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Océan Indien

Le leader mondial du bien-être dans l’entreprise s’implante à Maurice

Une implantation de Great Place to Work par le biais de sa filiale française qui veut lancer des palmarès des entreprises de Maurice et de l’océan Indien où il fait bon travailler. Son directeur général, Patrick Dumolin, s’en explique.

L'Eco austral : En quoi la performance sociale est-elle liée à la performance économique ?

Patrick Dumoulin : En période de crise, la tentation est forte d’utiliser les ressources humaines comme variable d’ajustement. Or, je pense que performance sociale et performance économique sont liées. C'est même l'un des postulats de base de Great place to work. La première chose que je dirai est que pour être bien dans une entreprise, il faut que son sommet soit convaincu que le bien-être des salariés a un impact sur le développement économique. Par exemple, le groupe PepsiCo est en France depuis une vingtaine d'années. Mais au début, c'était mal parti, au point où le siège aux États-unis envisageait de fermer cette filiale française. Le patron de l'époque a alors pris le pari de réussir en France en clamant que l’entreprise serait la première de celles où il fait bon travailler. Et depuis douze ans, PepsiCo n'a jamais quitté le Top 10 des entreprises où les salariés se sentent bien. Sur les cinq dernières années, sa performance en chiffre d'affaires a été quatre fois supérieure à la croissance du marché des produits de grande consommation qui se situe entre 2% et 3% par an. Autre exemple, Leroy Merlin (enseigne de grande distribution française spécialisée dans la construction, le bricolage et le jardinage – Ndlr) figure dans le Top 20 français. C'est une entreprise où tous les salariés sont actionnaires et où vous pouvez entrer en bas de l'échelle et vous retrouver au sommet. Tous les dirigeants de l'entreprise sont passés par des postes de terrain. Leroy Merlin dépense cinq fois plus dans la formation que ses obligations légales et a mis les hommes et les femmes au cœur de son projet. Lors de mon séjour à Maurice, les dirigeants que j'ai rencontrés m'ont tous fait part de cette préoccupation. Dans un marché hyper concurrentiel, ils se doivent de garder leurs meilleurs éléments, c'est ce qu'on appelle le « Talent Management ».

Un de vos maîtres-mots est la confiance. Or, sans parler d'aliénation par le travail, on estime qu'en France 400 suicides par an sont liés au travail, ce qui signifie que l'entreprise peut être aussi un lieu de souffrance. Comment susciter la confiance et surtout la maintenir au sein de l'entreprise ?

Cette réalité existe malheureusement. La vague de suicides qui a frappé France Télécom est là pour nous le rappeler. À Great Place To Work, nous sommes conscients de cela. Tous les salariés qui se rendent au travail à Maurice ou ailleurs n'y vont pas avec plaisir, c'est une réalité. Mais ce n'est pas une fatalité ! Créer les conditions pour permettre aux employés de se sentir bien, voire de s'épanouir, se révèle essentiel. Cela passe par la confiance qui se construit par des actions au quotidien, comme la communication. Elle peut être descendante, de haut en bas, mais aussi ascendante, de bas en haut. Dernièrement, j'ai rencontré le patron de Tweeter aux États-unis. Il m'a expliqué que son entreprise emploie 4 000 salariés, que le Top management n'a pas le monopole des bonnes idées et que tout le personnel peut émettre des propositions. Mais pour que la communication ascendante soit efficace, cela demande de la confiance. Et cela passe par un comportement des managers qui aient une réelle proximité et accessibilité. Par exemple, l'e-mail du directeur de la Société Générale, Frédéric Oudéa, est communiqué à tous les salariés qui peuvent s'adresser directement à lui. Il est également indispensable que chaque salarié se sente impliqué. Bien sûr, tout le monde n'a pas la même importance, mais tout le monde est indispensable. Autre élément qui crée la confiance dans l'entreprise : la vision partagée. Elle passe notamment par cette question : comment voyez-vous votre société dans dix ou vingt ans et comment vous y voyez-vous ?

Pourquoi vous implanter à Maurice et mettre en place un classement océan Indien ?

Si chaque pays a sa propre histoire et sa propre culture, cette problématique du bien-être/mal-être est vécue dans toutes les entreprises. C'est pourquoi nous nous implantons à Maurice. Pour faire comprendre que le mal-être qui se traduit par un absentéisme récurrent, un turnover important et un manque de motivation au travail a un réel impact sur la productivité. À l'inverse, lorsqu'on évalue une entreprise qui est reconnue pour la qualité de son management social, la première cause de fierté des salariés est de faire partie d'une entreprise où il fait bon travailler.

