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Maurice/Madagascar

FoodWise transforme le gaspillage alimentaire en 700 000 repas ces 18 derniers mois

La crise liée au Covid 19 aura au moins eu le mérite de nous inciter à réfléchir sur notre façon de consommer. Quelles alternatives à cette croissance effrénée et suicidaire qui se traduit souvent en gaspillages énergétiques et alimentaires alors que beaucoup ne mangent pas à leur faim ? FoodWise n’a pas attendu cette crise mondiale et propose des solutions depuis novembre 2018.
Rencontre avec Rebecca Espitalier-Noël, cofondatrice et Managing Director de cette entreprise sociale.

L'Eco austral : Quelle est la genèse de projet, depuis quand existe FoodWise et avec qui l'avez vous fondée ?

Rebecca Espitalier-Noël : FoodWise est une entreprise sociale créée en novembre 2018 afin de lutter contre le gaspillage et l'insécurité alimentaire à Maurice. Nous étions 7 personnes à s’être alliées afin de mettre sur pied ce projet : Julia Venn, Béatrice Espitalier-Noël, Sarah Paturau, Ingrid de Labauve d’Arifat, Mathieu Appassamy, Charles Doger de Speville et moi-même. Aujourd’hui cinq de ces co-fondateurs sont aussi directeurs. Nous employons aussi trois personnes à temps plein et sommes aidés par une trentaine de bénévoles.
Le statut précis de FoodWise est celui de Company Limited by garanty. Il s'agit d'un statut de compagnie privée mais dont les membres ne sont pas des associés au sens classique du terme, car ils ne peuvent pas percevoir de dividendes. Tous les revenus de l'activité sont en effet investis dans l'entreprise. Ce statut est comparable à celui d'une ONG car nous sommes habilités à recevoir des subventions. Cependant nous essayons de développer de vraies activités génératrices de revenus.
 
Food Wise est une entreprise sociale, mais comme toute entreprise elle doit vivre et faire vivre ses employés, quel est son Business Model ? Comment ça fonctionne ?

L’année 2019 était notre première année d’opération où nous avons testé le modèle de redistribution alimentaire et analysé les possibles opportunités pour un business model durable. En cette année 2020, nous étions prêts à lancer trois activités génératrices de revenus.
La première initiative est un bar à jus nommé « Rejuice ». Ce concept innovant consiste à recycler les fruits et légumes en surplus ou qui ne correspondent pas aux normes esthétiques afin de les transformer en jus frais. Ce projet « zéro déchet » a été testé lors de plusieurs événements ainsi qu’au Bagatelle Mall l’année dernière. Fort des retours positifs et de son succès, nous avons prévu d'ouvrir officiellement notre premier bar à jus au Bagatelle Mall vers la fin de cette année. La crise du coronavirus nous a obligé à différer cette ouverture. Le bar sera sur un emplacement près du food court proposé à loyer réduit car le groupe ENL qui gère ce centre est très impliqué dans le gaspillage alimentaire. Ce bar va fonctionner grâce à des achats de légumes et fruits au tiers du prix car ils sortiront des circuit suivant leur date limite de distribution.

 
Si la crise du COVID 19 a eu un impact positif, c’est bien celui de la prise de conscience

 
La crise que nous sommes encore en train de subir a-t-elle modifié ce modèle ?

On peut dire qu'elle l'a boosté car du côté de la demande des pans entiers de la population sont devenus encore plus vulnérables et du côté de l'offre, le pays s'est retrouvé avec des surplus à distribuer d'urgence. Donc, nous n'avons pas chômé de notre côté et nous avons intégré une cinquantaine de nouveaux donateurs dans notre process. Aujourd'hui ils sont plus de 80 à redistribuer leurs surplus et invendus alimentaires à une centaine d'ONG venant en aide à des personnes vulnérables comme des enfants ou des personnes âgées en situation de précarité ou encore des femmes battues….
Aujourd’hui, FoodWise pousse ce service plus loin avec le groupe hôtelier VLH. En plus de la redistribution des surplus, les employés et les clients des hôtels seront sensibilisés, à travers plusieurs moyens, aux problèmes du gaspillage et de l’insécurité alimentaire. Les hôtels du groupe VLH proposeront à leurs clients de contribuer 100 roupies (TVA incluse, 2,5 euros) par personne et par séjour à cette lutte. Si les clients peuvent choisir de ne pas y contribuer, ils peuvent également donner plus que cette somme. 100 % des donations seront reversées à FoodWise. Malheureusement, ce projet qui devait démarrer le 1er avril 2020, sera repoussé quand les hôtels rouvriront.
La dernière initiative consiste en une plateforme digitale et une application mobile qui vont permettre de connecter en temps réel l’offre et la demande.
FoodWise Connect, c'est son nom, va permettre d'optimiser les relations entre les donateurs et les ONG. Si le service proposé par FoodWise comprend aujourd’hui la prise en charge opérationnelle et logistique de redistribution des surplus, la sensibilisation et formation des employés des entreprises donatrices pour un don de qualité, la sécurité légale grâce à la signature de documents légaux par tous les acteurs, la sécurité sanitaire grâce à un guide de bonne pratique d’hygiène pour l’association ou encore la communication de leur impact au grand public, ces outils technologiques amèneront plus d’efficience et de traçabilité dans le processus de donation. Les solutions de transport de ces surplus par exemple seront facilitées (transports assurés par les distributeurs ou les bénévoles NDLR). Un frais de service mensuel sera proposé aux entreprises en échange de notre solution clef en main, afin de permettre à FoodWise de grandir tout en poursuivant une mission environnementale et sociale.
 
Ne craignez-vous pas, avec la baisse d'activité du secteur tourisme liée à la crise sanitaire, de perdre une grande partie de vos ressources ?

Non, les hôtels mauriciens sont certainement parmi les entreprises les plus conscientes au niveau environnemental et mènent déjà beaucoup d’actions pour réduire le gaspillage à la base. Cela fait qu’en 2019, seuls 8 % des surplus alimentaires reçus par FoodWise venait des hôtels. Cela étant dit, ils ont quand même permis de distribuer plus de 20 000 repas à des enfants défavorisés en 2019 ce qui est non négligeable.
Si la crise du COVID 19 a eu un impact positif, c’est bien celui de la prise de conscience qu’il n’est plus concevable en 2020 de jeter de la nourriture encore bonne. La nourriture que les hôtels ne pourront pas donner pour cause de fermeture durant les prochains mois, sera subsidiée par les invendus des nouveaux partenaires qui sont des distributeurs, supermarchés, producteurs ou restaurants. Nous appelons toutes les entreprises mauriciennes dans le secteur d’agro-alimentaire à passer à travers FoodWise pour redistribuer leurs invendus. Dix kilos permettent de nourrir plus de 30 enfants sur la base d'un repas de 250 grammes. Ce qui fait qu'avec en moyenne 6 000 repas chaque jour, nous avons servi près de 700 000 repas depuis novembre 2018.
 
 

FoodWise à Madagascar
L'idée de FoodWise est arrivée à Maurice en 2015 avec une Allemande nommée Julia Venn. Elle a développé cette entreprise sociale avec les sept co-fondateurs actuels avant de s'envoler pour raisons professionnelles à Madagascar où elle y a développé FoodWise Madagascar. julia travaille actuellement à une implantation de FoodWise sur le continent africain, en commençant par la Côte d'Ivoire.