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Réunion

Les microclimats de l’immobilier réunionnais

15 nov 2021 | PAR Alain Foulon | N°363
La Réunion comprend peu de communes (seulement 24), à la différence de l’Hexagone, et la plupart sont très étendues avec des zones urbaines sur le littoral et des zones rurales situées sur les hauteurs. ©Stocklib/Marion Gibert
Malgré l’étroitesse du territoire de La Réunion (2 512 km²), les prix de l’immobilier résidentiel varient beaucoup, non seulement d’une commune à l’autre, mais encore d’un quartier à l’autre. Outre ce phénomène de « microclimats », le marché est dopé par une demande plus forte que la croissance démographique.

L’évolution de la demande en logements peut s’analyser sous l’angle de la sociologie. L’Insee a publié récemment des chiffres qui montrent qu’entre 1968 et 2018, le nombre de résidences principales a été multiplié par quatre, passant de 82 100 à 332 400. Le résultat de la croissance démographique, bien sûr, mais pas seulement. Le nombre de logements a augmenté en moyenne de 2,8 % par an alors que la population n’augmentait que de 1,5 %, soit près de deux fois plus. Une différence qui s’explique par un phénomène de décohabitation qui s’est accéléré ces dernières années et impacte le marché de l’immobilier. 

Le prix des appartements anciens à la hausse 

Le nombre moyen de personnes par foyer est ainsi passé de 5 en 1968 à 2,6 en 2018. Ce qui se traduit par un parc de logements nettement plus récent qu’en France métropolitaine. 
La défiscalisation a entraîné plusieurs effets pervers dont une hausse des prix. Des appartements de petite taille (studios, T1 et T2), et par forcément bien situés, se vendaient à des prix exagérément élevés, mais ils trouvaient preneurs auprès de gros contribuables de l’Hexagone qui achetaient les « yeux fermés » dans le seul but de réduire leur impôt sur le revenu. Fort logiquement, à la revente, on a enregistré des moins values. Sur les dix dernières années, le prix moyen des appartements anciens a chuté de 13 %, comme le montre la dernière note de conjoncture de la Chambre des notaire de La Réunion. Mais depuis deux ans, la situation a changé et sur la dernière année, on constate une hausse de 3,4 % du prix moyen de vente. 
En revanche, le prix de vente moyen des maisons anciennes marque le pas. Après avoir progressé de 20 % sur les dix dernières années, ce prix n’a augmenté que de 1 % sur la dernière année. 
Avec l’évolution de la société réunionnaise, qui compte des couples avec moins d’enfants, ou pas d’enfant, et plus de personnes qui vivent seules, les studios et appartements d’une pièce sont davantage demandés. En l’espace de deux ans, ils sont passés de 15 % à 20 % des ventes. En 2020, pour la première fois, il s’est vendu plus d’appartements anciens (3 180) que de maisons anciennes (2 960). Et même si la crise de la covid-19, avec ses confinements, pourrait renforcer l’attrait des maisons avec jardin, les grandes tendances sociologiques sont inscrites dans la durée. 

 

 

 


Inadéquation entre l’offre et la demande 

Quant aux appartements neufs, leur nombre reste modeste. Seulement 560 se sont vendus en 2020. Un nombre qui reste stable depuis plusieurs années alors qu’il avait franchi le cap des 1 000 unités en 2011. Cela peut s’expliquer un prix moyen au m2 qui est élevé, à 4 230 €, deux fois supérieur à celui des appartements anciens. Et il faut s’attendre à de nouvelles hausses suite à la crise qui a fait augmenter le coût des matériaux et exploser celui du fret. Sachant que le budget moyen d’un ménage pour une accession à la propriété se situe à 200 000 €, on comprend mieux la situation. 
Si l’on se penche sur le prix des terrains à bâtir, on constate que leur prix a augmenté de 20 % depuis dix ans. Cette augmentation est allée crescendo et, sur la dernière année, on atteint une augmentation de 12 % et un prix moyen de vente de 108 000 euros. En conséquence, les maisons se construisent sur des parcelles de plus en plus petites. Par exemple, sur la commune de Sainte-Marie, dont le foncier a été valorisé par sa proximité de Saint-Denis, le prix moyen du m2 atteint 395 € en 2020 et la superficie moyenne des parcelles vendues s’établit à 300 m2. 

