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Maurice

Les hôtels croulent sous les dettes

Les opérateurs ont préféré financer leur développement par l'endettement plutôt que par la levée de capitaux en bourse.

Une erreur stratégique car, aujourd'hui, le poids des remboursements plombe leurs comptes et menace même leur survie.

Les titres des groupes hôteliers, qui avaient fortement pesé sur la tendance de la bourse de Port-Louis en 2012, redressent la tête et contribuent à la bonne performance (+12%) de l'indice SEMDEX depuis le début de l'année. New Mauritius Hotels (NMH) a ainsi touché un plus haut de quinze mois en affichant une progression de 38% et Lux Island Resorts est remonté à son plus haut niveau depuis 22 semaines en gagnant 21%. Seul Sun Resorts enregistre une hausse beaucoup plus modeste en remontant de 2%. Si la récente performance des hôtels est à souligner, il faut également remarquer que les cours de ces titres sont bien loin de leurs plus hauts historiques atteints début 2008. Par rapport à ces niveaux, NMH présente une décote de 54%, Sun Resorts affiche une chute de 73% et Lux un plongeon de 77%. Comme toutes les entreprises du secteur touristique, les hôtels ont pâti en 2012 de la stagnation des arrivées. La crise économique en Europe et les problèmes de dette souveraine dans la zone euro ont en effet entraîné une contraction du premier gisement de visiteurs du tourisme mauricien. Un recul tout juste compensé par la hausse des marchés émergents (Chine, Inde et Afrique du Sud). Mais la crise n'explique pas tout. En se basant sur l'objectif des 2 millions de touristes à l'horizon 2015, les groupes hôteliers se sont lancés dans des programmes de rénovation et plusieurs hôtels, notamment dans le segment haut de gamme, sont sortis de terre. Cet objectif n'étant pas en passe d'être réalisé, l'offre dépasse désormais largement la demande et les taux d'occupation s'en ressentent. Le nombre de chambres d’hôtel a augmenté de 7% en 2012 (sans compter la croissance importante de l’hébergement para-hôtelier) et le taux d'occupation, qui était de 76% en 2007, a chuté à environ 62 %. D'où la tentation de se lancer dans une guerre des prix qui risque à terme d'altérer la qualité du service et finalement d'affecter les comptes.

Mieux vaut s'endetter en devises quand on peut

Les groupes hôteliers ont massivement emprunté pour financer leur développement et, aujourd'hui, l'essentiel de leurs profits (quand ils en réalisent) passe dans le remboursement aux banques. Le niveau d'endettement des groupes hôteliers mauriciens a d'ailleurs alerté la Banque centrale (Bank of Mauritius – BoM). Pour aider le secteur à garder la tête hors de l'eau, celle-ci a mis à la disposition des banques commerciales début juin 2012 des lignes de crédit en devises pour un montant total de 27 milliards de roupies (675 millions d’euros). Ces lignes permettent aux opérateurs, qui reçoivent des recettes en devises, d’assurer le service de leur dette dans une monnaie étran gère plutôt qu’en roupies. Et les économies peuvent être conséquentes quand on sait que le taux repo de la BoM est de 4,90% alors que les « taux Banque centrale » sur le dollar sont compris entre zéro et 0,25% et que le taux refi de la Banque centrale européenne (BCE) est de 0,50%. À titre d'exemple, pour un emprunt de 12 millions de roupies contracté auprès d'une banque commerciale mauricienne, le taux d'intérêt se situe aux alentours de 9%. Le recours à la ligne de crédit en euros proposée pour un mon tant de 330 000 euros permet une économie de l'ordre de 500 000 roupies (12 500 euros) par an car le taux d’intérêt sur ce prêt est de 3,45% seulement. Ce type d'emprunt ne s'est cependant pas généralisé car de nombreuses banques commerciales ont rechigné à le proposer, estimant que la marge d'intérêt qu'elles encaissent n'est pas suffisante. Aujourd'hui, le groupe NMH est présenté comme une entreprise nécessitant une « immediate management action » et Sun et Lux affichent, selon certains experts, des profils d'entreprises avec une forte probabilité de faillite. Cette situation provient essentiellement de l'erreur stratégique sur le choix du financement de leur développement. Au moment où leurs cours de Bourse étaient au plus haut, ces groupes n'ont pas choisi l'option de lever des capitaux sur le marché financier, préférant se tourner vers les banques. Or début 2008, à 172 roupies pour NMH, à 107 roupies pour Sun ou à 93 roupies pour Lux, elles auraient facilement pu trouver des centaines de millions de roupies sur le marché qui se situait sur un pic. Mais, comme le soulignent les courtiers, les actionnaires de référence de ces groupes ont à l'époque refusé de se laisser diluer (baisse du bénéfice par action). Mal leur en a pris car, aujourd'hui, ils se retrouvent avec des titres très largement dévalués et ils ne touchent même plus de dividendes comme dans le cas de NMH. Ce groupe semble toutefois avoir retenu la leçon. Il serait en effet à la recherche de partenaire pour entrer au capital de son projet d'hôtel et de villas de luxe à Marrakech, au Maroc.