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Océan Indien/Afrique

Manisha Dookhony veut booster le secteur privé

Forte de ses 20 ans d’expérience et de son expertise en stratégie économique, cette économiste mauricienne travaille avec des gouvernements sur le développement du climat des affaires et conseille également des investisseurs privés.

« Le fil conducteur de ma carrière a toujours été la volonté de voir prospérer le secteur privé dans un cadre favorable. Cela passe par l’accompagnement des différents agents du gouvernement et la recherche des meilleurs modèles. » Manisha Dookhony résume en quelques mots son engagement qui puise sa source dans de solides études et une expérience auprès de plusieurs gouvernements. Une fois ses études secondaires terminées, elle quitte l’île Maurice pour l’Inde afin d’y suivre un cursus de master en économie à l’Université de Delhi en 1996. Elle rentre cinq ans plus tard et intègre le ministère des Finances où elle travaille sur le commerce extérieur, les accords bilatéraux et internationaux. En 2006, l’économiste rejoint l’organisme de promotion des investissements (Board of Investment), puis l’agence de promotion de l’export (Enterprise Mauritius). Trois ans après, elle reprend ses études en suivant un master en administration publique auprès de l’université d’Harvard. « Le double master m’aide beaucoup à comprendre les politiques économiques des pays africains », précise-t-elle. De là commence alors son périple sur le continent africain, en parallèle avec un petit parcours aux États-Unis où elle a été conseillère en développement des petites et moyennes entreprises pour la Massachusetts State House. Manisha Dookhony enchaîne les missions de conseil et de consultance auprès des gouvernements du Burundi, du Rwanda, de l’Éthiopie, du Malawi, du Lesotho et auprès du secteur privé béninois. Actuellement, en tant que partenaire au sein de l’agence Rwenzori Consulting, elle apporte son appui à l’Economic Development Board of Madagascar (EDBM).

Terres de projets

Elle a beaucoup voyagé en Afrique et s’est prise de passion pour ce continent où elle a identifié un gros potentiel. Deux bonnes raisons de s’y intéresser professionnellement. Et même si l’on insiste sur la diversité de l’Afrique, allant jusqu’à parler d’Afriques au pluriel, Manisha Dookhony relève des similitudes entre de nombreux pays. Leur jeunesse d’abord et le fait qu’ils soient très portés vers l’avenir. « Ce que j’ai surtout observé, c’est leur optimisme, du fait qu’ils sont passés par des périodes de crises. »
Entre le Congo et le Rwanda et entre le Bénin et le Nigéria, par exemple, le « business foisonne » même s’il concerne un nombre considérable de petits commerçants informels et de transfrontaliers. C’est un bon indicateur du dynamisme actuel. Sans parler des projets innovants qui ne manquent pas. Mais il faut convaincre les investisseurs et les accompagner, ce que fait Rwenzori Consulting, en particulier en Afrique de l’Est, australe et centrale. 
Après avoir accompagné plutôt le secteur public, pendant une dizaine d’années, Manisha Dookhony intervient maintenant davantage dans le privé. « Auparavant, les gouvernements africains étaient beaucoup plus impliqués dans le monde des affaires et dans les investissements ; aujourd’hui, ils laissent la place au secteur privé qui veut investir et amener des idées nouvelles. » Basée à Paris, Rwenzori Consulting a ainsi délocalisé une partie de son effectif sur le continent pour avoir une meilleure approche du terrain. L’agence travaille beaucoup avec des acteurs locaux, avec d’autres agences, spécialisées notamment dans le droit, avec des fonds d’investissement et des fonds de garantie. Concrètement, elle apporte des soutiens stratégiques, des mises en œuvre opérationnelles et des liens pour les investisseurs et les développeurs de projets attrayants, bancables et durables. L’investissement doit en effet s’intégrer dans l’écosystème dans lequel il veut évoluer. En Ouganda, par exemple, Rwenzori Consulting a aidé la compagnie pétrolière Total à s’implanter et à intégrer la communauté locale autour de ses investissements. 
Le « Doing Business » : une bonne base de travail Beaucoup de projets mis en place ont pu générer d’autres partenariats connexes. Selon Manisha Dookhony, les perspectives se révèlent favorables puisque « la région est en train de se développer de façon extraordinaire ». Elle se dit impressionnée par l’avancée du Rwanda, un pays où elle est intervenue pour la préparation des nouvelles lois sur les investissements. L’histoire d’amour et de travail avec l’Afrique est loin d’être terminée. Bien au contraire ! Pour y favoriser le climat des affaires et pérenniser les investissements, la consultante conseille aux gouvernements de travailler sur la sécurité et d’instaurer des sys -tèmes de facilitation. Dans cette optique, le Doing Business de la Banque mondiale est un bon outil pour aider les pays africains en identifiant les points qu’il faut améliorer. 
Une grande importance doit aussi être accordée aux infrastructures, en particulier les voies de communication internes et externes afin de faciliter l’accès aux marchés nationaux et internationaux. Pour faire face au poids du secteur informel, l’économiste mauricienne préconise le regroupement des acteurs en coopératives et associations. Une démarche qu’elle qualifie de difficile, mais qui comporte des avantages comme l’autonomie financière à travers la micro-finance.

L’économie malgache peut rebondir
Depuis le mois de février 2018 et pour une mission de deux ans, Manisha Dookhony conseille l’Economic Development Board of Madagascar (EDBM) sur les stratégies à mettre en place pour le développement et la promotion de l’investissement dans la Grande Île. D’après un premier constat, elle a noté que Madagascar et ses produits, notamment agricoles, jouissent d’une très bonne réputation sur les marchés internationaux. Ce genre de reconnaissance devrait maintenant être mis en système d’« appellation d’origine contrôlée » pour protéger le nom Madagascar, selon l’experte. Cela devrait en effet amener beaucoup plus d’investisseurs et plus de produits dans la transformation. Par ailleurs, elle a également constaté que le pays possède de forts potentiels pour la manufacture textile, le tourisme et les TIC. Des secteurs qu’il faudrait diversifier suivant le concept de product space(*) afin de mieux rebondir et de penser sur le long terme. Suite à ses rencontres avec quelques investisseurs, la priorité pour l’île concerne les infrastructures. Routes et ports constituent l’un des plus gros soucis alors que ce sont des piliers pour développer l’économie. Pour y faire face, l’économiste mauricienne prône une politique volontariste s’appuyant sur des partenariats public-privé et sur la coopération bilatérale.

(*) Le product space ou « espace produit » est un réseau qui formalise l’idée de relation entre les produits commercialisés dans l’économie mondiale.