Une des principales critiques à l’encontre de votre classement, c’est que les entreprises doivent payer pour y paraître ?

Le coût, de l’ordre de 4 900 à 13 900 euros, peuvent paraître élevés, mais le retour sur investissement est largement égal à ce qu'une entreprise pourrait investir dans un budget communication. Et vous vous imaginez bien que Great Place To Work ne serait pas présent dans 50 pays, aurait audité 6 000 entreprises et se serait penché sur le sort de 12 millions de salariés si les entreprises pensaient que notre étude était sans intérêt ! Car n'oubliez pas que si notre étude est un diagnostic, nous prodiguons également des conseils en matière de formation !

Comment sont menées vos enquêtes qui peuvent concerner des salariés de services aux problématiques différentes. Par exemple, la problématique des salariés du siège social est-elle identique à celle des salariés de l'usine ?

Tout d'abord, il est faux de penser que les salariés du siège social « sont plus heureux » que ceux des lieux de production. Un grand groupe agroalimentaire français, connu pour sa politique sociale et managériale avancée, a refusé de travailler avec nous car il ne voulait pas que nous interrogions à la fois le siège et les usines. À l'inverse, le groupe Mars France, qui est classé deuxième de notre classement national, nous a laissé interroger tous ses lieux de production. Il a joué la transparence. Pour assurer notre crédibilité, nous contrôlons tout le process du questionnaire de A jusqu'à Z. Notre évaluation est très transparente : si l'entreprise fait moins de 500 salariés, nous les interrogeons. Si elle a plus de 500 employés, alors nous effectuons un échantillonnage. Car il est possible qu'une entreprise baisse dans le classement selon les évolutions qu'elle a connues. Et il nous arrive de refuser des entreprises qui ne veulent mettre en avant qu'une partie de leur personnel.

Great Place To Work Institut - DRGreat Place To Work Institut France
C’est la filiale française d'un réseau mondial de cabinets conseils en gestion des ressources humaines fondé en 1988 par Robert Levering. En collaboration avec « Le Figaro, elle décerne tous les ans un prix des entreprises françaises « où il fait bon travailler ».

 

Implantation dans l’océan Indien

Le Centre de formation supérieur de l'IFM (Institut français de Maurice) est désormais le représentant de Great Place to Work et son responsable marketing, Pierre Fournier, est son consultant senior pour Maurice, La Réunion, Madagascar.

 

Vingt pour cent des salariés français victimes de « burn-out »

L’Institut Great Place to Work a présenté en janvier 2015 la deuxième édition de son étude sur le bien-être au travail. Menée avec l’Institut Think auprès d’un échantillon de 1 000 salariés représentatifs de la population active française, issus d‘entreprises et d’administrations de toutes tailles et de tous secteurs, l’étude révèle un état d’esprit général teinté d’un pessimisme ambiant : management, convivialité, perspectives d’évolution… Le constat est édifiant : un salarié sur deux déclare être confronté, soit directement, soit pour un proche, à une situation de « burn-out » (arrêt de travail soudain suite à un épuisement lié aux conditions de travail). Et presque deux salariés sur dix avouent être concernés personnellement par un « burn-out ». Cette maladie professionnelle est donc très présente en entreprise et touche particulièrement les professions intermédiaires, les cadres et les managers (56 %), ainsi que les femmes (53 %) et les salariés dont l’âge se situe entre 45 et 54 ans (53 %). À noter aussi que 58 % des salariés français interrogés se montrent pessimistes à propos du contexte économique et du marché de l’emploi de leur secteur, contre 51 % en 2013. Leur regard sur leur évolution professionnelle au sein de l’entreprise reste stable par rapport à 2013, mais ils sont de moins en moins nombreux à croire à une reprise économique rapide en France (83 % vs 77 % en 2013). La crise ne touche pas seulement le moral des salariés. Parmi les trois quarts de cette population active qui la ressent, elle alourdit également la charge de travail (40 %), enterre les espoirs de carrière (36 %) et incite les salariés à plus d’immobilisme (32 %). Concernant les conditions de travail, ils sont 56 % à trouver qu’elles ont évolué de manière négative ces trois dernières années.