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Réunion/Maurice

Le mille-feuilles, voilà l’ennemi !

L’année a plutôt bien commencé à Maurice puisque l’Economic Development Board (EDB) a annoncé son lancement effectif. Voilà enfin ce guichet unique qui se substitue à quatre organismes différents : le BOI (Board of Investment), Enterprise Mauritius, le Mauritius Africa Fund et la Financial Services Promotion Agency (FSPA). Placé sous l’autorité du Premier ministre, qui fait aussi office de ministre des Finances et du Développement économique, il bénéfice d’un « EDB Act » lui donnant certaines prérogatives. Outre la promotion des investissements directs étrangers, il devra doper l’export et faciliter les implantations mauriciennes en Afrique. On lui demande aussi de s’impliquer dans la stratégie de développement du pays pour les années avenir et de jouer un peu le rôle d’un ministère du Plan, qui existait autrefois à Maurice, même si le mot « planification » est connoté négativement. 

UNE VISION HOLISTIQUE S’IMPOSERA TÔT AU TARD

Créé sur le papier en août 2017, l’EDB a pris du temps avant d’accoucher d’une véritable structure opérationnelle qui, pour le moment, est placée sous l’autorité d’un « Officer in Charge », Ken Poonoosamy, qui dirigeait auparavant le BOI. Il faut dire que la fusion de quatre entités différentes, avec leur « culture maison », sans parler des problèmes d’ego à gérer, n’a rien d’évident. C’est pourquoi la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA), organisme de premier plan, n’est pas concernée pour le moment par cette fusion alors que cela aurait du sens. Quand on « vend » un pays, on vend tous ses atouts, y compris touristiques et, tôt ou tard, une « vision holistique » devrait s’imposer. En atteste, par exemple, le rôle que peut jouer le golf pour la destination Maurice, comme l’explique Philippe Espitalier-Noël, patron du groupe Rogers, dans ce numéro de L’Eco austral. Certaines critiques ont été émises, notamment par Rama Sithanen, sur la place importante accordée à des représentants de grands groupes privés au sein du conseil d’administration de l’EDB. L’ancien ministre des Finances y voit des risques de conflit d’intérêt et de manque de confidentialité. Mais les conflits d’intérêt peuvent être évités en écartant, lors de certaines délibérations, les membres du CA concernés. Quant à la confidentialité, on peut difficilement y croire dans nos îles où tout se sait très vite. Vu le rôle joué par le secteur privé dans les nouveaux secteurs, comme ceux des énergies renouvelables et de l’économie bleue, et dans l’aménagement du territoire, avec un État souvent « à la remorque », on peut penser que sa présence ne pourra que dynamiser l’EDB. D’ailleurs, il est original qu’il y côtoie des hauts fonctionnaires et des scientifiques, dont une chercheuse française. Mais il reste encore à recruter un directeur général et l’EDB veut une grosse pointure qui a fait ses preuves ailleurs dans le monde au sein d’un organisme du même type. Il faudra donc patienter encore plusieurs mois. 

LE MILLE-FEUILLES RÉUNIONNAIS

Le syndrome du mille-feuilles se traduit par une multitude d’organismes qui s’empilent ou se côtoient sans toujours collaborer pleinement et faisant souvent doublon. On essaie tant bien que mal de s’en soigner à Maurice avec l’EDB, mais à La Réunion, on le cultive en profitant de fonds publics encore assez abondants. Les organismes accompagnateurs en développement international ou en innovation y seront bientôt plus nombreux que les entrepreneurs, les « vrais ». Cocoonées à l’infini, certaines start-up sont d’ailleurs des « entreprises d’avenir qui le resteront » pour paraphraser le général de Gaulle parlant de Madagascar. Récemment, une « Cité des dirigeants » a vu le jour à Saint-Denis, sous la forme d’une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Une idée lumineuse de Christophe Di Donato qui occupe le poste de président tout en faisant office de directeur général, il vient d’ailleurs de recruter une directrice adjointe. Lumineuse l’idée parce qu’une coopérative, ça veut dire un homme une voix et qu’ainsi la Cinor (Communauté intercommunale du nord de La Réunion), qui a mis 700 000 euros dans l’affaire, n’aura pas plus de poids que les autres membres. Christophe Di Donato est très convaincant puisqu’il a pu collecter un total de 1,5 million d’euros d’argent public tout en étant suivi dans son initiative par quelques grosses pointures du patronat local. Tout cela alors que le développement économique relève de la Région (prérogatives renforcées par la loi NOTRe de 2015) et qu’elle devrait théoriquement valider l’engagement d’une autre collectivité en la matière. Décidément, on ne sort pas du mille-feuilles, un gâteau dont certains se régalent.