateurs qui sont très présents, et surtout elles reçoivent de fortes injections de capitaux étrangers. L'Afrique orientale a un taux de pénétration et une culture d'assurance légèrement plus élevés qu'ailleurs en Afrique. Quelque 1 % des 49,3 millions d'habitants de la Tanzanie ont souscrit une assurance. « C'est beaucoup pour l’Afrique », précise Patrice Bastide, alors que Maurice fait figure d’exception avec un taux de pénétration de 7 %. 

Nairobi, capitale du Kenya, est le hub de la sous-région d’Afrique de l’Est. Le marché kenyan des assurances enregistre une croissance de 20 % en moyenne par an. - Stocklib/Vladimir Kondrachov
Nairobi, capitale du Kenya, est le hub de la sous-région d’Afrique de l’Est. Le marché kenyan des assurances enregistre une croissance de 20 % en moyenne par an. – Stocklib/Vladimir Kondrachov

Selon un rapport publié en 2011 par la Banque africaine de développement (BAD), dans ce pays de 44,5 millions d’habitants, la classe moyenne est la plus importante parmi les pays de l'Afrique de l'Est avec 45 % de la population contre 18 % en Ouganda et 12 % en Tanzanie. 
Quant à l'Afrique australe, elle bénéficie non seulement d'une élite bien formée, mais d'un retour de la diaspora. Le marché de l'assurance en Angola a enregistré, entre 2004 et 2010, une croissance de 185 % et le secteur de l’IARD représentait, en 2011, un chiffre d'affaires de 900 millions de dollars !
Autre pays intéressant : le Zimbabwe. Même si le secteur des assurances a souffert de la crise économique et de l’hyperinflation, certains acteurs fournissent des produits conçus pour aider, préserver et améliorer le mode de vie afin de garantir et de protéger les revenus de leurs clients. Surtout, le pays de Robert Mugabe peut s'appuyer sur « le fait que la culture de l’assurance est bien vivante en comparaison avec les autres nations de la région ». La Swan envoie des Mauriciens sur ces marchés africains et profite d’un solide réseau relationnel. 
Toutefois, il persiste des freins majeurs comme la corruption, même si de nombreux États font des efforts considérables pour la combattre, ou l'efficacité très relative de certaines administrations… Il faut ajouter la mauvaise connectivité de l’aérien pour accéder à ces pays et des liaisons terrestres à l’intérieur de leur territoire alors que les services financiers exigent de la proximité avec les clients. 
 

AFRIQUE SUB-SAHARIENNE : CROISSANCE DE 15 % À 20 % DANS L’ASSURANCE

Des chiffres qui proviennent d’une étude de Bain, l’un des trois principaux cabinets mondiaux de conseil en stratégie et en management. Une forte croissance qui touche principalement l’assurance automobile, l’assurance décès et, dans une moindre mesure, l’assurance-crédit.  

 

MAURITIUS UNION S'INSTALLE EN AFRIQUE DE L'ESTBertrand Casteres, CEO de Mauritius Union. Acteur important de l’assurance à Maurice, cette compagnie cotée à la bourse de Port-Louis détient 29 % du marché de l’assurance automobile et 31 % du marché de l’assurance médicale.
En 2014, elle a fait l’acquisition, pour 18,4 millions d’euros, de la société kenyane Phoenix Transafrica Holdings Limited qui, outre le Kenya, est implantée au Rwanda, en Tanzanie et en Ouganda. Ces marchés à fort potentiel sont aussi très concurrentiels. L’objectif de l’entreprise mauricienne est de reconquérir des parts de marché au Kenya en proposant de nouveaux produits comme les assurances médicales et de voyage.

 

L’AFRIQUE DE L’EST : RÉGION À FORT POTENTIEL

Selon les chiffres de la Banque africaine de développement (BAD), la croissance du PIB (Produit intérieur brut) du Kenya a atteint 6,9 % en 2012 et 5,7% en 2013 et devrait s’élever à 5,3 % en 2014 et 6,5% en 2015. En 2013 et 2014, l’économie a bénéficié d’un environnement macroéconomique stable et d’une inflation à un seul chiffre. Depuis 2010, le Kenya engage des réformes pour remédier aux grandes disparités dans l’accès aux services économiques, politiques et sociaux, et ces réformes ont culminé avec l’introduction de 47 comtés administratifs en 2010. Le PIB par habitant s’élève à 1 451 euros, très loin de celui de Maurice (7 270 euros), mais plus de deux fois supérieur à celui des Comores (644 euros) et quatre fois supérieur à celui de Madagascar (368 euros).
Nettement plus pauvre que le Kenya, avec un PIB par habitant de 569 euros, le Mozambique fait mieux en terme de croissance. Il affiche + 7% en 2013, en deçà des prévisions en raison des graves inondations qui l’ont frappé. La montée en puissance progressive de la production de charbon et la mise en chantier de grands projets d’infrastructures, associées à l’expansion budgétaire, devraient continuer d’alimenter la croissance, estimée à 8,5% en 2014 et à 8,2% en 2015. Ce pays compte 26,5 millions d’habitants. 
Comparable au Mozambique en terme de PIB par habitant (614 euros), l’Ouganda a connu en 2014 une année de consolidation de la stabilité macroéconomique et de relance progressive de l’activité. La croissance du PIB réel, pour ce pays de 38,8 millions d’habitants, est projetée à 5,9% pour l’exercice budgétaire 2014/15, contre 4,5 % en 2013/14. La reprise de l’activité économique repose principalement sur des investissements publics dans les infrastructures, une reprise de la consommation intérieure privée et de la demande d’investissement, et un rebond du secteur agricole.