Chinatown au cœur de l’île Maurice
Un bel ouvrage qui retrace plus de deux siècles d’histoire de la communauté chinoise à travers son quartier emblématique de Port-Louis. Abondamment illustré par plus de 250 photos, des documents d’époque et les superbes aquarelles de Florent Beusse.
« L’Homme de l’avenir est celui qui aura la mémoire la plus longue. » Cette belle citation du philosophe et poète allemand Nietzsche correspond parfaitement à la genèse du livre-mémoire « Chinatown au cœur de l’île Maurice ». Un beau livre, édité par Vizavi, la maison d’édition de Pascale Siew qui s’est chargée personnellement de sa ligne éditoriale avec la collaboration de Géraldine Hennequin-Joulia et de Guy Siew. Retraçant le parcours des sino-mauriciens dans l’île, de l’arrivée des premiers immigrants foukiénois, cantonais et hakka jusqu’à aujourd’hui, l’ouvrage est composé de huit chapitres qui proposent différents thèmes comme l’histoire ancienne et récente ou encore la place de la religion.
UNE HISTOIRE MOUVEMENTÉE
Le chapitre « Chinatown face aux épreuves » est sans doute le plus palpitant de l’ouvrage puisqu’il relate les événements les plus déterminants, parfois tragiques, de l’Histoire locale. Ainsi la lutte pour le pouvoir en Chine « va enflammer la communauté » qui divise alors entre les pro-nationalistes du leader Chang Kaï-Chek et les communistes de Mao… Autre événement tragique, véritable tournant de l’histoire mauricienne : les émeutes ethniques qui ont ensanglanté le pays en 1968. Intitulé « les bagarres raciales vues du comptoir », le chapitre relate comment le couvre-feu décrété par les autorités britanniques a impacté la « night life » de Chinatown, « la zone tampon (…) où seul le rhum continue à couler à flots en cachette… »
UN SYNCRÉTISME PRAGMATIQUE
Autre élément fondamental, la religion… Pour la plupart des Mauriciens, elle occupe une place très importante dans leur vie. Parmi les nombreuses religions présentes sur l’île, le nombre de bouddhistes est très faible et ne correspond pas au pourcentage de la population sino-mauricienne. En effet, bien que très attachée à ses tradition et ses rites, elle est très largement catholique. Fondée en 1950, la Mission catholique chinoise (MCC) a joué un rôle considérable dans ce vaste mouvement de conversion. Toutefois, comme le signalent les auteurs, la conversion permettait également d’accéder aux écoles catholiques et donc d’assurer son accession sociale. Ainsi, les célébrations bouddhistes comme le Nouvel An chinois ou encore la Fête des Lanternes continuent de rester très populaires et sont même devenues Fête nationale. Il n’est pas rare de voir des Sino-mauriciens de foi catholique se rendre à la pagode pour y honorer les ancêtres…
« Chinatown. Au cœur de l’île Maurice », sous la direction éditoriale de Pascale Siew avec la collaboration de Géraldine Hennequin-Joulia et Guy Siew – Editions Vizavi (novembre 2016), 224 pages, 1 500 roupies (38 euros).