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Réunion

Les petites cylindrées tiennent la route

L’essentiel du marché automobile réunionnais concerne, et de plus en plus, des voitures de faibles cylindrées mais le marché des fortes cylindrées n’a pas disparu pour autant. Il se maintient, voire progresse légèrement. C’est le marché des moyennes cylindrées qui dévisse.

Pour la seule année 2018, les Douanes réunionnaises ont vu passer pour 467 millions d’euros de voitures neuves, soit le double de 2014. Cette belle progression est le résultat de deux facteurs. D’un côté, les immatriculations de voitures particulières (VP) ont progressé en volume de 27 %, passant de 20 605 unités en 2014 à 26 174 unités en 2018. C’est beaucoup plus que l’évolution démographique. D’un autre côté, selon les statistiques douanières, la valeur moyenne des voitures neuves débarquées au port de la pointe des Galets a progressé sur la même période de 18,6 %, passant de 15 045 euros à 17 842 euros. Il s’agit bien là de la valeur douanière, c’est à dire du prix CAF (Coût Assurance Fret). Il faut y ajouter entre 13 % et 36,5 % d’octroi de mer selon la cylindrée, 8,5 % de TVA, la carte grise et quelques frais de mise à la route, sans oublier la marge commerciale du concessionnaire. Cette dernière donnée est ultra-sensible et il est très difficile d’avoir des chiffres… mais pas impossible ! Selon le cabinet Élan OI, retenu par l’Observatoire des prix des marges et des revenus de la Réunion (OPMR), pour réaliser justement une étude sur le sujet, la marge des concessionnaires réunionnais oscille entre 5 % et 27 %, avec une moyenne de 12 %.

Concessionnaires et importateurs

L’étude note que cette marge est supérieure à celle constatée en Métropole. L’explication est simple : notre réseau d’approvisionnement est totalement différent ! Nous sommes à 10 000 km des usines européennes, avec un support des constructeurs qui n’est pas du tout le même. Par exemple, en Métropole, quand une pièce détachée n’est pas en stock, le concessionnaire peut se la faire livrer en quelques heures. 
À La Réunion, même par avion, le délai de livraison se mesure en jours, cela oblige les concessionnaires à avoir un stock de pièces détachées plus important, ce qui a un coût. Idem pour les voitures neuves : si le concessionnaire n’a pas la couleur souhaitée par le client, en Métropole, un coup de fil aux autres concessionnaires de la région permet souvent de la trouver dans la journée et la livrer deux ou trois jours après. À La Réunion, les voitures arrivent par bateau rouliers couramment appelés « ro-ro » (roll on-roll off), au rythme de deux ou trois escales par mois et 1 000 voitures par voyage. Et la logistique est plus compliquée : les concessionnaires réunionnais sont souvent importateurs, ce qui veut dire qu’ils commandent les voitures directement auprès de l’usine. Une voiture peut ainsi mettre entre deux et six mois pour être assemblée et livrée. Le faible volume du marché réunionnais ne permet pas non plus de négocier les meilleurs tarifs auprès des constructeurs. 
Les concessionnaires locaux doivent néanmoins disposer d’un stock de voitures neuves plus important que leurs homologues métropolitains et certains louent pour cela d’immenses terrains au Port. Cela représente un très gros investissement et comporte toujours une part de risque commercial. On n’est jamais sûr que les voitures commandées à l’avance vont correspondre aux goûts du client : que faire si on a commandé des diesel alors que les clients veulent de l’essence ? 

15 marques en tête
 

Taux exorbitant

Autre paramètre à prendre en compte : le support du constructeur dont bénéficie le concessionnaire métropolitain est parfois carrément contre-productif à La Réunion. Par exemple, quand la marque X ou Y lance une campagne de publicité nationale pour un nouveau modèle et indique le prix du véhicule, c’est évidemment le prix Métropole. Quand le client arrive en concession à La Réunion après avoir vu la publicité nationale à la télé, il est déçu, voire en colère, car le prix Réunion n’est pas le prix qu’il a vu à la télé. Les concessionnaires doivent donc corriger le tir et lancer, à leur frais, des campagnes de communication adaptées au marché local.
D’autres paramètres font que vendre des voitures neuves est plus difficile à La Réunion. François Caillé indiquait il y a peu, lors d’une conférence de presse, que sur l’exemplaire de Porsche GT2RS qui était dans le show-room de Sainte-Clotilde, l’octroi de mer seul s’élevait à 100 000 euros et qu’il allait gagner vraiment très peu d’argent sur cette voiture, car il était obligé de réduire sa marge pour espérer la vendre : « C’est plus une opération d’image ». Ce phénomène est loin d’être un cas isolé, tous les concessionnaires à La Réunion réduisent leur taux de marge sur les fortes cylindrées, à cause du taux exorbitant d’octroi de mer (36,5 %), et, parce qu’il faut bien vivre, ils sont obligés de reporter leur marge sur les petites cylindrées. 
C’est confirmé par l’étude du cabinet Élan : la marge des concessionnaires réunionnais oscille entre 23 % et 27 % sur les petites voitures essence (moins de 1 000 cc), contre 12 à 15 % sur les petites diesel (moins de 1 500 cc) et seulement 5 % sur les plus fortes cylindrées ! 
Mais malgré cet effort des concessionnaires sur les grosses cylindrées, celles-ci se vendent de plus en plus difficilement à La Réunion, avec comme conséquence inattendue que les recettes d’octroi de mer augmentent d’année en année (+ 8,7 % en cinq ans), mais moins que le marché (+ 42 % en cinq ans), car les automobilistes privilégient de plus en plus les petites cylindrées, plus abordables. Par contre, les recettes de TVA suivent exactement le marché, puisque le taux est de 8,5 % quelle que soit la cylindrée (+ 42 % en 5 ans).

