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Le marché de l’immobilier d’entreprise se trouve à un tournant

La demande est forte et en pleine mutation tandis que l’offre se structure et gagne en qualité. Reste à résoudre la problématique du manque de foncier disponible qui fait inévitablement monter les prix.

« L’année 2018 démarre sur les chapeaux de roues et d’importants mouvements sont d’ores et déjà enregistrés sur notre territoire ». C’est ainsi qu’Inovista Consulting & Research conclut son document Bilan 2017 et perspectives 2018 sur l’immobilier d’entreprise à La Réunion. Fruit du travail de la filiale d’Inovista chargée d’étudier le marché immobilier professionnel local, le document va même plus loin : « De grandes opérations devraient être commercialisées cette année proposant aux entreprises des locaux adaptés et apportant au territoire un nouvel élan économique. Toutefois, face à une offre disponible toujours plus faible, la demande ne sera toujours pas absorbée dans son ensemble ». Un parfait résumé du dynamisme pondéré qui caractérise le marché de l’immobilier d’entreprise à La Réunion.
Le principal facteur limitant reste l’absence de foncier disponible. Et c’est le segment des locaux d’activité et des entrepôts qui en est la première victime. Les disponibilités ne cessent de chuter, passant de 72 500 m² vacants en 2015 à 20 500 m² en 2017 et se traduisant par un taux de vacance très faible, de l’ordre de 2 %. Le manque de foncier limite les possibilités d’opérations et peu de projets sont en cours, notamment dans l’Ouest et le Nord, deux zones déjà très tendues, ce qui ne laisse par préfigurer une embellie à court terme. Pour y faire face, les professionnels s’adaptent. Pour Alexandre Gury, responsable commercial immobilier professionnel chez CBo Territoria : « On remarque, depuis l’an passé, qu’ils semblent de plus en plus prudents, les déménagements engageant beaucoup de frais, et qu’ils souhaitent également optimiser les espaces occupés via la recherche de rationalisation ou le rapprochement de diverses branches d’une même structure ». Des nouveaux comportements que l’on retrouve notamment dans le secteur industriel, particulièrement impacté par le manque de locaux d’activité et d’entrepôts disponibles.
 

La Kanopée propose une « cité des affaires » avec 5 000 m2 de bureaux modulables, de salles de séminaire et de coworking dans l’hyper-centre de la future Smart City de La Possession.
La Kanopée propose une « cité des affaires » avec 5 000 m2 de bureaux modulables, de salles de séminaire et de coworking dans l’hyper-centre de la future Smart City de La Possession.   DR
 

Une grande demande d’enseignes qui souhaitent s’implanter à La Réunion

Pour sentir le frémissement du marché, il faut aller du côté des locaux commerciaux. Près de 22 000 m² de locaux commerciaux ont été placés sur le marché en 2017, avec une activité transactionnelle multipliée par deux par rapport à 2015. Cette activité est fortement axée sur les biens à la location qui représentent 64 % des demandes. Le Nord concentre le plus de demandes et les loyers les plus élevés, en moyenne 20 €/m². 
Pour Gérôme Hendricks, gérant de GEOD’im, « il y a une grande demande depuis un an ou deux d’enseignes commerciales de métropole qui souhaitent s’implanter à La Réunion. Des enseignes récentes et innovantes dans le secteur du textile, de la restauration ou de l’équi-pement. Elles cherchent des cellules dans les centres-commerciaux et des show-rooms en centre-ville ou bord de quatre voies ». À l’initiative de GEOD’im, les travaux du centre-commercial Carré Eden, à Saint-Denis, doivent débuter en juillet. « Nous en sommes à 60 % de pré-commercialisation avec un supermarché, une brasserie d’une enseigne de métropole, 1 500 m² de loisirs avec un nouveau concept, 25 boutiques dont des franchises de Métropole et cinq espaces de restauration. Le tout pour des loyers compris entre 30 et 50 €/m² », annonce Gérôme Hendricks. 
Un autre projet de cente commercial est en cours, dans le Sud celui-là et porté par CBo Territoria, associé à E.Leclerc : Les Terrasses, à Saint-Joseph. De son côté, Inovista lance la commercialisation des espaces commerciaux de la Kanopée, intégré au projet Cœur de Ville à La Possession, et comprenant 3 000 m² de commerces répartis en 32 cellules, pour un loyer moyen de 30 €/m², ainsi qu’une moyenne surface alimentaire de 2 500 m² (voir notre article dans ce même dossier).
Parallèlement à cette activité de commercialisation, et en plus de ses précieuses études sectorielles (voir encadré), Inovista développe aussi la gestion locative : « Depuis la loi Pinel et notamment des jurisprudences datant de 2016/2017, il devient compliqué pour un bailleur de gérer lui-même plusieurs locations, assure Vincent Le Baliner, gérant d’Inovista. C’est pourquoi nous connaissons un fort développement dans la gestion des baux commerciaux. Nous avons en gestion 70 000 m² de bâti et 350 locataires pour 10 millions d’euros de loyers générés par an. À l’avenir, nous allons développer la gestion des centre-commerciaux et la reprise du patrimoine ‘entreprise’ des bailleurs sociaux. »
 

