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Létitia Fraysse : « Je ne me suis jamais posé la question d’être une femme »

La présidente de Total Réunion, 45 ans, fait partie des rares femmes du groupe pétrolier à avoir percé le fameux plafond de verre. Sans complexe vis-à-vis des hommes, elle a su exprimer ses motivations et prouver ses compétences…



L’Eco austral : Vous êtes à la tête d’un équipe de 40 salariés et d’un réseau de 37 stations-service (*). Quel type de management pratiquez-vous ?
Létitia Fraysse : Je manage sur la confiance. Avec mes collaborateurs, nous avons beaucoup de discussions, nous passons du temps à échanger nos idées et les points à améliorer. En arrivant à mon poste en août 2015, j’ai défini une stratégie simple et claire, que j’ai diffusée à toute l’équipe dans un souci de transparence. Cela permet à chacun de se positionner par rapport à son périmètre d’action, ses priorités et de fédérer le groupe. Il me paraît essentiel d’adapter la politique du groupe à Total Réunion. À l’intérieur du cadre défini, chacun peut agir en toute autonomie. 

Comment expliquez-vous qu’il y ait si peu de femmes chez Total ? Comment êtes-vous perçue par vos pairs et vos collaborateurs ?
Parmi les raisons invoquées, on dit que les femmes ne veulent pas travailler dans des milieux pétroliers. Je prouve le contraire. Aucun métier ne doit être réservé aux hommes. Total compte 70% d’hommes et peu de femmes à des postes à responsabilités. J’ai évolué au sein du groupe et, lors de mes promotions, j’ai pu entendre de la part de mes homologues masculins que ce choix était le résultat d’une politique de féminisation de l’entreprise. Une façon de décrédibiliser les femmes et surtout de ne pas mettre en exergue mes compétences. Quand j’étais directrice commerciale en Egypte, je n’avais que des hommes à manager dans mon équipe directe. Je ne me suis pas posé la question d’être une femme. Je me suis dit : « Je suis Létitia, je vais travailler avec cette équipe, ma présence est légitime. » 

Vous avez trois enfants et un mari père au foyer. Les rôles semblent donc inversés. Peut-on dire que vous êtes carriériste ?
Oui et non. Il faut quand même un minimum d’ambition pour gravir les échelons ! On n’est pas forcément venu me proposer des postes, il a fallu aussi que je fasse connaître mes motivations. Au moment où j’ai décroché mon premier poste chez Total, mon mari diplômé d’une école d’ingénieurs a arrêté de chercher un emploi. Nous étions déjà parents d’un bébé. Depuis, nous avons eu trois enfants, et c’est un vrai choix de famille que nous avons fait et qui a garanti notre équilibre au fil du temps et au gré des expatriations (Portugal, Egypte). Mon temps libre est vraiment libre et cela participe à l’épanouissement de la famille. 

Vous êtes diplômée de l’école de commerce EDHEC (Lille) et titulaire d’un MBA obtenu à l’université de Laval au Québec. Pourtant, vous avez eu du mal à décrocher votre premier emploi…  
Je suis arrivée sur le marché de l’emploi en 1995, à une période très houleuse pour les cadres. J’ai dû envoyer une centaine de candidatures. Je n’étais pas mariée mais déjà maman d’une petite fille et avais donc indiqué sur mon CV « 1 enfant ». J’étais jeune et naïve. J’ai essuyé de nombreux refus et mis plus d’un an à trouver du travail. Les entretiens sont tombés dès lors que j’ai commencé à arrêter de mentionner que j’avais un bébé ! J’ai eu la chance ensuite d’être prise chez Total. 

Quelles sont vos priorités en tant que Pdg de Total Réunion ?
Je préfère le terme de présidente à Pdg qui fait un peu « too much » ! Ma priorité était de devenir la marque préférée des Réunionnais. C’est chose faite car une enquête de notoriété a permis de le mesurer. L’objectif est de grimper à 25% des parts de marché hors aviation et d’augmenter le gap avec nos concurrents. 

(*) Il y aura bientôt une 38e station-service car la pose de la première pierre a eu lieu à Bois d’Olive, à la Ravine des Cabris, dans le sud, pour une livraison à la mi-2017.