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Maurice

L’île de France toujours bien vivante

L’île Maurice a porté ce nom durant près d’un siècle avant de devenir une colonie britannique jusqu’à son indépendance en 1968 et il semble lui avoir laissé une marque indélébile qui se traduit encore aujourd’hui dans l’économie du pays.

Que la France ait dû abandonner l’île à la couronne britannique en 1814, c’est plutôt bon pour ses relations actuelles. En effet, le costume d’ancienne puissance coloniale est toujours difficile à endosser, surtout lorsqu’il existe des contentieux comme celui qui concerne l’archipel des Chagos. L’empreinte coloniale française est plus lointaine, enfouie dans l’histoire, mais se retrouve dans la langue française (dont est proche le créole) qui facilite les relations commerciales, comme l’explique l’ambassadeur de France dans un entretien accordé à L’Eco austral. Une situation unique dans le monde et qui explique la présence d’une communauté française de 12 000 personnes, dont la moitié sont des binationaux. Une situation qui permet aussi à Maurice de siéger au sein de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et d’avoir un candidat, Jean-Claude de L’Estrac, bien placé pour en occuper le fauteuil de secrétaire général. La francophonie et la francophilie de Maurice, héritées de l’histoire, expliquent enfin que la première clientèle touristique de l’île demeure française, à 40% si l’on inclut celle de la voisine réunionnaise. Ces touristes de proximité permettent d’ailleurs d’atténuer la baisse de – 4,3% enregistrée chez les visiteurs de France métropolitaine. Un certain nombre de stars du showbiz et de personnalités politiques françaises continuent de fouler les plages mauriciennes, mais, sur un plan économique, il est intéressant de noter l’arrivée ces dernières années d’investisseurs qui s’implantent dans l’île en achetant un bien immobilier et/ou en créant une PME. C’est flagrant dans le secteur des TIC où des entreprises françaises, de tailles variables, choisissent Maurice pour délocaliser tout ou partie de leurs activités de production. Là encore, la francophonie n’y est pas pour rien, mais elle a l’avantage de se combiner avec la maîtrise de la langue anglais. Certes, « le bilinguisme a ses limites, explique cet investisseur, car on a du mal à trouver du personnel maîtrisant parfaitement les deux langues. Les Mauriciens ont tendance à être plus à l’aise dans le français à l’oral et dans l’anglais à l’écrit. Mais avec la formation continue on atteint de bons résultats ». C’est le cas des centres d’appels qui restent discrets sur les noms de leurs clients français, des groupes parfois très connus. Les investisseurs entrepreneurs se heurtent néanmoins à une raréfaction de la main d’œuvre qualifiée (Maurice ne produit qu’environ 5 000 bacheliers et 150 ingénieurs informaticiens par an) qui a tendance à faire monter le niveau des salaires avec un « turnover » difficile à éviter.

SEA, SUN ET FISCALITÉ LÉGÈRE

« Plus l’on grimpe dans l’échelle des qualifications et plus la différence des coûts avec la France s’atténue, explique ce même investisseur qui souhaite garder l’anonymat. Il faut aussi prendre en compte la productivité des salariés. Mais ce sont les charges sociales qui plombent la France. Dans ma structure parisienne, lorsqu’un développeur informatique expérimenté touche 2 500 euros nets par mois, il coûte 5 000 euros à l’entreprise. À niveau égal, à Maurice, on se situe dans les 1 200 à 1 500 euros. Cela fait trois à quatre fois moins, mais la ressource se fait rare et notre compétitivité commence à faiblir face à d’autres pays. Nous avons dû ouvrir une filiale en Inde, à Bangalore, où nous réalisons désormais une partie de notre production. »

L’armateur réunionnais Sapmer est engagé dans un vaste programme d’investissements avec une usine (notre photo) à 4 millions d’euros et 5 thoniers senneurs-surgélateurs à 20 millions d’euros l’unité. - DA

L’armateur réunionnais Sapmer est engagé dans un vaste programme d’investissements avec une usine (notre photo) à 4 millions d’euros et 5 thoniers senneurs-surgélateurs à 20 millions d’euros l’unité.

