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Le libre-arbitre : une denrée rare ou abondante ?

Cette question philosophique touche aussi le monde de l’économie où l’on a trop tendance à tomber dans le fatalisme. Bernard Alvin propose au contraire de redonner toute son importance au libre-arbitre.



Dans son livre « Guerre et Paix », Léon Tolstoï développe une théorie fataliste de l’histoire où le libre-arbitre n’a qu’une importance mineure. Dans ses analyses, Freud parlait des hommes en évoquant des pulsions de vie et de mort comme si, là aussi, le libre arbitre était très limité. En effet, quand on dresse le bilan des conflits mondiaux, on constate que de nouvelles guerres se déclarent chaque année et leur nombre de morts nous indique que ces pulsions de mort fonctionnent bien ! Si l’on considère que le libre-arbitre n’a qu’une importance mineure dans la conduite de notre histoire ou que nous sommes régis par des pulsions, dont certaines très destructrices, il y a de quoi être pessimiste et avoir une vision peu reluisante de la vie humaine ! Nous serions finalement soumis à des forces qui nous dépassent et pour lesquelles il n’est guère possible d’agir ou de réagir en toute conscience. L’actualité économique peut être vue à travers ce prisme si l’on observe les événements destructeurs qui jalonnent la vie des entreprises, on y trouve des plans sociaux, du chômage, des faillites, des fusions ratées, des dépôts de bilan et redressements judiciaires, sans compter les conflits sociaux et les conflits entre les acteurs économiques réglés par les autorités judiciaires. Il est difficile d’imaginer que tous ces évènements douloureux soient consciemment voulus par les hommes ! Mais ils existent et se renouvellent chaque année !!! Par ailleurs, les managers en poste ont tendance à considérer également leur propre libre-arbitre très limité par rapport à la gestion de leur temps et à leurs possibilités d’initiatives. J’entends souvent ces managers me dire qu’ils ne peuvent se dégager du temps ou se libérer pour une réunion qui leur serait utile pour mieux piloter leurs affaires, eux-mêmes ou leurs équipes. Ils se laissent happer par le rythme des actions du quotidien sans vraiment s’interroger sur leur réelle utilité ou valeur. Certains d’entre eux aimeraient s’épanouir dans des projets ayant plus de sens, mais ils se disent que leurs actionnaires ne seraient pas d’accord, ces derniers étant vus comme d’intraitables releveurs de compteurs financiers !!! On serait donc dans une relation de maître à esclave ?

LE LIBRE-ARBITRE A PERMIS DES RÉALISATIONS MILLÉNAIRES

Que faire face à ces rouleaux compresseurs, destructeurs de liberté personnelle ? Faut-il lâcher prise définitivement et vivre au jour le jour en espérant qu’on ne sera atteint par un événement fâcheux que le plus tard possible ? En tout cas, cette vision du monde ne peut qu’interpeller les personnes qui font des métiers comme le mien, très orienté sur le bien-être et le développement des potentiels des personnes et également sur les projets à forte valeur ajoutée économique et entrepreneuriale. Faut-il considérer nos métiers au mieux comme les opiacés qu’on donne aux grands malades en soins palliatifs ? Faut-il penser que les professionnels du bien-être et du développement des hommes sont de doux rêveurs déconnectés d’une réalité qui ne serait pas belle à voir ? Il est clair que le fait de nier la réalité ou de la fuir ne peut guère nous aider car, in fine, la réalité nous rattrape toujours. Mais fort heureusement, il n’y a pas qu’une réalité, mais des réalités !!! À présent, changeons d’optique et apprenons à regarder d’autres réalités toutes aussi concrètes ! Si le lot des déconvenues humaines est important, celui des réalisations humaines l’est au moins tout autant ! Si l’on observe l’histoire de l’homme avec des yeux réalistes, il n’y a pas que les guerres imposées ou les accidents subis ou la dictature du quotidien qui occupent toute la scène ! Nous sommes en 2014 et, depuis l’époque paléolithique, le moins qu’on puisse dire est que nous avons beaucoup évolué. Certains diront que nous avons aussi beaucoup progressé et, sur le plan technique, on ne peut que leur donner raison. Mais certaines réalisations humaines ont traversé les âges, c’est le cas des constructions de grandes civilisations. On peut encore voir et admirer les pyramides d’Egypte, les pyramides incas ou mayas, les temples romains ou grecs, certains ouvrages d’art antiques comme les aqueducs romains ou la grande muraille de Chine… D’autres réalisations humaines sont moins visibles, mais toutes aussi présentes comme les philosophies grecques ou romaines qui ont façonné notre propre civilisation. Ces réalisations ou réalités-là ne viennent elles pas contredire ceux qui estiment que notre libre-arbitre ne serait guère puissant ? Ou alors faut il penser que ces réalisations-là ne seraient, elles aussi, que le résultat d’autres pulsions, cette fois-ci plus favorables au bien-être des hommes ? Quand on sait à quel point il est difficile de réaliser de grands projets ou de conduire de grandes idées éducatives et pédagogiques, on peut douter que ça ne soit qu’inconscient !!!

