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Réunion

L’industrie agroalimentaire sauvée par la technologie

Si le consommateur réunionnais a parfaitement intégré les bienfaits de la surgélation de la légine, par exemple, il est encore réticent pour les fruits et légumes. Mais l’offre de plus en plus qualitative des industriels fait évoluer les mentalités.

La surgélation immédiate à – 40°C est la meilleure technologie connue à ce jour pour conserver toutes les qualités de la légine et du thon. Et cela ouvre la porte à l’exportation. Grâce à la surgélation, le poisson est le troisième produit exporté de La Réunion (en valeur), derrière le sucre et le rhum, mais devant les fruits tropicaux. La surgélation permet d’exporter par fret maritime, plus économique que l’aérien, et de proposer ainsi la production réunionnaise à des prix plus bas sur les marchés étrangers. 
Le thon et la légine pêchés par les armements réunionnais jouissent d’une excellente image de qualité, à l’international et localement. C’est un produit haut de gamme, pour ne pas dire de luxe, alors qu’il s’agit de produits surgelés. Même les chefs étoilés du guide Michelin en raffolent ! C’est un peu l’exception qui confirme la règle car, dans l’esprit de la majorité des consommateurs, les surgelés restent essentiellement des produits bas de gamme, comme ces caisses de 10 kg de poulet affichées à 20 euros, soit 2 euros le kilo, que proposent régulièrement les grandes surfaces. 
Le consommateur réunionnais serait-il bipolaire en ce qui concerne les surgelés ? En ce qui concerne les surgelés de fruits et légumes, c’est bien simple : il y a toute une éducation à (re)faire ! En effet, dans l’esprit du consommateur péi, il n’y a rien de mieux que les produits frais achetés sur le marché forain. Pourtant, tout le monde sait qu’un fruit ou un légume commence à perdre ses qualités dès sa cueillette. Et celui qui fait son marché ne sait pas quand le fruit ou légume qui lui est présenté a été récolté et depuis combien d’heures il est exposé sur cet étal abrité du soleil par un simple parasol.

Valeur nutritionnelle supérieure

Parfois, bercé par l’ambiance colorée de nos marchés créoles, le consommateur ne fait même pas attention à l’origine du produit, dont la mention est obligatoire, et quand il voit des carottes de Chine sur un étal, curieusement, cela ne lui traverse pas l’esprit qu’elles ont parcouru des milliers de kilomètres ! Cette remarque est valable pour le rayon frais des grandes surfaces.
Les spécialistes en diététique sont formels : « Les fruits et légumes surgelés dès leur cueillette ont une valeur nutritionnelle supérieure à des produits frais qui ne sont pas consommés immédiatement. » Ce constat est encore plus vrai quand les produits ont été récoltés avant qu’ils ne soient totalement mûrs pour mieux résister au transport. C’est à ce niveau que l’industrie agroalimentaire réunionnaise a peut-être un défi à relever : faire évoluer les mœurs alimentaires en ce qui concerne les fruits et légumes. Cela passe par de la pédagogie et la maîtrise des technologies. 
Une des motivations du consommateur quand il achète des surgelés, c’est le gain de temps, ce qui explique qu’il achète des plats cuisinés qu’il lui suffit de réchauffer. C’est un marché important. La volaille à 2 euros le kilo est aussi un marché. Mais le marché le plus prometteur est celui du surgelé « nature », comme le thon ou la légine, mais pour des fruits et légumes sans aucune préparation. On rejoint ainsi la recommandation de « manger cinq fruits et légumes par jour » et de « manger moins gras, moins sucré et moins salé ». C’est une carte que peut jouer l’industrie agroalimentaire réunionnaise ! Le défi consiste à proposer les produits à un tarif compétitif, ce qui n’est pas gagné d’avance car le consommateur a du mal à valoriser (payer) ce qui est simple, surtout pour les fruits et légumes. Le bio pourrait être la solution. Une autre solution serait d’inciter les consommateurs à congeler chez eux des fruits et légumes achetés frais au marché, pour en profiter toute l’année, jusqu’à la saison suivante. Quasiment tous les fruits et légumes peuvent être congelés, à l’exception des tomates, qui contiennent trop d’eau et qui lors de la décongélation vont perdre leur texture et devenir une bouillie plutôt moche. 
En règle générale, plus un fruit ou légume contient d’eau, plus il est difficile à congeler convenablement. En gelant, l’eau prend du volume et détruit la structure des cellules qui la contiennent. On s’en rend compte à la décongélation : la texture et le goût, bref les qualités organoleptiques du produit, ne sont pas au rendez-vous.
Pour la plupart des légumes verts, il est également recommandé de les « blanchir » avant la surgélation, c’est-à-dire les passer à l’eau bouillante quelques secondes. On perd un peu de vitamines (les hydrosolubles B et B1, et la C, très sensible à la chaleur) mais l’opération reste intéressante car elle désactive efficacement l’ensemble des réactions enzymatiques. 