Mais Maurice a d’autres atouts à faire valoir aux yeux des investisseurs français. Sa stabilité politique, une qualité de vie indéniable pour ceux qui bénéficient de revenus confortables et, surtout, sa fiscalité légère (15% d’impôt sur les revenus comme sur les bénéfices des entreprises, moins pour les activités en off-shore ou en port-franc tournées vers l’international) avec un traité de non double imposition attractif. « Maurice fait tout ce qu’il faut pour attirer les entrepreneurs français, qui ont de plus en plus de mal à se projeter en France, avec une stabilité de sa fiscalité et de son cadre régulateur et le fait que les démarches administratives sont simples et surtout qu’on y parle français », explique Loïc Libeau, co-directeur de Stella Telecom Mauritius. Cette entreprise française spécialisée dans la téléphonie a connu une forte croissance ces dernières années et, pour étendre ses activités, elle a choisi d’externaliser ses services, en quête d’une terre promise. Avec son associé Laurent Bernauer, Loïc Libeau débarque à Maurice en février dernier, déterminé à s’y implanter. « Il nous fallait un décalage horaire léger et du personnel parlant un français neutre », explique Laurent Bernauer. Leur choix s’est porté sur Maurice et ils ne le regrettent pas. Les deux associés retiennent les services d’un cabinet juridique spécialisé en droit des affaires. Ils sont dirigés sur Ebène où la fibre optique est disponible. Après une évaluation rapide, ils trouvent très vite ce qui leur convient le mieux et s’installent dans l’une des tours de la cyber cité. Arrivés le 10 février, ils complètent les formalités, embauchent du personnel « avec un bon niveau de compétences » et démarrent les opérations cinq semaines plus tard, le 17 mars ! Qui dit mieux ? Aujourd’hui, Stella Telecom Mauritius emploie 11 personnes et elles seront 20 à la fin de l’année. « À notre grande surprise, nous avons constaté que les Mauriciens, eh bien, ce sont des bosseurs ! » Aux oubliettes donc l’image de l’île qui cultive le farniente et la canne à sucre. Ils sont donc de plus en plus nombreux ces entrepreneurs français qui découvrent un autre aspect de l’île Maurice, souriante et chaleureuse, certes, mais aussi travailleuse et compétente. Et cela leur convient parfaitement. Dans l’immeuble où ils ont installé leur société, Loïc Libeau et Laurent Bernauer sont entourés d’entrepreneurs français – dans des secteurs d’activité aussi variés que les TIC et les assurances – avec un parcours similaire et qui affichent un grand enthousiasme lorsqu’on leur parle des avantages de Maurice.

UN ACTEUR MONDIAL DE L’INFOGÉRANCE PRÉSENT DEPUIS DIX ANS

Ebène toujours, quelques immeubles plus loin. Ebène Accelerator a été mis en place en 2013 par le ministère des Finances et Mauritius Telecom pour être une rampe de lancement des PME spécialisées dans le développement d’applications mobiles et de logiciels. Là aussi la présence française se fait sentir. « L’incubateur héberge déjà 5 entreprises françaises sur les 15 présentes », indique Ponam Thylam, la directrice de la structure. Parmi ces PME, Zango, engagée dans la gestion de téléphonie ou encore Pongosoft, spécialisée dans le développement d’applications internet. Ces deux entreprises ont déjà décroché plusieurs contrats en moins d’un an d’existence. Vincent Pollet, co-fondateur de Pongosoft, se retrouve comme un poisson dans l’eau à Maurice. Il arrive de Chine où il a travaillé plusieurs années, mais il affirme que Maurice n’a rien à envier aux autres destinations d’affaires, toutes proportions gardées bien entendu. « Pour un Français, l’intégration est facile, monter une affaire n’est pas long, les taxes sont faibles et le marché de l’informatique encore vierge. »

Julien Moisan, directeur général de Linkbynet Océan Indien. Cet acteur mondial de l’infogérance est présent depuis dix ans à Maurice où il emploie quelque 150 personnes. - DA

Julien Moisan, directeur général de Linkbynet Océan Indien. Cet acteur mondial de l’infogérance est présent depuis dix ans à Maurice où il emploie quelque 150 personnes.