Le marché des voitures neuves
 

Ferrari et Clio

Le marché automobile est le reflet de ce qui se passe dans la société (française et réunionnaise) : les classes supérieures voient leur fortune augmenter, les classes moyennes s’appauvrissent et rejoignent les classes les plus modestes. Cela explique, en partie, pourquoi on croise toujours sur les routes réunionnaises des Ferrari, Porsche, Lamborghini et autres Mercedes, alors que 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. 
En partie seulement, parce que la principale explication à la bonne santé du marché automobile à la Réunion reste la passion des Réunionnais pour l’automobile sous toutes ses formes, depuis le tuning jusqu’aux courses de voitures, et notamment le Tour Auto. Si on étudie le marché automobile de La Réunion en ne prenant en compte que les VP (voitures particulières), Peugeot est devant Renault, même si c’est d’une courte tête : 4 835 unités contre 4 655, soit 180  unités d’écart.

Crossovers et autres SUV

Une tendance forte apparaît à la lecture des chiffres : sur le marché des VP : le segment B (Peugeot 208, Renault Clio, etc.) reste le plus important en volume mais il ne progresse que de 0,28 %, soit beaucoup moins que le marché VP, qui est à + 3,43 %. La progression se concentre sur le segment J, celui des petits crossovers, où tous les constructeurs sont maintenant présents, avec une vingtaine de modèles proposés : Renault Captur, Peugeot 2008, Seat Arona, Ford Écosport, Volkswagen T-Roc, Kia Stonic, Opel Crossland, Fiat 500X, etc. Ce segment J représente 5 453 unités et enregistre une progression de 32 % ! 
Ce sont toujours les Renault Captur et Peugeot 2008 qui dominent le segment J, mais on note la très belle performance de deux outsiders : le Citroën C3 Aircross et le Hyundai Kona. À eux deux, ces modèles représentent 74 % de la progression sur un an du segment J à La Réunion.
Le segment J a progressé de 1 321 unités sur un an, à comparer avec une progression globale de 868 VP : les autres segments ont donc globalement perdu des points. La tendance que l’on observe chez les marques généralistes se retrouve chez les marques premium et la deuxième plus forte progression du marché VP est celle des petits SUV premium : BMW X1, X2 et X3, Mercedes GLA et GLC, Audi Q5 et autres Porsche Macan. Ce segment J premium enregistre une progression de 24,42 %, essentiellement grâce là aussi à deux modèles qui sortent du lot : le BMW X2 et le Jaguar e-Pace.
On savait que les automobilistes délaissaient depuis quelque temps les berlines classiques au profit des crossovers et autres SUV, jugés plus sexy. Cette tendance se confirme, et on peut même prédire que la tendance va se renforcer dans les années à venir avec le développement de l’électrique. En effet, la carrosserie surélevée des crossovers se prête parfaitement à la motorisation électrique, car elle permet de placer le pack de batteries sous le véhicule, pour abaisser le centre de gravité et le placer au centre du quadrilatère formé par les quatre roues, avec comme résultat un bon comportement routier de ces voitures électriques qui sont plus lourdes que leurs équivalents en thermique.

Carburant vendu à la pompe
 

Un des summums en motorisation diesel disponible à La Réunion. Sous le capot de cette BMW 840d, on trouve un 6 cylindres en ligne de 2993cc développant 320ch (235 kW) et 680 Nm de couple.
Un des summums en motorisation diesel disponible à La Réunion. Sous le capot de cette BMW 840d, on trouve un 6 cylindres en ligne de 2993cc développant 320ch (235 kW) et 680 Nm de couple.  

