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Réunion

Les agriculteurs réunionnais victimes vulnérables du cyclone

Les maraîchers, fruitiers et éleveurs de volaille, qui ont subi des pertes colossales avec le passage de Bejisa, attendent avec impatience les aides de l'Etat, seul recours en l'absence d'assurance.

« Dans la filière horticulture, il y a 100% de pertes, la zone du Tampon (sud de la Réunion), principale productrice de fleurs coupées, est la plus touchée. Dans le maraîchage, cela atteint 90% et toute l'île est touchée, et 80% pour les arbres fruitiers de toute La Réunion ». Bernard Gonthier, président de la Chambre d'agriculture, détaille l'ampleur des dégâts.
"La volaille a connu aussi une forte mortalité", souligne-t-on au ministère des Outre-mer. Les poulets sont élevés dans des bâtiments ventilés, qui ont pâti des coupures d'électricité. 
"On était en pleine production, il n'y a quasiment plus rien, tout est anéanti", compatit Xavier Beulin, président de la FNSEA, le principal syndicat des agriculteurs en France, qui s'est rendu sur l'île.
 

DES PERTES ESTIMÉES À 55 MILLIONS D'EUROS

 
Selon une première estimation de la chambre consulaire locale, les pertes s'élèveraient à 55 millions d'euros. Le ministère, lui, attendait les évaluations des experts de la DAAF (Direction de l'agriculture). Le gouvernement a d'ores et déjà promis de faire diligence pour les procédures d'indemnisation, à commencer par l'arrêté de catastrophe naturelle. Jean-Jacques Vlody, député PS du Tampon, le "potager de La Réunion", appelle le gouvernement "à faire un effort pour être dans les délais minimum". "C'est la troisième année consécutive avec des cyclones et des sécheresses, les petites exploitations n'ont plus de trésorerie disponible pour repartir", s'inquiète-t-il. Il se fait aussi l'écho du "scepticisme" des agriculteurs après "les délais trop longs d'indemnisation du cyclone Dumile de janvier 2013 – 90 dossiers sont toujours en attente – et de la sécheresse de 2012". "Il faut mieux expliquer les procédures et en simplifier certaines", plaide le député qui relève des "absurdités administratives".
 

DE GRANDS DIFFICULTÉS À S'ASSURER

 
Au ministère, on assure "réfléchir pour voir où gagner en délai", tout en soulignant la nécessité d'une instruction des dossiers éligibles au Fonds de secours, qui doit passer par trois étapes. Ce Fonds doit aussi être abondé par Bercy, en fonction des besoins, ce qui occasionne parfois des délais supplémentaires. Les agriculteurs sont invités aussi à saisir le Fonds de garantie agriculture pêche (FOGAP), amélioré cet été et qui permet désormais de garantir jusqu'à 80% d'un prêt bancaire. Après le cyclone Dina (2002), 36,3 millions d'euros avaient été versés, 21,4 millions d'euros après Gamède (2007) et 4,3 millions d'euros après Dumile (2013). 
Cet énième épisode météorologique met en exergue les difficultés récurrentes des agriculteurs à s'assurer contre les caprices de la météo. Et si c'est le cas dans l'Hexagone, la tendance est renforcée outre-mer. "On estime qu'à La Réunion, à peine 20% des agriculteurs sont assurés", avance Bernard Gonthier. Les raisons en sont simples : "On estime que les assurances réclament de 2 à 5 centimes par kilo de production assurée. Très peu d'agriculteurs peuvent se le permettre", affirme le président de la Chambre d'agriculture.
C'est le cas de Patrick Serveaux, arboriculteur à La Possession, qui a perdu toute sa production de mangues, soit 80 tonnes. "Je ne suis pas assuré parce que cela est beaucoup trop cher et que nous faisons tout pour maîtriser les coûts de production", explique-t-il. Et même si un agriculteur a les moyens de s'assurer, "il n'est pas sûr de trouver une compagnie d'assurance, La Réunion est une zone à risques et une petite île où tout le territoire est touché en cas de catastrophe", poursuit Bernard Gonthier. Le directeur commercial de la Prudence créole (groupe Generali) le reconnaît : il assure les risques où existent "des statistiques fiables" comme l'incendie de champs de canne à sucre ou la mortalité du bétail. Quant au maraîchage et à l'horticulture, "en toute franchise, c'est une problématique que nous n'avons pas abordée, nous ne savons pas par quel bout la prendre". 
Reste donc la solidarité nationale, et sous condition.
"Pour obtenir quelque chose, il faut avoir perdu 25% de son chiffre d'affaires et on est indemnisé à hauteur de 35%", rappelle Bernard Gonthier.

Par Sophie Lautier et Mahdia Benhamla