De gros acteurs français ont même choisi Maurice, comme Linkbynet, un acteur mondial de l’infogérance qui vient de fêter ses dix ans de présence dans l’île. Il emploie quelque 150 personnes sur son site de Quatre Bornes, en complément de ses implantations en France, au Canada et à Hong Kong. De quoi jouer sur les décalages horaires et apporter un service permanent à des clients exigeants. « Nous sommes des gestionnaires de systèmes que nous avons aussi pour mission d’optimiser… En fait, on peut nous comparer à des médecins urgentistes. » Julien Moisan, directeur de Linkbynet Océan Indien, résume en quelque mots ce métier bien particulier de l’infogérance. Son entreprise n’a pas droit à l’erreur puisqu’elle gère les sites Internet de gros clients, comme le Français Sodexho, spécialiste de la restauration collective qui emploie quelque 230 000 salariés dans le monde. Un site ne peut s’interrompre, au pire, qu’une poignée de minutes. L’infogérance est un métier spécifique qui fait appel à des compétences spécifiques. « L’ingénieur système a peu à voir avec l’ingénieur développement qu’on trouvait plus facilement à Maurice et nous avons dû créer notre propre centre de formation en 2013 pour faire face à notre croissance. »

Le Mauricien Pascal Tsin est le premier à porter l’enseigne Super U en dehors de France en étant adhérent à la coopérative française de grande distribution. - DA

Le Mauricien Pascal Tsin est le premier à porter l’enseigne Super U en dehors de France en étant adhérent à la coopérative française de grande distribution.

Les sociétés françaises ont donc su se fondre harmonieusement dans le paysage économique mauricien. Tout en apportant leur expertise, elles ont su faire confiance au savoir-faire local. C’est le cas d’Euro CRM, dont la Pdg est Pia Heitz Casanova et le vice-président Corporate Affairs Océan Indien-Afrique le Mauricien Roshan Seetohul. « Notre progression en dix ans d’implantation à Maurice a été constante et importante. Nous sommes devenus l'un des leaders des centres de contact », commente avec satisfaction le directeur mauricien de la société française. Roshan Seetohul explique les raisons pour lesquelles Euro CRM a choisi Maurice. « La situation est idéale pour la relation client offshore, la main d’œuvre est jeune, disponible, qualifiée et ayant une éducation calquée sur le modèle anglo-saxon avec des tendances francophones. Le pays est accessible par voie aérienne, ce qui facilite les échanges avec l’étranger pour des opérations en continu. Les facilités de logistique et d’infrastructure font de Maurice une plateforme moderne, à la pointe de la technologie et ouverte sur le monde ». Seule ombre au tableau, la rareté de la main d’œuvre qui freine la croissance de l’entreprise. « Le bassin d’emploi s’essouffle, essentiellement en raison d’un manque de formation et d’information sur notre secteur d’activité et toutes les opportunités d’évolution de carrières qui y sont offertes. »