Le diesel loin devant

On pensait que le « dieselgate », le scandale de la triche aux émissions de C02 qui a frappé le groupe Volkswagen (VW, Audi, Seat, Porsche, Skoda) et d’autres constructeurs européens fin 2015, avait signé l’arrêt de mort du diesel, d’autant que ce carburant est accusé par l’OMS (Organisation mondiale de la santé) d’être cancérigène. Apparemment, son agonie est beaucoup plus longue que prévue. Selon les chiffres du BER (Bilan énergétique de La Réunion), transformés par nos soins de tonnes en litres, nous avons importé l’an dernier 476 471 000 litres de diesel contre seulement 134 667 000 litres de SP95, soit presque quatre litres de diesel pour un litre de SP95. Mais il suffit qu’un navire débarque sa cargaison début janvier au lieu de fin décembre pour que cela fasse fortement fluctuer les données annuelles. Nous avons donc observé les chiffres sur une plus longue période, en remontant jusqu’à l’année 2000. 
Le constat est sans appel : le pourcentage de diesel était de 58 % en 2000 et, en raison d’une fiscalité très favorable, il a progressivement augmenté jusqu’en 2015 où il a culminé à 79 %. À partir de cette date, qui correspond au « dieselgate », le chiffre a effectivement baissé, mais très peu et trois ans après le scandale, le pourcentage de diesel est encore de 78 %. L’explication est simple : même si les concessionnaires vendent aujourd’hui plus de voitures essence que de diesel, il faut une dizaine d’année pour remplacer complètement un parc automobile. Sans oublier que les camions les bus, etc. rouleront encore longtemps au diesel.

Les 10 best-sellers de 2018

35 cartes pour 6 joueurs
 

La nouvelle C3  constitue une alternative intéressante aux deux leaders du marché que sont la Renault Clio et la Peugeot 208.
La nouvelle C3  constitue une alternative intéressante aux deux leaders du marché que sont la Renault Clio et la Peugeot 208.  

Nouveau record des ventes
Aux 26 174 voitures particulières (VP) commercialisées en 2018 à La Réunion, il faut ajouter 6 172 véhicules utilitaires légers (VUL). On obtient ainsi un marché global VP + VUL qui s’élève à 32 346 unités, un nouveau record !
Sur le marché global VP + VUL, les deux leaders historiques, Renault et Peugeot, progressent (respectivement de 3,22 % et 2,71 %), mais leur progression est inférieure au marché global qui est à +4,24 %. Juste derrière les deux leaders, quasiment toutes les autres marques progressent plus que le marché et certaines font même des étincelles, notamment Citroën et Toyota, avec respectivement +12,17 % et +14,84 %, soit trois fois mieux que le marché ! En unités vendues, c’est d’ailleurs Citroën qui fait la plus belle progression de l’année : + 307 véhicules neufs !
En revanche, 2018 n’a pas été une bonne année pour Nissan et Opel, en net recul, de respectivement 12,17 % et 16,75 %, après une année 2017 déjà difficile. Nous ne ferons pas de commentaires concernant les marques qui font moins de 500 unités par an car à ce niveau, les chiffres sont délicats à interpréter.

 

Pourquoi les prix grimpent
Le prix moyen des voitures neuves à La Réunion a augmenté de 18,6 % en cinq ans. Cela se justifie apparemment par un équipement de plus en plus important. Au fil des années, on voit les équipements de confort jusque-là réservés aux voitures haut de gamme se généraliser sur le reste de la gamme. Plus question en 2019 d’espérer vendre une voiture sans clim, sans jantes alliage, sans Bluetooth, sans radar de recul, sans vitres teintées, sans ouverture à distance, etc. Les prix grimpent également à cause de la réglementation européenne de plus en plus sévère sur les normes antipollution, ce qui oblige les constructeurs à développer de nouvelles technologies (stop & start, récupération de l’énergie au freinage, coupure de cylindres, gestion électronique sophistiquée, matériaux plus légers, etc.) qui coûtent cher. L’augmentation du prix des voitures est également conforme à une politique des pouvoirs publics qui consiste à restreindre l’accès à la voiture, pour limiter le nombre de véhicules sur les routes, favoriser les transports en commun et ainsi lutter contre les embouteillages.
Les utilitaires tractent le marché du neuf
Si le marché des voitures particulières (VP) progresse de 3,43 %, le marché des véhicules utilitaires légers (VUL de moins de 3,5 tonnes) fait encore mieux avec +7,85 %. Il s’est vendu à La Réunion l’an dernier 6 172 VUL. Si les professionnels achètent des véhicules utilitaires, c’est parce que leur activité repart, que leur carnet de commandes se remplit. C’est encourageant car l’activité des professionnels aujourd’hui sera la consommation des ménages demain, dans laquelle il y a la vente de VP !
Renault et Peugeot ont « cartonné » au niveau des VUL en 2018, avec des progressions de 12,11 % et 19,88 %. La marque au losange a fait 471 VUL de mieux que la marque au lion (1 629 contre 1 158), alors que sur les VP, Peugeot reste devant, même si c’est d’une courte tête (180 unités d’avance).
Que le marché 2018 ait été porté par les VUL est particulière-ment flagrant sur le segment des citadines genre Renault Clio, Peugeot 208 ou Ford Fiesta : ce segment ne bouge pas en ce qui concerne les VP (1 546 unités contre 1544, soit deux exemplaires de plus) mais il progresse en revanche au niveau des VUL : 848 unités supplémentaires, soit +10,85 %.  Le marché VUL a égale-ment été perturbé, en bien, par une très forte progression des ventes sur le segment des pick-ups (+29,93 %). Il faut y voir la conséquence de la suppression annoncée de la TVA NPR (non perçue récupérable), qui devait intervenir au 1er janvier 2019 mais qui a été reportée au 1er juillet 2019.