 


De très grosses différences de prix 

La comparaison par communes des prix des différents biens (maisons et appartements anciens et  terrains), que nous présentons dans nos différentes infographies, révèle de fortes disparités. Mais il est difficile d’en tirer des conclusions car chaque commune affiche de véritables microclimats de l’immobilier. La Réunion comprend peu de communes (seulement 24) proportionnellement à sa population, à la différence de l’Hexagone, et la plupart de ces communes sont très étendues avec des zones urbaines sur le littoral et des zones rurales situées sur les hauteurs. La commune de Saint-Paul, l’une des plus grandes de France avec 24 028 hectares, illustre parfaitement cette situation. La différence de prix y est énorme entre une maison située les pieds dans l’eau, ou en tout cas sur le littoral, et celle qui se situe dans les Hauts. Pour la première, en immobilier ancien, on atteint un prix moyen de 444 700 €, alors que pour seconde, c’est 210 000 €, plus du double. Cette différence est encore plus importante pour les terrains à bâtir dont le prix moyen par m2 se situe entre 68 000 € et 176 200 €. Ce n’est pas le cas des communes qui ne disposent pas de station balnéaire, notamment dans le nord et l’est de l’île. À quoi bon vivre au bord de la mer si l’on ne peut pas s’y baigner ? Dans ce cas, on peut préférer la fraîcheur des hauts. C’est ainsi qu’à Saint Denis, le quartier de La Montagne est l’un des plus cotés.
 



Le problème des embouteillages et « bouchons » à toute heure de la journée s’accentue d’année en année du fait que le réseau routier progresse nettement moins vite que le parc automobile. Un réseau routier qui se heure au relief montagneux de La Réunion et contraint à de gros investissements sur le littoral pour la fameuse « nouvelle route du littoral », toujours pas achevée et dont le budget, au final, devrait dépasser les deux milliards d’euros. Et sans pour autant mettre fin aux embouteillages. Sa principale raison d’être est sécuritaire en mettant les automobilistes à l’abri des éboulis qui menacent régulièrement la route actuelle à flanc de montagne et obligent, lors de fortes pluies, à des fermetures ou des basculements sur deux voies au lieu de quatre. 

 

Dans le quartier résidentiel de Moulin Joli (commune de La Possession), la résidence Quadran de la Sedre a proposé à la vente 22 appartements neufs de standing, du T2 au T4.
Dans le quartier résidentiel de Moulin Joli (commune de La Possession), la résidence Quadran de la Sedre a proposé à la vente 22 appartements neufs de standing, du T2 au T4.  ©Droits réservés
 


L’aménagement du territoire est déterminant 

Dans ce contexte, les aménagements routiers ont et auront une incidence directe sur les prix de l’immobilier. On a pu le constater avec la route des Tamarins, qui passe par les hauts de l’ouest. Une commune rurale, comme celle des Avirons, affiche désormais un prix de vente moyen de 295 000 euros pour une maison ancienne, proche de celui de la commune de Saint-Paul. 
Sur les dix prochaines années, il faudra surveiller l’impact du vieillissement de la population qui entraînera une augmentation du nombre de retraités. Ces derniers seront tentés de choisir le sud de l’île et sa qualité de vie pour y résider alors qu’ils avaient opté pour le nord pour des raisons professionnelles. L’Ouest devrait en profiter également, à condition d’avoir des offres de prix « raisonnables ». Ce phénomène de migration pourrait faire grimper les prix dans le sud en accentuant la demande, alors que l’augmentation des offres dans le nord pourrait à l’inverse faire baisser les prix. 
 

L’éco-quartier de La Possession Coeur de ville propose des jardins partagés. Une autre façon de concevoir l’habitat collectif.
L’éco-quartier de La Possession Coeur de ville propose des jardins partagés. Une autre façon de concevoir l’habitat collectif.   ©Droits réservés
 



Sur un petit territoire comme La Réunion, les évolutions de la démographie et des modes de vie ont des conséquences rapides et importantes sur le marché de l’immobilier. Une chose est sûre, au vu de la rareté et de la cherté du foncier, le logement collectif va se développer, mais avec des habitations plus confortables et dans le cadre d’un urbanisme mieux pensé. À ce sujet, le projet d’éco-quartier de La Possession et ses « jardins partagés » est un modèle à suivre. Et il faudra répondre aux besoins en logements intermédiaires pour les jeunes couples des classes moyennes. Les promoteurs immobiliers ont du pain sur la planche et doivent se repenser en intégrant dans leurs projets le bâti tropical, domaine dans lequel La Réunion est en pointe (voir par ailleurs notre article sur le sujet). Ils doivent aussi s’impliquer dans l’urbanisme, en particulier dans le cadre d’un éco-quartier ou d’une smart-city. La question de la transition électrique est un sujet qui les concerne directement, comme nous avons pu le voir dans un précédent dossier de L’Éco austral qui s’intéressait aux bus, vélos, trottinettes, téléphériques et voitures électriques en libre-service. La meilleure solution pour s’attaquer aux engorgements routiers est de rapprocher les lieux de travail des lieux de vie et de loisirs ou l’inverse. Des zones d’activité, éloignées des zones d’habitation, ne répondent plus aux besoins actuels. Mais tout cela dépend de la gestion du foncier, bien évidemment. À ce propos, un partenariat étroit entre les collectivités, les décideurs politiques et les promoteurs privés s’avère primordial.

 

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