DES PRÉSENCES HISTORIQUES ET DES PARTENARIATS QUI FONCTIONNENT BIEN

« À l’inverse du tourisme qui fait montre d’une grande frilosité, les secteurs comme les TIC font preuve de dynamisme et se situent dans une logique de croissance », note Denis Lacour, le nouveau président de la Chambre de commerce et d’industrie France-Maurice (CCIFM). Celle-ci constate une tendance à la hausse des investissements français à Maurice, avec un flux qui s’accentue alors que la situation économique se détériore pour les entreprises en France. Ainsi, la CCFIM a reçu depuis le début de l’année quelque 45 investisseurs potentiels dans différents secteurs d’activité. « L’intérêt ne se transforme pas systématiquement en investissement parce que les entrepreneurs comparent aussi Maurice avec d’autres destinations, notamment en Asie, comme la Thaïlande », nuance toutefois Sophie Adam, la directrice de la Chambre.
Le premier avantage de Maurice, c’est que l’investisseur français s’y sent un peu en pays de connaissance. La France et Maurice entretiennent de façon judicieuse des liens culturels aussi anciens qu’étroits. Et si la France n’occupe pas la première place des pays clients ni des pays fournisseurs, elle reste globalement le premier partenaire avec des échanges s’élevant à 606 millions d’euros en 2013. Elle demeure aussi le premier investisseur étranger avec plus de 67 millions d’euros. Depuis la major jusqu’à la PME, les entreprises françaises ont une présence de longue date à Maurice et les secteurs dans lesquels elles ont investi se révèlent très variés (produits pétroliers, télécommunications, construction, distribution, finance, hôtellerie, TIC, prestation de services, etc.).

Son nouvel aéroport, qui fait la fierté de Maurice, a été conçu par Aéroports de Paris Ingénierie (ADPI), filiale du groupe Aéroports de Paris (ADP) qui, via une autre filiale, ADPM (Aéroports de Paris Management), est actionnaire à 10% dans ATOL (Airport Terminal Operations Ltd), la société gestionnaire.  - DR

Le nouvel aéroport, qui fait la fierté de Maurice, a été conçu par Aéroports de Paris Ingénierie (ADPI), filiale du groupe Aéroports de Paris (ADP) qui, via une autre filiale, ADPM (Aéroports de Paris Management), est actionnaire à 10% dans ATOL (Airport Terminal Operations Ltd), la société gestionnaire.  

Parmi les majors qui ont investi à Maurice, on peut citer le cas de la compagnie pétrolière Total, présente dans le paysage mauricien depuis… 1956. Devenue Total Mauritius, elle est le fruit d’une longue relation avec les Mauriciens – et le résultat de la fusion avec Elf Gaz ainsi que le rachat d’Esso. La  société est détenue à 55% par Total et le reste est réparti entre les groupes mauriciens Currimjee et Harel Mallac. En fait, comme l’explique Anne-Solange Renouard, CEO de Total Mauritius, cette relation est basée sur l’entente et la confiance, ainsi que le partage de certaines valeurs. « Nous avons beaucoup de chance d’avoir Harel Mallac et Currimjee car nous partageons avec eux les même points de vue en terme de gouvernance », précise la CEO. Une relation qu’elle qualifie même « d’exemplaire ».
Autre présence historique, celle de Lafarge, leader mondial du ciment. Une présence qui remonte à 1959 et va se poursuivre puisque, dans le cadre de la fusion avec Holcim, numéro deux mondial, ce sont les actifs mauriciens de ce groupe suisse qui seront cédés. Avec des capacités de production de 40 000 tonnes, Lafarge occupe la première place à Maurice avec sa marque emblématique Baobab et emploie 149 personnes. Il faut citer aussi Orange qui est actionnaire à 40% de Mauritius Telecom et dont la marque est leader dans l'Internet comme dans la téléphonie. Enfin, le partenariat original entre Air France et Air Mauritius mérite d'être souligné. Non seulement la compagnie française est actionnaire de la compagnie mauricienne, mais surtout, on relève une exploitation commune de leurs avions sur Paris et une politique de « code share » très étendue.      