La Semader, société d’économie mixte spécialisée dans l’aménagement et l’habitat, s’implique fortement dans l’immobilier d’entreprise avec sa filiale Acti’Sem.
La Semader, société d’économie mixte spécialisée dans l’aménagement et l’habitat, s’implique fortement dans l’immobilier d’entreprise avec sa filiale Acti’Sem.   DR
 

Les bureaux deviennent le type d’actifs le plus transacté à La Réunion 

C’est sur le segment des bureaux que s’expriment tout le dynamisme et le potentiel du marché immobilier professionnel à La Réunion. « Le succès des bureaux s’est confirmé en 2017, ils deviennent le type d’actifs le plus transacté à La Réunion en nombre, note Inovista Consulting & Research. (…) Le volume total des transactions a plus que doublé, avec 19 981 m² loués ou vendus contre 9 000 m² commercialisés en 2016 et 5 200 m² en 2015. Le marché poursuit son évolution avec un rythme encore plus soutenu que les trois années précédentes. » Les offres et les transactions de bureaux se localisent essentiellement sur le territoire de la Cinor (Communauté intercommunale du nord de La Réunion). 
Autre point important à retenir sur ce marché, une nette hausse des valeurs locatives et une baisse des valeurs vénales avec un taux de vacance moyen de l’ordre de 4 %. « Un chiffre très bas par rapport aux moyennes françaises qui avoisinent les 7 % en Île-de-France et les 5 % à l’échelle de grandes métropoles françaises », complète l’étude qui constate « une offre qui s’étoffe mais qui n’est pas adaptée aux besoins des entreprises ». En effet, les acteurs du marché se montrent unanimes : les demandes des entreprises ont changé. 
Pour Alexandre Gury de CBo Territoria : « Il s’est opéré un changement au niveau de la demande de bureaux avec des souhaits de plus petites surfaces (de 100 à 200 m²) que les années précédentes. On peut en induire une nouvelle tendance de mutation des modes de travail avec notamment une forte demande pour le coworking. » Un constat partagé par Joël Personné, directeur général de la Semader : « Le concept de village d’entreprise est adapté aux spécificités réunionnaises. Que ce soit dans le secteur artisanal ou le service, l’offre est de moins en moins immobilière et de plus en plus en servicielle. Les entreprises veulent se limiter à l’essentiel en privilégiant une mise en commun des lieux et des outils technologiques. »
Face à ces nouveaux besoins, les opérateurs s’adaptent. « Les clients ont de moins en moins de temps à accorder à leur recherche immobilière. Ils cherchent des solutions appropriées et sur-mesure entraînant une demande d’accompagnement dans leur prise à bail ou dans l’acquisition de leur bien immobilier. La solution du clés en main est devenue récurrente en 2017 », poursuit Alexandre Gury. 
 

