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Pourquoi le royaume saoudien soutient les fondamentalistes musulmans

C’est grâce au wahhabisme, secte fondamentaliste à laquelle ils ont lié leur sort et qui demande de reconnaître leur autorité temporelle que les Al-Saoud ont réussi à imposer leur pouvoir familial à des tribus profondément divisées et à créer l’Arabie saoudite. Leur survie passe par la non remise en cause de cette idéologie d’État. Pour se maintenir au pouvoir ils ont passé un pacte avec les jihadistes.



La dynastie des Al-Saoud est issue d’un clan de la tribu des Banu Hanifa originaire de l’oasis de Dariya, près de l’actuelle Riyad, dans le désert du Nejd. En 1744, Mohammed ibn Saoud s’allia à Mohammed ibn Abdelwahhab, un prédicateur fondamentaliste prônant le retour à l’islam des origines. Aux termes de cette alliance, Mohammed ibn Saoud devint le glaive du salafisme-wahhabisme cependant que Mohammed ibn Abdelwahhad ordonnait à ses partisans de reconnaître son autorité politique. Après avoir unifié par le fer et par le feu les tribus du Nejd sous l’étendard du wahhabisme, Mohammed ibn Saoud entreprit de conquérir le Hedjaz et ses lieux saints. Ses successeurs poursuivirent la conquête jusqu’au moment où, sur ordre de l’Empire ottoman, le pacha d’Egypte Méhémet Ali lança une expédition destinée à  l’éliminer. 

TRAITÉ DE COOPÉRATION AVEC LONDRES

En 1818, les saoudo-wahhabites furent écrasés. Fait prisonnier et livré au sultan ottoman, leur chef fut promené dans une cage à Istanbul, décapité, puis sa tête fut jetée dans le Bosphore. Réfugié dans le désert, l’un des fils du défunt y continua le combat. Après des péripéties complexes et de multiples guerres tribales et claniques, en 1891, les Al-Saoud furent vaincus par les Al-Rachid alliés aux Ottomans et ils s’enfuirent au Koweit où ils se placèrent sous protection britannique. De là, sous les ordres d’Abdelaziz ibn Saoud, ils reprirent ensuite la lutte contre les Al-Rachid. Chaque tribu conquise fut forcée d’adhérer au wahhabisme et, par conséquent, de reconnaître le pouvoir temporel des Al-Saoud. En 1915, Abdelaziz signa un traité de coopération avec Londres et en 1921, après avoir vaincu les Al-Rachid, il prit le titre de sultan du Nejd. Il lui restait encore à vaincre les Hachémites commandés par Hussein, le chérif de La Mecque, ce qui fut fait au mois d’octobre 1924. En 1926, avec la conquête de plusieurs régions yéménites, l’actuelle Arabie saoudite fut territorialement constituée. En 1929, les forces britanniques inter-vinrent aux côtés des Al-Saoud qui étaient aux prises avec une rébellion tribale. 
 

Après la mort du roi saoudien Abdallah, c’est Salmane ben Abdel Aziz qui lui a succédé le 23 janvier 2015. Il est le cinquième roi issu de la dynastie des Al-Saoud.
Après la mort du roi saoudien Abdallah, c’est Salmane ben Abdel Aziz qui lui a succédé le 23 janvier 2015. Il est le cinquième roi issu de la dynastie des Al-Saoud. 
 

UN ROYAUME SOUS PROTECTION AMÉRICAINE

En 1934, le royaume d’Arabie fut fondé par la réunion du Nejd et du Hedjaz et sa Constitution en fut la charia. La première grande découverte de pétrole se fit en 1938 et les Al-Saoud, dont la légitimité ne reposait alors que sur le wahhabisme, purent ensuite fonder leur pouvoir sur la richesse pétrolière. Le 14 février 1945, le roi Ibn Saoud signa une alliance stratégique avec les États-Unis, le « pacte du Quincy », du nom du croiseur de l’US Navy qui avait abrité sa rencontre avec le président Franklin Roosevelt. Prévu pour durer soixante ans, il fut renouvelé en 2005, et pour la même durée, par le président G.W. Bush. Cette alliance garantissait la protection du royaume saoudien par les Etats-Unis en échange du libre accès à ses richesses pétrolières. À partir de cette date, l’Arabie saoudite fut sous couverture militaire américaine et, à l’abri de ce parapluie, les Al-Saoud purent entreprendre en toute quiétude la subversion du monde musulman sunnite. À travers l’islamo-salafisme, ils entrèrent ainsi en guerre contre le nationalisme arabe du colonel Nasser. Les considérant comme des traîtres et des « laquais des Américains », ce dernier qui avait juré leur perte était allé jusqu’à déclarer que « les Arabes devraient commencer par libérer Riyad avant de libérer Jérusalem ». 

UN PACTE AVEC OUSSAMA BEN LADEN

Pour prendre le contrôle du monde sunnite, l’Arabie saoudite fonda la « Ligue du monde islamique » ou « Ligue islamique mondiale ». Son objectif était de dépasser l’arabisme au profit de l’islamisme afin de pouvoir toucher tous les musulmans et non uniquement les Arabes. Cette association statutairement dirigée par un Saoudien fut le vecteur de la diplomatie religieuse du royaume ; et c’est elle qui lui permit de s’implanter dans l’ensemble du monde musulman sunnite, y compris en Afrique. À partir de ce moment, le royaume joua ou vertement un double jeu, encourageant et soutenant le jihad mondial mais, en contrepartie, les jihadistes qu’ils subventionnaient devaient s’abstenir de contester le pouvoir des Al-Saoud. Ce fut le sens de l’accord conclu au début de la décennie 1990 entre le prince Turki al-Faycal, alors chef des services spéciaux saoudiens et Oussama ben Laden. En échange d’un énorme soutien financier lui permettant de mener le jihad, ce dernier s’engagea à ne pas mener d’action en Arabie saoudite (1).

(1) Ce pacte a été constamment démenti par les autorités saoudiennes.

Bernard Lugan