LA CARTE POSTALE NE SUFFIT PLUS

Au Board of Investment (BOI), l’agence de promotion des investissements, on ne rate aucune occasion de vanter les atouts de Maurice auprès des investisseurs français. Fuseau horaire permettant une connexion ininterrompue entre les centres d’affaires, réseau de télécommunications bénéficiant de fibre optique, accès préférentiel aux marchés, environnement compétitif pour les affaires, facilitation pour la création de sociétés, dividendes et plus-values exonérés d’impôt, plans de formation novateurs, ressources humaines… La liste est longue.
Fort de ce positionnement, Maurice veut être une plateforme pour des développements en Afrique en profitant notamment de ses accords de non double imposition signés ou en cours de négociation avec 27 États africains (13 sont actuellement applicables dont l’un avec le Mozambique). « Il y a une connexion qui s’est établie au niveau des affaires avec une île qui est à la frontière de l’Orient et de l’Occident, basée sur une relation de confiance », n’hésite pas à affirmer Joël Rault, CEO de Nexia Consulting. Ce cabinet d’experts, dirigé par l’ancien ministre des Finances Xavier-Luc Duval, mise beaucoup sur la clientèle française, « une clientèle de choix que nous cajolons », assure encore Joël Rault. Et même si le cabinet n’opère pas exclusivement en Afrique, il a su en quelques années se mettre à l’heure africaine, comme beaucoup d’autres à Maurice. « Nous offrons à notre clientèle des outils destinés à investir en Afrique avec tout le confort nécessaire pour les sécuriser », insiste Joël Rault. Pour les Français, c’est cette ouverture mauricienne sur la partie anglophone du continent qui est pertinente. « De par les contacts et l’expérience acquise, nous offrons à notre clientèle d’autres options que l’Afrique francophone ». Encore un atout qui fait de Maurice une plateforme importante de développement des affaires pour les entrepreneurs français.
Mais si le positionnement de Maurice est fort et ses atouts nombreux, il n'en demeure pas moins que les exigences des entrepreneurs se révèlent de plus en plus grandes, surtout lorsqu’ils ont le choix à travers une compétition internationale féroce. Y aurait-il donc des zones d’ombre au paradis ? Il faut citer d’abord la pénurie de main d’œuvre qualifiée, qui a tendance à faire grimper les salaires. La situation est la même dans un grand nombre d’entreprises du secteur, comme le confirme Denis Lacour, lui-même directeur de Prodigious Mauritius (Groupe Publicis) qui note un manque de main d’œuvre dans le secteur alors que ses activités connaissent une forte croissance. Le développement d’un « Knowledge hub » (centre de savoir), avec l’arrivée, en direct ou à travers des partenariats, d’universités et d’instituts de formation français devrait apporter une réponse à ces besoins en ressource humaine qualifiée. Le groupe mauricien Médine s’implique fortement dans ce projet. Son « Medine Education Village » se veut un lieu de vie où l’enseignement supérieur de qualité sera privilégié, à destination des Mauriciens et des étudiants étrangers. Pour assurer ses prestations, le site de Pierrefonds s'appuie sur un amphithéâtre de 300 mètres carrés, pouvant accueillir jusqu’à 70 personnes. Le site est déjà sollicité par la prestigieuse école de commerce ESSEC pour son « ESSEC General Management Program for Mauritius and South-East Africa ». En outre, Médine s’est associé avec ESCP Europe, l’une des plus anciennes « business schools » du monde. Supinfo, institut français international, axé sur les TIC, vient aussi de conclure un partenariat avec le groupe mauricien en vue de répondre à des besoins locaux qui se chiffrent à 2 000  ingénieurs et développeurs informatiques.
Sur le plan administratif, Maurice peut aussi améliorer son attractivité. Si la facilité de monter une entreprise est unanimement saluée, la lenteur des procédures lorsqu’il s’agit de faire avancer des projets, dans certains cas bien spécifiques, atténue l’ardeur des investisseurs. Et les institutions ne répondent pas toujours présent. Pour preuve, le cas de ces deux investisseurs qui ont monté leur affaire cette année, mais qui ne sont pas passés par le BOI, tout simplement parce qu’ils ne le connaissaient pas.
Enfin, la qualité et le coût des connexions internet constituent toujours des contraintes importantes car toutes les zones d’activité n’ont pas encore accès la fibre optique. Le coût de l’aérien est aussi jugé « astronomique » sur la plupart des destinations, européennes, asiatiques ou régionales. Quand à la notion de hub africain, elle est un peu battue en brèche lorsqu’on parle de connectivité interafricaine. Il reste donc quelques réglages à effectuer si Maurice veut réussir son décollage vers l’Afrique et en faire un nouveau moteur pour doper les investissements français.