LE LIBRE-ARBITRE REPOSE SUR UNE VISION

Pour réaliser un grand projet ou développer un projet politique (au sens noble du terme), il faut  avoir une vision de ce qu’on veut faire, y croire sérieusement et être capable de la communiquer à beaucoup de personnes et de les convaincre, ce qui demande un véritable engagement personnel des leaders porteurs de ces projets.

Nous ne sommes jamais pieds et poings liés. Il existe toujours un espace de liberté à conquérir. - Stocklib/Warren Goldswain

Nous ne sommes jamais pieds et poings liés. Il existe toujours un espace de liberté à conquérir. – Stocklib/Warren Goldswain

Observons que les grands hommes politiques comme les grands patrons d’entreprise ont souvent cherché à marquer leur temps en réalisant de grands projets ! Maintenant, si l’on monte en haut de la Tour Eiffel pour observer Paris ou en haut de l’Empire State Building pour observer New York, que voyons nous ? Nous voyons une forêt de constructions en tout genre, des petites, des moyennes, des grandes, des neuves, des anciennes, nous observons aussi des parcs, des routes plus ou moins grandes. En voyant cela, on ne peut que constater que les êtres humains ne chôment pas et qu’ils marquent profondément leur espace. Sont-ils obligés de construire des immeubles ou des routes ou des parcs ? Dans l’économie de marché, il y a toujours un rapport entre vendeurs et acheteurs. Les vendeurs proposent des « produits et services » et les acheteurs décident de les acquérir ou pas. La vente suppose d’être très actif et même proactif vis-à-vis des personnes qu’on appelle « clients » ! C’est souvent l’action persuasive de vendeurs qui va conduire d’autres personnes à s’engager dans une œuvre de construction. La vente est par excellence une activité très volontariste et qui ne peut voir le jour si l’on estime que notre libre-arbitre est très limité. Et que dire des milliers d’entrepreneurs qui créent des entreprises dont certaines auront une grande durée de vie et laisseront des traces importantes dans la population. Songeons par exemple à ces entreprises automobiles ou aéronautiques qui ont vu le jour il y a de nombreuses décennies !

DES LIMITES TOUJOURS DÉPASSÉES

Si réellement le libre-arbitre était considéré par tous comme une denrée rare, alors personne ne se hasarderait à entreprendre, à vendre, à construire ou à réaliser quoi que ce soit. In fine, puisqu’il y a bien des réalités et non pas une réalité, on peut dire qu’on a le choix de mettre le curseur du libre-arbitre sur une échelle allant du minimum à l’infini, vu que les capacités humaines sont sans cesse dépassées à travers les âges ? Si nous avions réglé le curseur au minimum, alors nos villes seraient un vrai désert depuis longtemps ?
Pour conclure, on peut dire que chaque être humain sur cette terre a finalement la liberté de placer le curseur du libre-arbitre là où il le souhaite, en fonction de l’idée qu’il se fait des réalités ? En tout cas, les personnes exerçant les métiers de développement des capacités humaines ont clairement fait leur choix, celui d’aider les acteurs de la société à pousser ce curseur au maximum.


Bernard Alvin

Bernard Alvin est à la tête de son propre cabinet, Bernard Alvin Conseil, fondé en 1995 et spécialisé dans l’accompagnement des hommes dans le domaine du développement des potentiels. Bernard Alvin a « coaché » ses premiers cadres et dirigeants dès 1991, faisant figure de pionnier avant que n’arrive la mode du coaching. Cherchant à aller plus loin, il fera émerger le concept de « management vocationnel » à partir de 2005. Il a pratiqué son métier en France métropolitaine, dans les DOM-TOM et dans plusieurs pays dans le monde, dont le Brésil. Il intervient en effet en français, en anglais et en portugais.