Bureaux à Saint-Denis commercialisés par Inovista. Ce spécialiste de l’immobilier d’entreprise scrute de très près le marché avec sa filiale Inovista Consulting & Research.
Bureaux à Saint-Denis commercialisés par Inovista. Ce spécialiste de l’immobilier d’entreprise scrute de très près le marché avec sa filiale Inovista Consulting & Research.  DR
 

De nouveaux programmes qui devraient avoir une incidence sur le marché

En suivant cette logique, CBo Territoria développe notamment deux projets d’envergure avec la commercialisation d’un nouveau lotissement de 90 000 m² à La Convenance, à Sainte-Marie, et 20 000 m² de bureaux et d’atelier au Portail, à Saint-Leu. L’opérateur souhaite également développer son offre de coworking, Lizine, en doublant la surface du site de La Mare (auquel s’ajoute celui du quartier d’affaires de Savanna) et en ouvrant de nouveaux espaces. Également implanté au Portail, GEOD’im va lancer une seconde opération sur un terrain voisin tandis que la Semader lance la deuxième tranche de son pro-gramme Acti’Parc à l’Étang-Salé.
S’ils ne suffisent pas à couvrir l’ensemble des besoins, les projets existent. Mieux, ils gagnent en qualité. « Les projets sont rares mais montent en gamme et sont plus élaborés. La concurrence est active mais intéressante et tire le marché vers le haut », constate Gérôme Hendricks. Selon l’étude d’Inovista Consulting & Research, « ces nouveaux programmes, très qualitatifs et bien situés, devraient avoir une incidence sur les valeurs du marché qui devraient logiquement augmenter en 2018. En parallèle, les locaux les plus anciens devront revoir leurs tarifs à la baisse afin de rester compétitifs face à l’arrivée sur le marché de ces nouveaux produits » 
De bonnes nouvelles pour d’éventuels investisseurs. Et ce d’autant que le marché de l’immobilier d’entreprise reste particulièrement attractif puisqu’il voit ses rendements locatifs se maintenir entre 7 % et 9 %, contre 4 % dans l’habitat. Pour autant, selon Vincent Le Baliner, le marché se caractérise par « une absence d’investisseurs institutionnels, la propriété des actifs étant historiquement liée au commerce et à la distribution. C’est également un marché dominé par le poids du public et du para-public alors qu’aujourd’hui les acteurs privés sont prêts et commencent à prendre le relais, notamment en lançant des partenariats publics-privés ». 
Sa société, Inovista, travaille sur le projet Cœur de Ville avec la Semader, un acteur historique de l’immobilier d’entreprise via sa filiale Acti’Sem. « Notre rôle est d’accompagner les évolutions du marché et d’adapter nos offres, pas forcément d’anticiper. Les besoins existent et sont réels mais, devant le manque de visibilité à long terme, il faut rester très prudent et souple pour s’adapter aux mutations futures », conclut, sagement, Joël Personné.

INOVISTA CONSULTING & RESEARCH : UN OUTILS PRÉCIEUX POUR ÉTUDIER LE MARCHÉ
« La force publique ne le faisant pas, on a pris le relais ». Le constat de Vincent Le Baliner est sévère mais implacable. L’absence de données statistiques sur le marché immobilier d’entreprise à La Réunion était clairement un frein à son développement et sa profes-sionnalisation. Inovista a souhaité y remédier en créant, en 2016, Inovista Consulting & Research. « Notre département étude nous permet d’avoir une parfaite maîtrise des chiffres structurels et conjoncturels du marché ce qui représente une vraie plus-value, explique le gérant d’Inovista. Nous avons, en base, plus de 1 100 transactions recensées depuis 1986, 3 500 immeubles répertoriés et 38 000 sociétés suivies. Nous sommes capables de suivre l’évolution de la valeur locative et du volume de transactions. Toutes ces données nous permettent d’avoir une excellente connaissance du marché et des attentes de nos clients. »