Eco Austral

Découvrez tous nos articles en illimité. Je m’abonne

Logo Eco Austral
n

Eco Austral

Réunion

Ibrahim Patel, président de la CCIR : « Nous ambitionnons de former les talents de demain »

Selon lui, la réforme de formation professionnelle risque de mettre en danger l’avenir des jeunes. Il annonce aussi deux cursus à Bac+5 dans le commerce et l’informatique, à la suite de l’école d’ingénieurs du BTP créée en 2010.



L’Eco austral : Quel bilan tirez-vous de la dernière réforme de la formation professionnelle ? 

Ibrahim Patel : Il n’y avait pas lieu de faire une réforme concernant le calcul de la taxe d’apprentissage (TA). Avant la réforme, la CCI collectait 12 millions d’euros et récupérait 6 millions fléchés pour le financement de nos centres de formations. La loi du 5 mars 2014 nous ampute de 2 millions d’euros que nous devons reverser à la Région. Grâce à notre relation de proximité, la collectivité nous restitue la partie non fléchée de la taxe d’apprentissage, donc le manque à gagner est de 500 000 euros. Nous avons réussi à maintenir nos effectifs (1 800 apprentis à la CCI en 2015 sur les 5 000 de La Réunion) grâce aussi à la confiance des entreprises en notre appareil éducatif (6 000 dossiers versant la TA en 2015). L’autre risque encouru, qui est le second volet de la réforme, c’est que les entreprises choisissent l’OCTA unique national plutôt que régional. Dans ce cas, les fonds iront certainement financer des formations en Métropole. 

Quelles sont vos priorités en matière de formations ?

Notre objectif est de former nos jeunes à Bac+5 tout en collant aux besoins des entreprises régionales et à la problématique des familles qui n’ont pas forcément les moyens d’envoyer leurs enfants faire une partie de leur cursus en Métropole. Il y a aussi une catégorie de personnes qui ne veulent pas quitter le cocon familial. Après l’école d’ingénieurs du BTP, mise en place en 2010, et qui affiche un taux d’insertion professionnelle de 100%, nous espérons ouvrir à la rentrée prochaine une école d’ingénieurs en informatique, dans le cadre de l’apprentissage. Cela répondra aux besoins des entreprises réunionnaises, notamment en développement et sécurité informatique. Nous projetons également d’ouvrir une école supérieure du commerce pour former jusqu’au Master. Pour l’instant, l’EGC, l’École de gestion et de commerce, née en 1990 et qui a formé 900 jeunes depuis sa création, forme au niveau Bachelor à Bac+3. Ce n’est pas suffisant. 

Comment soutenez-vous l’entrepreneuriat à La Réunion ?

L’année dernière, nous avons accueilli 34 000 personnes dans les quatre Maisons de l’entreprise de l’île. Nous proposons un programme d’accompagnement avec des interventions d’experts sur les volets social, juridique, administratif, etc. Chaque semaine, nous proposons des « matinées du créateur » et une formation intitulée « Cinq jours pour entreprendre ». Malgré le contexte économique, l’entrepreneuriat est dynamique à La Réunion ; en 2015, 4 247 nouvelles entreprises ont vu le jour, soit +7,7% par rapport à 2014. Le nombre de radiations s’est quant à lui stabilisé. Nous avons également créé les « Trophées de l’Entrepreneur » en 2012, une vitrine pour les créateurs et un accélérateur de réussite. En juillet 2015, nous avons signé un partenariat avec l’ADIE (Association pour le droit à l’initiative économique) pour aider financièrement les TPE dans leurs projets de création et de développement, du montage au financement du dossier. 

Comment mieux mettre en phase formation et emploi ? Est-ce que cela peut passer par une régionalisation de Pôle Emploi ?

Cette idée n’est pas aberrante quand on sait que la Région est compétente en matière de formation, d’orientation, mais aussi de développement économique du territoire. Mais qui dit transfert de compétences dit transfert de moyens. Les Régions auraient-elles alors les moyens de leurs compétences ? À La Réunion, le montant des allocations chômage s’élève à 500 millions d’euros. C’est considérable. Pour lutter efficacement contre le chômage, on pourrait imaginer des entreprises employant des demandeurs d’emploi, sur la base du volontariat de part et d’autre. L’État verserait les indemnités de chômage directement à l’employeur qui aurait à compléter le salaire de son employé sur un temps donné. Cette solution pourrait très bien fonctionner, mais il y a clairement un verrou à faire sauter. Par ailleurs, nous attendons que la gestion des registres du commerce soit confiée aux CCI d’Outre-mer, ce qui permettrait de délivrer des Kbis, le seul document officiel et légal attestant de l'existence juridique d'une entreprise commerciale, dans un délai raisonnable car le greffe, à ce jour, affiche un retard énorme. 

LES NOUVELLES MODALITÉS DE LA COLLECTE DE LA TAXE D’APPRENTISSAGE 

Le nombre d’Organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage (OCTA) est réduit de 150 à une vingtaine au niveau national, plus un par région. Au niveau national, seuls les Organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) de branche et interbranche sont habilités à collecter et reverser la taxe d’apprentissage. Au niveau régional, une seule chambre consulaire, la CCI à La Réunion, désignée par une convention conclue entre les différentes chambres consulaires régionales, est habilitée à collecter et reverser les fonds affectés de la taxe d’apprentissage. L’entreprise devra verser l’intégralité de sa taxe d’apprentissage et de la contribution supplémentaire à l’apprentissage à un OCTA unique national ou régional. Les moyens des Régions sont renforcés par la création d’une fraction régionale de la taxe, effective dès 2015. Les OCTA répartissent les fonds libres de la part quota de la taxe destinée à l’apprentissage, dans le cadre d’une concertation obligatoire avec la gouvernance régionale. La typologie des formations, établissements et organismes pouvant percevoir des fonds au titre de la part hors quota de la taxe est recentrée sur les formations visant l’obtention de diplômes ou de titres.