Plus performant que le congélateur

Vu que la majorité des ménages réunionnais ont totalement perdu la tradition des confitures, qui était la façon de nos anciens de conserver les fruits et légumes pendant plusieurs mois, leur demander aujourd’hui de se lancer dans la congélation a peu de chance de mobiliser les foules ! Qu’importe, ce n’est pas le but recherché : il faut juste marquer les esprits, que les Réunionnais soient convaincus des bienfaits de la congélation des produits bio et frais, pour leur proposer de la faire à leur place et mieux !
La surgélation industrielle est en effet plus performante que votre congélateur, l’eau passe plus vite de l’état liquide à l’état solide et les cristaux de glace étant plus petits, les cellules éclatent moins lors de la décongélation. La surgélation industrielle consiste à faire baisser en quelques minutes la température à – 40°, alors que la congélation à la maison avec un congélateur grand public ne permet de descendre qu’à -18°, au bout de plusieurs heures.
Dernier argument en faveur du surgelé : les ménages hésitent parfois à acheter plus de fruits et légumes, car ils ont peur de ne pas avoir le temps de les consommer. Le surgelé règle la question du gaspillage alimentaire. 
Si l’on observe les taux de couverture de la production locale, on remarque que la marge de progression sur le frais est plus faible que sur le marché global (frais, surgelés). C’est donc là que l’industrie agroalimentaire réunionnaise a sa carte à jouer. 

Poisson « on the rocks »
Port Réunion vend aux pêcheurs réunionnais 3 000 tonnes de glace chaque année. La chaîne du froid commence dès la capture, à bord d’une barque Bourbon comme à bord d’un palangrier de haute mer ou un petit palangrier comme celui de notre photo. Quand le consommateur achète du poisson, il achète plus que du poisson, il achète de la fraîcheur.
Cultiver, mais où ?
La surface agricole ne représente que 17 % de la superficie totale de la Réunion, soit 42 000 ha  que se partagent agriculteurs et éleveurs. Dans le détail, il y a 700 ha de letchis, 500 ha de salades, 480 ha de bananes, 385 ha de mangues, 300 ha de tomates, 360 ha d’ananas, 200 ha de brèdes, 175 ha de pommes de terre, etc. Sans oublier… 24 000 ha de canne à sucre !
Le bio avance
Les exploitations réunionnaises bénéficiant du label AB (Agriculture biologique ) sont au nombre de 190 et produisent essentiellement des légumes (1 513 tonnes) et des fruits (697 tonnes). Mais il y a aussi parmi elles quatre apiculteurs bio, dont les 1 410 ruches ont produit 20 tonnes de miel, et 11 éleveurs de poules pondeuses bio, qui ont produit 316 000 œufs bio. Il y a aussi, pour l’anecdote, des planteurs de canne à sucre bio.