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République démocratique du Congo

Le plus vieux parc naturel d’Afrique mise sur le développement durable

Menacée par des projets d’exploitation pétrolière, la plus vieille réserve naturelle d’Afrique, en République démocratique du Congo (RDC), défend un autre modèle de développement, respectueux de l’environnement, pour sortir la population locale de la misère.

Sous un soleil ardent, une vingtaine d'ouvriers s'activent à aplanir le fond d'un canal en construction au milieu d'une végétation luxuriante.
Fin 2015, l'eau détournée de la rivière Rutshuru devrait alimenter une centrale électrique de 12,6 MW, capable de fournir du courant à 140 000 personnes, à commencer par les habitants du lieu, Matebe, à 70 kilomètres au nord de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, dans l'Est de la RDC.
Ici, la population survit plus qu'autre chose, victime de décennies d'incurie gouvernementale et des conflits qui, depuis vingt ans, ravagent la province : il n'y a ni route, ni adduction d'eau, ni électricité. Le chantier est situé en amont du parc national des Virunga, classé par l'Unesco au patrimoine mondial de l'Humanité.

L'Alliance des Virunga, veut « favoriser la paix et la prospérité à travers le développement économique responsable des ressources naturelles pour quatre millions de personnes » vivant aux alentours du parc. - parc national des Virunga
C'est un des nombreux projets de l'Alliance des Virunga, qui veut « favoriser la paix et la prospérité à travers le développement économique responsable des ressources naturelles pour quatre millions de personnes » vivant aux alentours du parc.
La coalition regroupe l'organisme congolais qui gère la réserve, des organisations de la société civile et des communautés locales.
Misant sur un investissement de 150 millions de dollars sur douze ans, elle bénéficie déjà de financements de bailleurs étrangers comme l'Union européenne ou la Fondation Howard Buffett, du fils du milliardaire américain Warren Buffett, et poursuit quatre objectifs : production d'énergie durable, pêche durable, agro-industrie et tourisme.

Abandonner le charbon

Créé en 1925 sous la colonisation belge, le parc des Virunga offre une diversité de paysages exceptionnelle: savanes, volcans, forêt dense grands lacs, hautes montagnes.
Le parc des Virunga abrite l'une des dernières zones humides de la planète ainsi que plusieurs espèces menacées, comme les gorilles de montagne. - parc national des Virunga
Il abrite l'une des dernières zones humides de la planète ainsi que plusieurs espèces menacées, comme les gorilles de montagne. Abîmé par la déforestation, le braconnage, et les combats, le parc voit son avenir encore plus menacé depuis que l'on soupçonne sa partie sud de receler du pétrole.
Après une intense mobilisation locale et internationale, la société britannique Soco a annoncé le 11 juin qu'elle renonçait à forer dans l'enceinte du parc, comme l'avait fait avant elle le groupe français Total.
Pour les défenseurs des Virunga, la menace n'est cependant pas écartée, et l'Unesco vient d'exhorter une nouvelle fois Kinshasa à annuler les permis d'exploration pétrolière dans le parc émis en 2010. À Matebe, les travaux ont commencé en décembre 2013, un mois après la défaite de la rébellion du Mouvement du 23 Mars (M23), qui contrôlait la zone. Le chantier emploie actuellement près de 175 personnes, presque toutes recrutées localement. L'ingénieur Angelus Katembo touche 450 dollars par mois. « C’est confortable », dit-il. Les ouvriers non-qualifiés gagnent 3 dollars par jour. Comme Kasereka Batsholi, maçon, ils sont d'abord contents d'avoir trouvé du travail.
Plus au nord, près de Béni, une micro-centrale est déjà entrée en production à la lisière des Virunga. Elle alimente une usine de production d'huile de palme.
L'arrivée de l'électricité doit aussi permettre aux habitants d'abandonner le charbon de bois, produit très souvent à partir d'arbres abattus illégalement dans le parc.
À Rumangabo (50 km au nord de Goma), l'Alliance des Virunga devrait bientôt apporter de l'eau à la population.
« Nous sommes très contents », dit Richard Saïdi, alors que les habitants doivent parcourir habituellement 6 km à pied pour trouver « de l'eau propre ».
Flambant neuf, le « lodge » de Rumangabo, qui peut accueillir 24 personnes, n'a guère servi. Il a rouvert en janvier, après la chute du M23, et l'activité redémarre très lentement.
Les rares touristes peuvent déjà aller observer les gorilles. À la réception, on espère que la situation sécuritaire permettra de reprendre bientôt l'ascension du majestueux volcan Nyiragongo, l'une des nombreuses merveilles du parc.

Par Marc Jourdier