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Époux étrangers de Mauriciens : une loi qui fait parler d’elle

Il y a quelques semaines, le gouvernement mauricien a émis de nouveaux règlements concernant les étrangers mariés à des Mauricien(ne)s et ceux ayant le statut de résident. Textes hâtifs pour certains, anticonstitutionnels pour d’autres, la polémique fait rage. Cas d’espèce.

Tout commence le 21 mars 2019, avec la promulgation par Soodesh Callichurn, ministre du Travail, de changements à la loi régissant l'emploi des étrangers à Maurice Non Citizens Employment  Restriction  Act. La nouvelle réglementation, qui n’a pas été présentée au Parlement, spécifie que les époux étrangers de Mauriciens doivent désormais obtenir un permis de travail pour exercer une activité. Cela dans le but de lutter contre les mariages blancs, soutiendra le ministre. 
Le 16 avril est voté au Parlement un texte amendant l’Imigration Act. Sa présentation  est faite sous un State of Urgency (état d’urgence), ce qui signifie qu’il n’y a eu ni première ni seconde lecture. L’amendement donne le pouvoir au Premier ministre de refuser l’accès au territoire à toute personne identifiée comme « indésirable » sur la base d’« informations et avis fiables ». Les époux de Mauriciens peuvent désormais, eux aussi, être considérés comme « indésirables » et être « déportés » – selon la terminologie mauricienne en vigueur – sur ordre du Premier ministre. La loi est votée au petit matin, non sans débats houleux de l’opposition qui dénonce un « abus de pouvoir ».
Le 17 avril, le gouvernement émet une notice qui précise que les époux étrangers de Mauriciens ne sont pas concernés par la nouvelle loi sur le permis de travail. Toute cette précipitation et ces atermoiements ont jeté le doute sur les intentions réelles du gouvernement mauricien. Il se murmure que certains jockeys étrangers mariés à des Mauriciennes seraient à l’origine de ce branle-bas de combat, mais rien ne le confirme jusqu’à présent… 

Vitesse et précipitation

« Le danger de ce genre d’amendements réalisés à toute vitesse est qu’ils ébranlent la confiance des étrangers et des investisseurs envers l’île Maurice. À L’étranger on peut se dire : aujourd’hui on attaque les conjoints, et demain les investisseurs ? », déplore Marc Hein, Senior Councel et directeur de Jurisconsult Chambers. « C’est un problème humain qui aura aussi de graves conséquences légales, accompagnées de complications bureaucratiques et administratives, car le ministère du Travail va être inondé de demandes de permis, ainsi que l’Economic Development Board (EDB). » 
Réagissant sur le pouvoir dis-crétionnaire donné au Premier ministre de refuser l’accès au pays à certaines personnes, Bur-ty Francois, avocat et membre du cabinet Jurisconsult, s’interroge : « Qu’est-ce qu’on considère comme une information ‘fiable’ , une source ‘fiable’ ?  Il y a un flou ici, qui permet au Premier ministre d’agir à discrétion. On peut aussi se demander si la personne concernée aura l'opportunité de se défendre contre ces informations et contre l’informateur. Rien n’a été prévu. On aurait souhaité que de tels amendements puissent faire l’objet de plus longs débats et de consultations. »  Pour autant, concernant le caractère constitutionnel ou pas de telles mesures – question largement débattue actuellement dans le milieu juridique -, il admet « qu’un État conserve sa souveraineté, son pouvoir d’admettre ou pas des étrangers.»
« À mon avis, il n’est pas certain que ces lois soient déclarées anticonstitutionnelles. » Et de regretter qu’ « avec le nouveau règlement sur le permis de travail, quelqu’un qui aura un contrat à durée indéterminée aura maintenant un contrat à durée déterminée de trois ans. Dans trois ans, le problème se posera à nouveau.  On ajoute une épée de Damoclès insupportable et inutile sur la tête des étrangers mariés à des Mauriciens. »