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L’Afrique d’Obama : un égoïsme moralisateur. L’Afrique de Trump : une indifférence décomplexée

Rien n’a changé dans la politique américaine en Afrique. Sinon la forme. Nous sommes en effet passés de l’égoïsme moralisateur de l’administration du « cousin » noir Barak Obama, à l’indifférence décomplexée du cow-boy blanc Donald Trump.

Début janvier, le président Trump aurait qualifié plusieurs pays d’Afrique dont le Nigeria, qui fut pourtant l’objet de toutes les sollicitudes américaines durant des décennies, de « pays de merde » (sic). Les procureurs médiatiques français ont immédiatement mis en parallèle ces propos « racistes » avec les grandes déclarations généreuses faites par le président Obama lors du premier Sommet États-Unis-Afrique qui s'est tenu à Washington du 3 au 5 août 2014. 
Donald Trump ne connaît pas l’Afrique. Il ne cherche d’ailleurs pas à la connaître car elle ne l’intéresse pas. Est-ce un changement par rapport à la ligne suivie par son prédécesseur ? Non, car en dépit de trois discours ronflants et totalement hors sol prononcés le 5 juin 2009 au Caire, le 11 juillet 2009 à Accra au Ghana et le 25 juillet 2015 à Nairobi, Barak Obama n’a pas eu de politique africaine. L’installation de Donald Trump à la Maison Blanche ne marquera donc pas un changement, sauf naturellement événement majeur imprévu, car, en dehors de la parenthèse de la guerre froide, le continent n’a jamais intéressé les États-Unis. 

PRIORITÉS DE WASHINGTON

Seule lui importait la sauvegarde de ses chasses gardées pétrolières d’Angola et du Nigeria et cela, dans l’optique d’une coupure de ses approvisionnements arabes. Or, le démarrage de la production du pétrole de schiste a totalement bouleversé la donne. Du jour au lendemain, les États-Unis ont ainsi interrompu ou fortement ralenti leurs importations de pétrole en provenance de ces deux pays avec lesquels ils avaient tissé des liens particuliers et qui ont dû, dans l’urgence, se tourner vers d’autres clients.
Un chiffre montre que l’Afrique n’a jamais compté pour les États-Unis. Avant 2015, année de l’explosion de la production de pétrole de schiste, la part de l'Afrique dans le commerce extérieur des États-Unis n’était que d'environ 2 % ; et sur ce pourcentage anecdotique, les hydrocarbures et les minéraux représentaient 90 %. Autant dire que le continent africain était totalement étranger aux priorités de Washington.
Cette évidence est clairement apparue lors du premier Sommet États-Unis-Afrique qui s'est tenu à Washington du 3 au 5 août 2014. Les médias présentèrent ce dernier comme le lancement d’une grande politique africaine des États-Unis, alors que les questions de la misère ou de l'avenir du continent n’y furent qu'esquissées, pour la forme, afin de se donner bonne conscience. 
 

L’installation de Donald Trump à la Maison Blanche ne marquera pas un changement car, en dehors de la parenthèse de la guerre froide,  le continent n’a jamais intéressé les États-Unis.
L’installation de Donald Trump à la Maison Blanche ne marquera pas un changement car, en dehors de la parenthèse de la guerre froide, 
le continent n’a jamais intéressé les États-Unis.  Stocklib/Actionsports
 

PILLAGE DES MATIÈRES PREMIÈRES

Durant les travaux de ce sommet présenté comme « historique », l'agriculture et l'agroalimentaire ne furent ainsi même pas abordés alors que, plombé par sa démographie, l’avenir de l’Afrique va être suspendu à sa capacité à nourrir des centaines de millions de bouches nouvelles. Le véritable but du sommet de 2014, pic de la politique africaine de Barak Obama, n’était pas de « développer » l’Afrique, mais de détourner vers les États-Unis les « secteurs captifs de revenus » en masquant le pillage des matières premières derrière les grandes envolées lyriques. 
Il s'agissait également pour les États-Unis d'une tentative de rattraper leur retard sur les puissances asiatiques dans les seuls domaines rentables, tout en tentant de faire croire aux Africains qu'à la différence de la Chine, ils sont leurs amis désintéressés. Derrière les effets d'estrade, la froideur des chiffres montre en effet que, tout comme la Chine, les États-Unis ne sont intéressés que par le seul écrémage de certaines des ressources minières africaines. 
Lors de ce sommet, le président Obama a ainsi clairement déclaré vouloir mobiliser dans les années à venir 33 milliards de dollars pour créer en Afrique un environnement permettant le développement, non du continent, mais du « business américain », et il a annoncé le déblocage de 7 milliards de dollars, non pour lutter contre la pauvreté, mais afin de stimuler les exportations commerciales américaines en Afrique.

RIEN DE PHILANTHROPIQUE

Le cœur des travaux de ce sommet fut donc le ciblage de trois secteurs potentiellement porteurs pour les firmes américaines, à savoir l'énergie, d'où l'initiative Power Africa destinée à fournir de l'électricité à 60 millions de ménages, mais en faisant travailler des firmes américaines, la construction et les machines. Rien de philanthropique dans tout cela, mais un simple retour sur investissements; l'aide en échange de bons de commande…
Le commerce en un mot et, qui plus est, à travers un chantage au renouvellement de cette forme de néo-colonialisme qui a pour nom l'AGOA (African Growth and Opportunity Act), loi qui fut votée en 2000 et qui n'est rien d'autre qu'un diktat. Aux termes de l'AGOA, les États-Unis sélectionnent en effet, selon leur bon vouloir, un certain nombre de produits pouvant bénéficier de la franchise tarifaire, afin d'échapper au sévère protectionnisme douanier que pratique sans états d'âme la « patrie du libre-échange »… C'est aussi une forme de duperie pour deux grandes raisons : 
1) Les États-Unis « tiennent » littéralement les bénéficiaires de l’AGOA avec la menace de sa suspension en cas de « mauvaises manières », comme par exemple un vote à l'ONU qui ne satisferait pas Washington ;
2) Ils se réservent de pouvoir, et cela à tout moment, suspendre les clauses de l'AGOA en cas de menace sur leurs propres productions.

FIORITURES MORALISATRICES

Ainsi, si les hasards de la climatologie font que telle de leur production agricole est excédentaire, une réglementation de circonstance leur permettra d'interrompre les facilités accordées aux pays concernés afin de protéger leur propre filière. Quant à certaines importations sans droits de douane de produits fabriqués ou transformés en Afrique, elles ne seront possibles que si elles sont à base de matière première américaine, comme pour certaines cotonnades.
Cet égoïsme qui fut la constante de la politique américaine en Afrique sous Barak Obama sera poursuivi avec l’administration Trump. Avec une différence cependant : sous Obama, il fut caché par des envolées lyriques sur les racines africaines d'une partie de la population américaine, par des poncifs éculés sur la démocratie, les « droits de l'homme » et par des discours creux sur la lutte contre la corruption, les droits humains ou l'égalité des sexes. Avec Donald Trump, la même politique égoïste sera suivie mais sans les fioritures moralisatrices destinées aux « pays de merde »…
Bio Bernard Lugan