LA COOPÉRATION AVEC LA RÉUNION ENCORE MODESTE

Alors que 45 minutes d’avion seulement séparent les deux îles, les relations économiques peinent à décoller. Faute à une grande différence dans la culture des affaires et à certains préjugés de part et d’autre. Il faut dire que la concurrence ne manque pas dans certains domaines et que les entreprises réunionnaises éprouvent bien des difficultés à se développer à Maurice en raison de leur méconnaissance du marché. L’île sœur peut devenir vite un « miroir aux alouettes ». Mais depuis quelques années, la situation est en train de changer avec notamment le travail du Club Export Réunion qui organise les 13 et 14 novembre prochain ses troisièmes rencontres Réunion-Maurice, à La Réunion cette fois après deux premières éditions organisées à Maurice. Des rencontres toujours centrées sur le développement durable avec, cette année, une ouverture sur les biotechnologies. Bailleur de fonds du Club Export Réunion, la Région Réunion veut développer la coopération régionale et dispose désormais à Maurice de son antenne, placée sous la direction de Grégory Martin.

 

LE GROUPE CIEL A SU CONVAINCRE DES GROS INVESTISSEURS FRANÇAIS

Preuve que le concept de Maurice comme plateforme vers l’Afrique commence à fonctionner, le groupe mauricien Ciel a fait entrer dans son capital quatre fonds d’investissement français et la Proparco (bras armé de l’Agence française de développement) en vue de son développement sur le continent. Le groupe est déjà présent dans l’industrie textile et le secteur bancaire (BNI) à Madagascar, dans l’industrie sucrière en Tanzanie et dans le secteur médical en Ouganda (clinique privée). Il développe également une activité de « Private Equity » avec un deuxième fonds Kibo doté de 50 millions de dollars. Les nouveaux entrants ont apporté 2 milliards de roupies (50 millions d’euros) pour prendre chacun entre 3% et 7% du capital, soit un total de 22%. Et quand on se penche sur l’identité des quatre fonds d’investissement (outre la Proparco), on constate qu’il ne s’agit pas des premiers venus :
– FFP Invest, une filiale de FFP, société d’investissement cotée sur NYSE-Euronext Paris, détenue majoritairement par les Établissements Peugeot Frères et dirigée par Robert Peugeot. Le groupe FFP est l’un des principaux actionnaires de Peugeot SA et mène une politique d’investissements minoritaires et de long terme ;
– Di Cirne HOLDING Ltd, filiale de Dentressangle Initiatives SAS, holding familiale d’investissement présente dans le transport et la logistique, ainsi que dans l’immobilier et les secteurs de l’industrie et des services ;
– Groupe Marc Ladreit de Lacharrière, détenteur de 40% du groupe hôtelier Lucien Barrière et actionnaire à hauteur de 50% du groupe Fitch, est un acteur majeur du secteur des services financiers dans la notation avec Fitch Ratings ;
– Codial Asie Ltd, filiale de Codial SA, holding de Gérard et Chantal Perse, propriétaires de domaines viticoles dont le prestigieux Château Pavie. Codial est également propriétaire d'un établissement hôtelier de renom, l'Hostellerie de Plaisance (membre des « Relais et Châteaux »), à Saint-Émilion.